Tribune │ Burkina 2020 : Pour briser le cercle vicieux

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Ceci est une tribune de Maixent Somé sur la présidentielle de 2020.

Nos myopies collectives

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Pendant des années, nous nous sommes focalisés sur la nécessaire dépolitisation de l’armée pour des raisons évidentes.

Depuis 1966, l’armée avait de facto accaparé le pouvoir au Burkina Faso.

Dans la lutte pour le pouvoir, entre celui qui a un fusil et celui qui a les mains nues, c’est vite vu !

Cela me rappelle une fameuse réplique du célèbre Western Spaghetti Le Bon, la Brute et le Truand :

« Vois-tu Tuco, le monde se divise en deux : Ceux qui tiennent un revolver chargé, et ceux qui creusent. Toi, tu creuses ! « …

Avec la chute de Blaise Compaoré, ce débat est reparti de plus bel. Et avec le putsch du RSP, il a enfin été tranché. On ne veut plus de militaires en tenue et en armes dans la vie politique.

Bien-entendu, ceux que cela avantageait (militaires et civiles) sont contre, et la mollesse du régime actuel leur permet de donner de la voix à nouveau.

Mais j’ai l’intime conviction qu’on ne reviendra pas là-dessus. Le processus est enclenché.

Pour reprendre les archétypes du film de Sergio Leone, Exit donc la Brute !

Mais pendant ce temps, on a oublié le Truand : la politisation de l’administration.

Si nous avons une administration aussi sclérosée, inefficace et prédatrice, c’est parce qu’elle est politisée.

Pour assurer une formation professionnelle continue à nos fonctionnaires, il faut leur payer per diem, frais de mission, et « motivations administratives ». En clair, les payer en plus de leur salaire pour les jours de formations !!!

Pour distribuer les intrants vendus à prix subventionnés, il faut instaurer des commissions afin de désintéresser (dissuader de trop voler) les agents publics membres de ces commissions, leur verser en plus des ristournes sur les ventes…

La hiérarchie et les règles ne veulent absolument rien dire dans notre administration car ce n’est pas l’organigramme qui compte, mais le sociogramme politique !

René Dumont nous rapporte une citation de Julius Nyerere qui résume très bien la situation :

« Il y avait dans la Tanzanie de 1979, trois bureaucraties (…) :

– la bureaucratie classique, à savoir celle de l’Administration, qui n’était pas la plus mauvaise ;

– la bureaucratie du parti: quand on a en effet une grande « gueule » et des études médiocres, on fait plus vite carrière dans le parti que dans l’Administration;

– puis la troisième bureaucratie, qui finance les deux autres, celle qui gère les entreprises publiques dans laquelle on vole pour les deux autres bureaucraties ».

Il nous faut donc à présent dépolitiser notre administration. Mais comment me direz-vous ?

Et bien, puisque notre système est calqué sur celui de la France, commençons par nous inspirer des Lois Rocard de 1993.

Légiférons pour :

– financer correctement les partis politiques ;

– amnistier les anciens délits liés au financement des partis politiques ;

– plafonner et contrôler les dépenses de campagne ;

– traquer et sanctionner sans pitié et sans répit ceux qui s’entêteront à vouloir continuer à faire comme avant.

C’est à ce prix là et à ce prix là seulement que le politique reprendra son nécessaire leadership sur l’administration, et que l’administration deviendra enfin la colonne vertébrale de l’État burkinabè et l’architecte du développement du Burkina.

Quadrature du cercle

En effet, au point où nous en sommes, pour mettre le Burkina sur les rails du développement et de la justice sociale, tout le monde ou presque sait à peu près ce qu’il faudrait faire :

– Dégraisser le mammouth de l’administration à la hache et la mettre enfin au travail pour produire du service public ;

– Purger la justice de ses éléments les plus corrompus et la mettre enfin au travail ;

– Légiférer pour mettre fin à la corruption liée au financement politique. Toutes les autres formes de corruptions seront drastiquement réduites de ce simple fait, de même que le clientélisme ;

– Avoir le courage de fixer des priorités quinquennales et les mettre vigoureusement et rigoureusement en œuvre ;

– Améliorer le climat des affaires (Doing Business) pour mettre fin au pillage des oligarques.

– Définir clairement et constitutionnaliser le rôle des chefferies coutumières et religieuses afin de sortir de l’ambiguïté toujours favorable aux magouilles en tous genres.

Seulement voilà. Dans le cadre actuel, les moyens par lesquels on arrive au pouvoir empêchent toute velléité de réforme…

Vous ne pouvez pas vous en prendre impunément aux intérêts de ceux qui vous ont fait roi ; et il faut singulièrement manquer d’éducation pour mordre la main qui vous engraisse !

Comment faire alors ?

Partout dans le monde, c’est la pression de l’opinion publique qui oblige les dirigeants à plus de justice sociale et plus de transparence dans la gestion des affaires publiques. Mais cela ne marche que lorsque l’opinion publique se confond avec l’électorat.

Or chez nous, ceux qui constituent l’opinion publique ne votent pas, et ceux qui votent n’ont pas d’opinion politique. Ils ont des préoccupations plus immédiates, plus sommaires.

C’est ce gap que nous devons combler si nous voulons rompre ce cercle vicieux.

Passons de la rue aux urnes !

Il y a péril en la demeure

C’est parce que la démocratie et les droits humains sont dévoyés dans nos pays, que de plus en plus d’africains les mettent en balance avec le développement économique.

On nous dit que nous vivons en démocratie alors que nous voyons tous les jours que ce que nous vivons n’est pas une démocratie. Ce cocktail iniquité/impunité est explosif.

Alors des gens se disent si c’est ça la démocratie, alors autant essayer autre chose. Seulement voilà : Il y a ceux qui disent « pourquoi pas une dictature éclairée ? » en pensant au Rwanda de Paul Kagamé, et d’autres qui disent « Allah est la solution ! ».

Ce sont hélas les deux tendances qui sont en hausse dans nos pays …

La solution, ce n’est ni Allah ni un dictateur dont on espère sans garantie qu’il soit éclairé. La solution, c’est une citoyenneté pleine et entière. Et le droit de vote en est une composante essentielle.

Maix.

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