Me Sankara : « S’il y a des institutions qu’on estime inutiles, il faut les supprimer »

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Président de l’Union pour la renaissance/Parti sankariste (UNIR/PS), Me Bénéwendé Sankara est aussi vice-président de l’Assemblée nationale. A la faveur d’une interview à Burkina 24 le mercredi 15 janvier 2020, Me Bénéwendé Sankara s’exprime sur la suite de sa carrière à l’approche de l’élection présidentielle. Les sujets d’actualité liés au Sommet de Pau (France) et d’autres questions nationales ont été abordés. 

Burkina 24 (B24) : Nous débutons une année, quels sont vos vœux pour les Burkinabè ?

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Me Bénéwendé Sankara : C’est une opportunité pour moi de pouvoir, à travers Burkina24, exprimer mes sincères vœux d’abord à votre média pour tout le travail que vous faites dans le cadre du renforcement de la liberté d’expression dans notre pays et pour l’ensemble de tous ceux qui ont accès à Burkina24, je leur souhaite une année de santé, une année de réconfort moral, d’accomplissement de soi et à l’ensemble du peuple burkinabè, une année de tranquillité, une année de paix, une année d’engagement commun où enfin les Burkinabè en 2020 vont oublier ce que nous avons vécu en 2019 comme atrocité.

Nous avons été éprouvés d’une manière ou d’une autre, chacun et chacune, à travers les attaques djihadistes, peut-être à travers la maladie, à travers beaucoup de maux qui minent notre société. Que l’année 2020 soit une année ou le vivre ensemble burkinabè va se renforcer. 

B24 : Pour venir à l’actualité, votre parti est signataire de ‘’l’Initiative souveraineté dignité et paix’’ avec à la clé une rencontre à Pô au Burkina Faso. Pouvez-vous revenir sur les engagements pris ?

Me Sankara : D’abord, il faut rappeler que cette initiative, l’UNIR/PS en tant que membre du Front progressiste sankariste a été l’un des initiateurs. L’initiative au départ se voulait très large. Les premières rencontres, on a vu beaucoup d’associations de la société civile, certains partis politiques qui avaient participé mais au regard du report  (du Sommet de Pau, ndlr) et du débat qui se mène, finalement on s’est limité à 11 signataires. D’autres pays ont aussi souscrit à la déclaration de Pô – Nouhouri, la ville incandescente de la Révolution démocratique et populaire du président Thomas Sankara. Donc le choix n’est pas anodin.

La philosophie d’Initiative souveraineté n’est pas, en ce qui nous concerne, de passer tout notre temps à dénigrer les chefs d’Etat, mais à exprimer les préoccupations et les aspirations fondamentales des peuples et de dire que les chefs d’Etat sont les représentants de ces peuples de façon légitime et devraient pouvoir, face aux autorités françaises, exprimer les vraies préoccupations de leurs populations.

Si vous vous rappelez, dès que monsieur Emmanuel Macron avait annoncé la conférence de Pau à partir d’une réunion de l’OTAN, il y a eu une espèce de tollé pour donner des injonctions aux chefs d’Etat du G5 Sahel pour les intimer de ne même pas aller à Pau. Nous nous sommes élevés contre cette façon de voir pour dire que bien au contraire, il faut que les chefs d’Etat y aillent, mais à la seule et une condition, qu’ils expriment le ras-le-bol des populations africaines, qu’ils puissent exprimer à la  face d’Emmanuel Macron, la désapprobation notamment de la jeunesse africaine, des peuples africains face à la manière cavalière, paternaliste, qu’il a employé pour convoquer la réunion de Pau.

Au niveau de la forme, tout le monde était braqué, je pense que cette réaction musclée des populations africaines, notamment du G5 Sahel, a amené les autorités françaises à revoir leur copie, à utiliser les procédures diplomatiques qui conviennent, une mission a été dépêchée dans les différents Etats. Cela étant régularisé, il fallait maintenant passer aux questions de fond, la conférence proprement parlé du 13 janvier.

Lire 👉 Me Sankara : « Il faut que Roch Kaboré dise à Emmanuel Macron que les accords de coopération sont dépassés »

A la rencontre de Pô (Burkina Faso, ndlr), les engagements, c’est surtout la perspective, la lutte. C’est pourquoi je rappelais un peu l’historique pour dire qu’aujourd’hui, ce qui convient pour notre jeunesse combattante, c’est comment la lutte va se poursuivre ? Comment nous allons coordonner l’ensemble du mouvement, aussi bien au niveau de la société civile que des partis politiques notamment progressiste qui adhèrent à l’idée ?  

