Ouagadougou : Ces jeunes qui hésitent à se marier
Le mariage est considéré comme un moment de joie, une étape importante du passage à la vie d’adulte. Mais, sa célébration, selon certains, n’est pas des plus aisées. Si bien que de plus en plus de jeunes ont tendance à préférer le célibat à la vie de couple.
Jean-Luc Bambara est un jeune de 25 ans, rencontré fin avril 2019 à Ouagadougou. Il est titulaire d’un Master 2 en Économie obtenu à l’Université Joseph Ki Zerbo. L’unique fils de la famille Bambara est en quête d’emploi. Mais, comme il le confie, « il y a environ deux ans, sous l’incitation de ma petite amie, j’ai décidé de me marier ». La date de leur union est en passe d’être définie.
Afin de convoler en justes noces, les deux amoureux décident d’informer leur famille respective. « Après les discussions, nos deux familles étaient d’accord pour qu’on se marie. Jusque-là, il n’y avait pas de problème », dit-il. « Le hic s’est produit lorsqu’on a voulu faire une estimation du coût du mariage. Seul, j’avais tout plafonné à un million de F CFA. Mais, quand j’ai mis ma copine et mes parents au courant, tout a été mélangé », se rappelle encore le sans-emploi de 25 ans.
Assis sur un banc, les yeux embués par l’émotion, le jeune homme s’efforce de puiser dans son passé un brin d’histoire à raconter. Les échanges se passaient bien jusqu’à ce que, tout d’un coup, notre interlocuteur se mette à pointer un doigt accusateur sur sa copine, ses parents et ceux de sa dulcinée. « Chacun a mis sa touche et ils ont alourdi la tâche. Au final, je me suis retrouvé avec une estimation de plus 2 millions de F CFA », explique l’économiste en herbe.
Jean-Luc Bambara décide alors de renvoyer son mariage à une date ultérieure. « Après réflexion, j’ai décidé de reporter le mariage, le temps de réunir encore plus d’argent. Ma copine n’a pas accepté l’idée et nous nous sommes quittés. Et depuis lors, l’idée du mariage ne me vient plus en tête ». Et c’est la fin d’une aventure amoureuse.
Récurrent
Jean-Luc Bambara fait partie des jeunes Ouagalais qui préfèrent désormais la vie de célibataire. Plusieurs personnes se sont intéressées d’ailleurs à cet état des faits devenu de plus en plus récurrent, notamment dans la Capitale burkinabè.
« En permettant aux couples d’avoir des relations sexuelles avant le mariage sans trop craindre les grossesses, la pilule a amené plus de femmes à retarder leur mariage assez longtemps pour finir leurs études et commencer une carrière », estime, pour sa part, Marck Regnerus, écrivain et professeur de sociologie à l’université de Texas dans son livre « Cheap sex » paru en octobre 2018.
L’écrivain spécialiste en comportement sexuel, en dynamique des relations et des religions, fait partie de ceux qui s’attardent à expliquer le refus des jeunes, notamment les filles, à se mettre en couple par l’évolution de la médecine et des technologies.
D’autres personnes avancent des raisons liées au manque de moyen financier et matériel. « Il y a des jeunes qui nourrissent l’envie et même le besoin de se marier, mais c’est difficile lorsqu’on n’arrive pas à joindre les deux bouts », est convaincu Abdoul Aziz Ouédraogo, un jeune de la trentaine d’années avec qui nous avons échangé à Ouagadougou.
Le « boucan » du mariage
Mais le véritable problème ne se trouve-t-il pas au niveau du faste des célébrations ? « Actuellement, le mariage en tant que tel n’est pas un problème. Le véritable problème, c’est la réception et les préparatifs », tente d’expliquer une jeune fille d’environ 35 ans ayant requis l’anonymat.
Dans le processus du mariage, elle explique que les difficultés sont beaucoup plus criardes au niveau de la célébration des mariages : « demoiselles et garçons d’honneur» à habiller, invités à loger, salles et équipements à louer, entre autres. Un mode de célébration visiblement devenu « viral » qui rebute cependant les jeunes célibataires.
L’après-mariage est aussi une étape pointée du doigt par des confidents que nous avons rencontrés. « Même si tes parents cotisent pour les dépenses du mariage, tu vas vivre comment avec ta famille ? Vont-ils toujours cotiser pour que tu nourrisses ta femme et tes enfants ? », s’interroge Jean-Luc Bambara. La question, pour lui, n’est donc pas seulement le « boucan » du mariage, mais aussi la suite, la vie en famille et les dépenses qui s’en suivent.
D’autres raisons avancées
« Non, les problèmes liés aux préparatifs du mariage, à la célébration et à la vie de couple ne sont pas les seules raisons qui maintiennent les jeunes dans la vie de célibataire », répond Abdoul Aziz Ouédraogo. « Il y a le manque de confiance en soi et le manque de confiance en la personne qu’on croise », ajoute-t-il. Pour ce dernier, la confiance est la « clé » de toute relation et de tout couple. Une chose devenue difficile pour les jeunes.
Une autre raison avancée est l’interprétation des relations entre hommes et femmes. « Les jeunes prennent le sexe comme de l’amusement », s’alarme un autre homme visiblement âgé avant d’ajouter que la carrière professionnelle compte souvent beaucoup plus que le foyer.
Une observation partagée par Abdoul Aziz Ouédraogo. Il déplore le fait que le caractère sacré du partage ait disparu dans les sociétés. L’aîné frôlant la cinquantaine affirme que « si déjà tu te maries tôt, c’est comme si c’était un frein. Et c’est tout à fait normal, parce qu’il est difficile d’avoir une vie de couple et de continuer à étudier, de continuer à te battre dans certains domaines ».
Autant de raisons qui feraient que les jeunes aujourd’hui se montrent de plus en réticents à se mettre la corde au cou.
Basile SAMA
Burkina 24
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Absolument après tout ce qui a été souligné dans cet article, le big deal est vraiment la vie de couple, notre compréhension de cette vie, la fidélité. Les femmes tentent de trouver des jeunes hommes frais comme elle le disent et les hommes un deuxième bureau 😥 . C’est vraiment dommage et j’ai vraiment peur qu’au finish le mariage ne devienne qu’un contrat à durée déterminée
Bien le bonjour,
Pour ma part, je reste convaincu que la réticence des jeunes vis-à-vis du mariage n’est pas vraiment d’ordre financier pour les cérémonies que cela engendre. Laissez-moi vous dire qu’actuellement, les jeunes ont de plus en plus une vision axée sur le long terme, c’est à dire que même si ta compagne est prête pour un mariage « simple », sobre, là n’est pas le soucis du conjoint. Le soucis se trouve dans l’inquiétude de prendre en charge une personne autre que soi même, sans compter les enfants à venir et tout ce qui va avec. Et toutes ses inquiétudes sont nées de la situation économique actuelle. Croyez moi, la liberté vis-à-vis du sexe n’est pas le seul vrai problème.