Tribune │ Les Partenariat Public-Privé (PPP) comme alternative de développement au Burkina Faso : Le politique a pris le pas sur le technique
Ceci est une tribune de Docteur Mahamoudou Kiemtore sur le partenariat public-privé.
Les crises financières qui secouent le monde depuis les années 2000 ont entrainé une recrudescence d’intérêt pour les PPP aussi bien dans les pays dits développés que ceux en développement. Les pouvoirs publics tout en faisant face à diverses contraintes de ressources reconnaissent, du même coup, l’importance de l’investissement dans les infrastructures afin développer leur économie, se retournent de plus en plus vers le financement du secteur privé.
Dans le cas spécifique du Burkina Faso, la loi n° 020-2013/AN du 23 mai 2013 portant régime juridique du partenariat public-privé (PPP) modifiée par la loi n°042-2017/AN portant allègement des procédures de contractualisation du programme des projets de partenariat public-privé (PPP) marque ce recours aux PPP comme outils de développement socio-économique. Si cette modification a connu un débat très animé au plan politique, elle a brillé par l’insuffisance d’analyse technique et scientifique y afférente aux PPP. Toutefois, il faut noter que techniquement, les PPP constituent une alternative importante au développement d’un pays à plusieurs égards pourvu que les préalables techniques soient respectés en la matière.
En rappel, un PPP est un contrat ou un ensemble de contrats à long terme passé entre un pouvoir public (État ou collectivité territoriale) à une entreprise privée pour la conception, le financement, la réalisation, l’entretien et l’exploitation (Design- Finance-Build-Operate) ou pour la Conception-Réalisation-Financement-Exploitation-Entretien d’infrastructures au profit du secteur public. C’est une relation d’affaires contractuelle à long terme entre une autorité publique et le secteur privé. Les PPP sont une approche à long terme basée sur la performance, pour concevoir, financer, réaliser, entretenir et exploiter des infrastructures où le partenaire privé assume une part très importante des responsabilités à l’égard des risques. Cette approche contractuelle peut être une alternative au développement pour le Burkina Faso si elle est bien conçue en respectant les exigences techniques et scientifiques.
En effet, les PPP sont une alternative à l’endettement public. En transférant la conception, le financement, la réalisation, l’entretien et l’exploitation des infrastructures publiques au secteur privé dans le cadre des PPP, le pouvoir public externalise son endettement et accroit son investissement prévu au budget. Les PPP peuvent pallier la fragilité des finances publiques et réduire l’endettement public.
Les PPP sont également une réponse à l’insuffisance technique du secteur public. La présence d’un partenaire privé donne, au secteur, public accès à une expertise onéreuse et pointue, particulièrement dans le domaine des nouvelles technologies. Dans le cadre des PPP, le secteur public peut disposer de toutes les ressources et compétences nécessaires à la conception, réalisation, financement et exploitation d’un bien ou d’un service lui permettant de répondre adéquatement à la demande socioéconomique.
Les PPP peut permettre de réduire les coûts dans la réalisation des infrastructures publiques. Les PPP couronnent les efforts de rapprochement entrepris par le secteur public porté à réaliser ses objectifs à moindre coût, de façon efficace et efficiente. Le secteur privé dans le cadre des PPP a intérêt à livrer les projets dans les délais, les coûts impartis et la qualité requise, en ce sens qu’il aura lui-même la responsabilité de l’exploitation et l’entretien à long terme des infrastructures dans un intervalle de tarifs encadrés par le secteur public.
En résumé, étant entendu que le partenaire privé demeure responsable de l’entretien et de l’exploitation de l’infrastructure durant sa vie utile, ce dernier est incité à relever la qualité afin de minimiser les frais d’entretien subséquents. Aussi, les recettes et les profits du partenaire privé sont fonction de l’utilisation de l’infrastructure ou du service par la population, il est donc de son intérêt à offrir un service attrayant et à l’adapté aux besoins émergents et à moindre coût.
En outre, par le billet des PPP, le secteur public transfert des risques potentiels au secteur privé. Les PPP permettent au secteur public de transférer au partenaire privé, une grande partie des risques potentiels dans le cadre de la conception et la mise en œuvre des projets.
Les PPP sont une ouverture à la créativité, à l’innovation et à l’inventivité par le truchement des offres spontanées. Ils peuvent être envisagés comme un moyen de s’ouvrir à la technologie et l’innovation du secteur privé afin de proposer des services publics de meilleure qualité grâce à une meilleure efficacité opérationnelle. Les offres spontanées peuvent être une occasion d’attirer plusieurs soumissionnaires potentiels afin de sélectionner les meilleures opportunités de créativité et d’innovation et de bénéficier des solutions intégrées développées par les entreprises privées.
En conclusion, quelle que soit la formule retenue, les réserves à l’endroit des PPP sont pour une grande part dues à la complexité qui les caractérise mais aussi à la confusion qui est souvent faite avec la privatisation. Les accepter sans critique c’est faire preuve de myopie; les récuser d’emblée, c’est faire preuve de manque d’ouverture.
Cependant, bien qu’étant un instrument politique de développement socioéconomique, l’ouverture aux PPP doit être précédée d’une grande maîtrise technique du processus de d’identification, d’analyse, de sélection, de préparation, de planification, de passation des marchés, de mise en œuvre, d’accompagnement et de suivi-évaluation des PPP. Dans le contexte burkinabé, cette exigence technique préalable a dû faire défaut et les débats ont été plus politiques que techniques.
Mahamoudou Kiemtore,
Docteur en Management de Projets
Secrétaire Exécutif
African Project Management Institute (APMI)
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