Notre engagement fondamental, c’est faire que nos chefs d’Etat prennent en compte les préoccupations et les dénonciations qui sont en train d’être faites. Mais, toute proportion gardée, tenons compte de toutes les analyses politiques, économiques, militaires etc.

B24 : Parlant du débat africain, des organisations de la société civile et des politiques ont demandé clairement le départ des forces françaises de la zone sahélienne. Est-ce l’un des points que vous défendez ?

 

B24 : Concédez-vous que les chefs d’Etat n’ont pas cette capacité d’assurer la sécurité de leurs concitoyens ?

Me Sankara : Est-ce que vous pensez qu’aujourd’hui, les populations africaines concernées, notamment du G5 sahel, qui sont en proie au terrorisme ont suffisamment les moyens humains, matériels, logistiques pour y faire face ? C’est toute la question qui est posée et je pense, parlant du Burkina Faso, c’est maintenant qu’on constate que les Forces de défense et de sécurité commencent à avoir la main.

Mais tous les matins, on nous sert des attaques, des victimes. Est-ce que dans ce contexte, il faut renoncer à tout ce qui peut aider, concourir à anéantir le terrorisme ? C’est là la problématique. Nous avons dit, l’exemple de Kidal n’a pas rassuré les peuples africains. On estime qu’il y a eu une espèce de double jeu. Est-ce que véritablement, la France qui se réclame parmi les pays les plus forts de ce monde avec une armée bien dotée, pouvait être là, présente avec Barkhane et sous le nez et à la barbe de ses forces, il y a tant d’attaques et tant de victimes. Ce sont ces questions qui ont amené la suspicion qui a amené Macron à parler de sentiment anti-français.

Vous comprenez que ce sont des réalités qui sont sur le terrain que les décideurs analysent avant de prendre toute décision. Cela, bien sûr, peut ne pas plaire à ceux qui pensent qu’on peut, par un coup de bâton magique, avoir la solution.

B24 : En décembre passé, vous avez dénoncé le ‘’paternalisme français d’une autre époque’’. Après le Sommet de Pau (France), avez-vous eu le sentiment qu’il y a eu une évolution ?

Me Sankara : Si ! Il y a eu une évolution en ce sens qu’avec Pau de France, le président français reconnait qu’il faut revoir le cadre institutionnel des accords. Cela veut dire qu’implicitement, il reconnait que tous les accords qui existent, que d’ailleurs nous dénonçons, sont dépassés. Deuxièmement, il reconnait aujourd’hui qu’il faut dépasser le cadre du G5 sahel et parler de Coalition sahel qui va désormais impliquer toute la communauté internationale.

Donc on considère maintenant le terrorisme, non pas étant une lutte laissée aux pays qui sont en proie au terrorisme mais un système qui interpelle l’ONU, l’OIF, l’UA, etc. Ce paternalisme que nous dénonçons, c’est amener la France à ne pas se considérer comme ex-colonisateur, qui a le dicta sur nos politiques et qui fait des choix pour nous, parce que nous savons désormais ce que nous voulons. C’est ça l’expression de la souveraineté. Mais les rapports de franchise, les rapports de coopération fondés sur les intérêts réciproques, oui ! C’est en ce moment que chaque chef d’Etat doit avoir le courage d’exprimer honnêtement ce qu’il pense en fonction des intérêts de son peuple.

B24 : Au vu de ce qui s’est passé à Pau en France, avez-vous eu le sentiment que les chefs d’Etat du G5 Sahel ont eu ce courage ?

Me Sankara : Je crois que le réalisme a plutôt prévalu. Parce que de toutes les façons, les chefs d’Etat, que ce soit du Niger, de la Mauritanie, du Tchad et du Burkina Faso, ils ne sont pas chefs d’Etat pour rien. Moi je ne suis pas chef d’Etat, les Burkinabè ne m’ont pas élu. Mais je pense que mon président Roch Marc Christian Kaboré, qui est en même temps le président du G5 Sahel, a exprimé les préoccupations essentielles en dénonçant par exemple le manque de moyens alors que dans le cadre du G5 Sahel, la communauté avait pris des engagements. Cela a été dénoncé.

