Burkina : Les avocats plaident dans la rue
Pour la deuxième fois dans l’Histoire du Burkina Faso, les avocats ont battu le pavé. La première, c’était en 1992 pour exiger l’institution d’un Barreau pour le Burkina Faso. La seconde a eu lieu le lundi 29 avril 2019. La marche silencieuse « de tous les avocats » du Burkina Faso avait pour objectif de dénoncer d’une part, le blocage de l’appareil judiciaire et d’autre part, « l’incapacité de l’Etat à apporter une solution durable » à ce blocage. Ainsi, de la Maison de l’avocat, ils ont été une centaine à rejoindre le ministère de la Justice pour déposer leur mémorandum.
A ce jour, 808 prévenus détenus attendent d’être jugés. 1.640 inculpés détenus dont les dossiers sont dans des cabinets en instruction et 3.641 condamnés emprisonnés dont l’application des peines « est sans doute entravée par ce dysfonctionnement ». C’est le point dressé par Me Paulin Salambéré, Bâtonnier de l’Ordre des avocats, le lundi 29 avril 2019 devant le ministère de la Justice. « La justice pénale cette année a été clairement inexistente », soutient l’avocat.
Depuis le mois d’octobre 2018, les avocats ont constaté l’impossibilité de déférer dans les 24 parquets, des personnes contre lesquelles des procédures pénales sont envisagées, le maintien de certaines personnes dans des unités de Police judiciaire en dépit de l’expiration manifeste des délais de gardes à vue et ce, en raison de l’impossibilité de les déférer, a expliqué Me Paulin Salambéré.
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En sus de cela, il note également la non-tenue des audiences de flagrants délits, de celles des cotations (accidents et infractions diverses), l’impossibilité d’effectuer les interrogatoires dans les cabinets des juges d’instruction compte tenu à la fois de l’impossibilité de déférer les personnes soupçonnées et d’extraire les inculpés détenus, la mise en danger de la vie des détenus par les dysfonctionnements dans les maisons d’arrêt et de correction.
En outre, poursuit le bâtonnier Salambéré, il y a l’impossibilité matérielle pour les détenus de bénéficier des visites de leurs parents, de leurs proches, de leurs conseils et inversement. Tous ces blocages, à en croire les avocats, résultent du conflit qui oppose la Garde de sécurité pénitentiaire (GSP) à l’Etat depuis octobre 2018 d’une part et les fonctionnaires des corps des greffiers depuis le 19 avril 2019, d’autre part.
Par cette marche silencieuse qui a connu la participation de Me Titinga Pacéré, les avocats ont dénoncé « la violation massive et indiscriminée des droits des usagers de la justice ». Sans « nier la responsabilité qui incombe à l’Etat », les avocats l’ont invité à trouver « urgemment » des solutions pour assurer la « reprise immédiate » de toutes les activités juridictionnelles et à mettre fin sans délai et sans désemparer, à toutes les violations des droits humains découlant du blocage de l’institution judiciaire.
Le Barreau du Burkina Faso prévient ainsi l’Etat qu’il n’hésitera pas à initier des actions aux plans interafricain et communautaire « pour mettre l’Etat face à sa responsabilité et que les avocats restent mobilisés pour obtenir la résolution de ce blocage par d’autres actions », déclare Me Salambéré.
Marche des avocats à Ouagadougou
Pour Me Antoinette Ouédraogo, le dysfonctionnement de la justice est « la plus grande menace qui pèse sur notre pays ». La paix, poursuit-elle, frénétiquement recherchée par tous les Burkinabè, « sera un vain mot tant que la justice protectrice, réparatrice, consolatrice et quelques fois punitive s’éloignera de notre quotidien (…) L’injustice crée la souffrance et mène à la violence ».
A la suite de la marche sur le ministère de la Justice, les avocats ont été accueillis par des représentants du ministre de la justice et du ministre des droits humains et de la promotion civique. « Nous vous rassurons que le mémorandum que vous nous avez remis sera transmis à leurs destinataires », a promis Issa Fayama, directeur de cabinet du ministre de la justice.
Ignace Ismaël NABOLE
Burkina 24
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