Avis sur la légalité du sit-in : Ce qu’en dit le MBDHP
Ceci est une déclaration du Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP) sur les libertés publiques au Burkina.
Depuis un certain temps, il est regrettable et préoccupant de constater une multiplication d’actes de remise en cause des libertés de manifestation et d’expression dans notre pays par le gouvernement.
A titre d’illustration, nous pouvons noter les faits récents suivants :
- la forte présence policière devant le Ministère de l’Economie, des Finances et du Développement (MINEFID) en vue d’empêcher les travailleurs en lutte d’y tenir des sit-in ;
- les correspondances adressées à certains syndicats par leurs ministres de tutelle, pour les dissuader de tenir des sit-in au sein desdits ministères ;
- la répression sanglante d’une manifestation des populations de Béguédo, revendiquant un meilleur accès à l’énergie ;
- l’inculpation de l’activiste Naïm Touré, suite à une publication sur sa page facebook ;
En ce qui concerne les libertés syndicales, le gouvernement se réfère à un avis du Conseil d’Etat déclarant les sit-in illégaux en ces termes : « Le mot « sit-in », d’origine anglaise et signifiant « s’asseoir sur » est défini dans le dictionnaire le petit Larousse illustré comme étant « une manifestation non violente consistant à s’asseoir en groupe sur la voie publique.». Cette notion telle que définie, ne figure pas dans notre législation nationale ; en effet, seule la grève, définie comme étant une cessation concertée du travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles et d’assurer la défense des intérêts matériels et moraux des travailleurs, est reconnue aussi bien dans le statut général de la Fonction Publique d’Etat (article 70) que dans le Code du Travail.
De ce qui précède, il s’ensuit que le « sit-in » n’est pas légal au Burkina Faso et que les agents qui s’adonnent à ces pratiques sont dans l’illégalité totale ; et commettent une faute passible de sanction disciplinaire dont le quantum est laissé à l’appréciation du supérieur hiérarchique des agents concernés ».
Il importe de souligner que cet avis, qui est loin d’être une décision de justice, ne saurait lier le gouvernement de façon absolue. Ainsi, l’utilisation abusive de ce fameux avis, revêt plutôt un caractère politique et liberticide évident.
Comment du reste ne point relever le caractère curieux d’un tel avis, alors même que la Constitution du Burkina garantit la liberté de manifestation, que précisent les dispositions de la loi N°22/97/II/AN du 21 octobre 1997 portant liberté de réunion et de manifestation sur la voie publique ?
Par ailleurs, le Burkina a ratifié un certain nombre de conventions garantissant la liberté de manifestation dont les sit-in, notamment la convention n°87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, ainsi que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Le rapport du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association, adopté le 21 mai 2012 par L’Assemblée générale des Nations-Unies, définit la réunion en ces termes : « Par «réunion», on entend tout rassemblement intentionnel et temporaire dans un espace privé ou public à des fins spécifiques. Ce terme englobe donc les manifestations, les réunions en local clos, les grèves, les défilés, les rassemblements ou même les sit-in ».
Alors même que le gouvernement fait ainsi peser une grave menace de remise en cause d’une liberté chèrement conquise par la lutte de notre peuple, voilà que l’activiste Naïm Touré est interpellé le 14 juin 2018, par la gendarmerie nationale et par la suite entendu par le procureur du Faso, le 19 juin, puis déféré à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO). Il est poursuivi pour « participation à une entreprise de démoralisation des forces de défense et de sécurité », « incitation de troubles à l’ordre public » et « proposition aux forces de défense et de sécurité de former un complot contre la sûreté de l’Etat ».
Le motif officiel d’un tel acharnement politico-juridique contre Naïm Touré, serait une publication faite sur la page facebook de l’intéressé le 13 juin 2018, dans laquelle il s’indignait du sort réservé à un gendarme blessé lors des attaques de Ragnongo.
Au regard de la gravité et de la récurrence de tels actes attentatoires aux libertés de réunion, d’association, de manifestation, d’opinion et d’expression, le MBDHP :
- dénonce et condamne ces manœuvres liberticides et nuisibles à tout progrès réel du processus de démocratisation en cours ;
- invite instamment les autorités burkinabè au respect des dispositions de la législation nationale, ainsi que des conventions internationales auxquelles notre Etat a librement souscrit ;
- appelle ses militants et l’ensemble des démocrates de notre pays à se tenir prêts pour une vaste campagne de dénonciation et d’actions à venir, en vue de défendre et préserver les libertés publiques, notamment celles de réunion, d’association, de manifestation, d’opinion et d’expression, chèrement acquises au prix de la sueur et du sang de notre peuple.
- Non aux menaces contre les libertés publiques !
- Non aux prédateurs et assassins des libertés publiques !
Ouagadougou, le 25 juin 2018
Le Comité Exécutif National
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