Je crois de deux, ce qui a été obtenu, c’est de revoir le cadre institutionnel. Donc, c’est dans cet engagement qui a été pris avec la France que le débat de fond va revenir. Et je pense que nous avons anticipé en créant Initiative souveraineté pour que les chefs d’Etat comprennent qu’aujourd’hui, on ne peut plus signer des accords sans ne pas tenir compte des avis de vos propres populations. Je pense qu’il y a eu une évolution. Ce n’est plus le moment où on nous imposait à tout bout de champ ce qu’on veut. Pau de France a été une occasion pour dire : il faut évoluer, il faut avancer en tenant compte du temps parce que les époques ont changé.

Nous ne sommes plus à une époque, j’allais dire, des années du début de nos indépendances. Les mentalités ont évolué. Regardez ce qui se passe en France, les populations françaises elles-mêmes soutiennent quelque part les points de vue exprimés par les Africains, en se disant que c’est une question de liberté de tout un chacun. Mais en attendant, chacun défend sa chapelle et nous devons défendre la nôtre.

B24 : Le président Macron s’est offusqué des critiques portées par la Société civile et certains acteurs politiques sur la politique française au Sahel. Il a jugé cela ‘’indigne’’. Comment avez-vous réagi face à ces mots ?

Me Sankara : Effectivement, quand on regarde le débat africain tel qu’il s’est mené, souvent, moi-même, je ne me reconnais pas dans certains débats. Je crois qu’il y a des débats souvent arrière-gardistes. Je ne rentre pas dans ça, mais je dirai que le mot ‘’indigne’’ est trop fort et est aussi indigne du président Macron. Mais Macron c’est ça. Il a des formules, des mots qui choquent et je pense que cette polémique-là est inutile.

Ce qui m’intéresse, dans le débat tel qu’il doit se mener, c’est de le dépassionner et de ramener le débat à l’argumentaire pour voir exclusivement les intérêts des populations. Je pense que l’argumentaire, c’est de dire est-ce que, comme on l’a souligné, il faut hic et nunc demander le départ de toutes les troupes étrangères ou bien est-ce qu’il faut renégocier des accords de coopération fondés exclusivement sur les intérêts réciproques et se donner les moyens de combattre l’ennemi commun qui est le terrorisme.

B24 : Le débat sur l’IUTS se poursuit. En l’appliquant, le gouvernement parle d’une équité fiscale. Des Syndicats prônent sa suppression. Qu’en dit l’UNIR/PS ?

Me Sankara : A l’UNIR/PS, nous avons les militants qui sont syndiqués, tout comme nous avons aussi des militants qui ne sont pas forcément syndiqués. Mais quand on connait notre ligne politique, nous avons toujours été du côté des travailleurs. Nous avons toujours défendu les travailleurs.

UNIR/PS : « Celui qui veut ma place, elle est posée » (Me Sankara)

Mais notre position actuelle en tant que parti allié exerçant le pouvoir d’Etat, nous amène à la prudence. Parce que nous avons voté le budget de l’Etat, donc nous avons approuvé l’IUTS. Là, c’est une position politique. Maintenant, cette position politique en corrélation avec la loi peut être analysée sous plusieurs angles. De mon point de vue, il faut que le gouvernement, sur cette question de l’IUTS, ne rompe pas du tout le fil du dialogue avec les acteurs sociaux, parce que tout ce qui touche à la poche de l’individu, naturellement, entraîne une réaction.

Même si du point de vue des explications, on peut justifier la pertinence de l’IUTS, il est aujourd’hui difficile de justifier sa soutenabilité. Je m’explique. J’ai eu l’honneur de présider une commission dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et l’Assemblée nationale avait créé cette commission ad hoc pour réfléchir et faire des recommandations au gouvernement. Je crois que c’était en 2018. Nous avons été les premiers à l’Assemblée nationale à suggérer au gouvernement d’élargir l’assiette de l’impôt. Même l’opposition politique était d’accord avec cela. Et nous avons interpellé en son temps le Premier ministre sur la question, même imposer la téléphonie mobile, ce n’est pas une idée qui date de maintenant.

Mais face à la menace terroriste, il fallait opérer un choix et de se dire qu’il faut trouver l’argent là où il est. C’est ça que le premier ministre de l’époque avait appelé  »effort de guerre ». Donc, il fallait faire des propositions touts azimuts et arriver à mobiliser les ressources. Puisque nous parlons de souveraineté, c’est là vous comprenez toute la difficulté de la problématique quand, aujourd’hui on parle d’indépendance, de souveraineté, de liberté et on dénonce la France-Afrique, on dénonce l’impérialisme, c’est ça la réalité. Il y a des pays, quand on vous demande ces sacrifices là, mais c’est tout de suite et maintenant jusqu’au sacrifice suprême. Mais est ce que cette fibre patriotique existe encore dans nos Etats en Afrique, et au Burkina ?

Donc, la question de l’IUTS divise parce que chacun y va avec son argument. Même le monde syndical est divisé, donc ne demandez pas à l’UNIR/PS qui aujourd’hui a des militants qui appartiennent à tous les courants syndicaux quelle est sa position par rapport à l’application de l’IUTS. Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’en tant que parti politique membre de l’APMP (majorité présidentielle, ndlr) avec des députés qui sont à l’Assemblée nationale, nous avons voté le budget. Il y a des conséquences certes, mais il ne faudrait pas que ces conséquences-là viennent aujourd’hui mettre à rude épreuve la cohésion que nous avons.

Voilà pourquoi, c’est une invite au gouvernement à garder le dialogue avec les partenaires sociaux pour qu’on garde le juste milieu. Mais la question fondamentale, c’est comment mobiliser des ressources ? Certains diront qu’il faut réduire le train de vie de l’Etat, il y a les restes à payer, il faut d’abord commencer par la gouvernance, je suis parfaitement d’accord avec ceux qui tiennent ce discours-là.

B24 : Justement, il y a des institutions que des Burkinabè jugent budgétivores, notamment le Médiateur du Faso, le Conseil économique et social (CES)… Seriez-vous d’avis pour la suppression de ces institutions ?

Me Sankara : Moi ça ne me gênerait pas qu’on les supprime. S’il y a des institutions aujourd’hui qu’on estime inutiles, qui impactent sur le budget de l’Etat, il faut les supprimer. Où est le problème ? Je n’ai rien contre ma chérie Saran (Saran Sérémé, médiateur du Faso, ndlr). De toutes les façons, elle a remplacé d’autres médiateurs et d’autres médiateurs vont venir. C’est l’institution dont on parle. Le CES, c’est pareil. Il y en a d’autres qu’on a créés touts azimuts, qui ont même des domaines de compétences concurrentiels.

Finalement, on ne sait même plus si ce sont des institutions qui ont été créées pour récompenser des gens. Le bémol c’est que si nous passons à la cinquième république, ces questions ont déjà été abordées dans le débat constitutionnel, mais comme il y a une préoccupation urgente et d’ailleurs on voit plutôt les élections de 2020 que le référendum constitutionnel voilà pourquoi ce débat refait surface.

B24 : Alors, Me Bénéwendé Sankara sera-t-il candidat à la Présidentielle de 2020 ? 

B24 : Me Sankara opposant, Me Sankara membre de la majorité présidentielle, avez-vous eu le retour sur l’appréciation des Burkinabè ?

Me Sankara : Il y en a qui pensent que je suis né pour être dans l’opposition et mourir dans l’opposition. Ils ne me voient que dans l’opposition. C’est leur droit de penser et de s’exprimer. Il y en a qui pensent aussi que j’ai fait le bon choix. Et la décision n’a pas été prise par moi, elle a été prise par une instance qui était le Bureau politique nationale, d’aller à l’alliance (majorité) pour la raison fondamentale qui était que les cinq députés que nous avons eus, c’était pour soutenir la stabilité institutionnelle du pays. Donc, on n’est pas allé parce qu’on nous proposait des postes ministériels, mais nous avons pensé d’abord au pays.

Maintenant dans la gestion du pouvoir d’Etat, c’est une autre leçon, une autre expérience que j’ai vécue. Vous savez, quand j’étais opposant, j’étais plus gros que ça, pour dire la vérité (rires). Prenez les photos de quand j’étais chef de file de l’opposition politique et regardez-moi maintenant, on aurait pu dire qu’au pouvoir, j’allais être encore plus dodu (rires). Ce n’est pas tout ce qui brille qui est or.

B24 : Quel appel avez-vous à lancer ?

Me Sankara : Je crois que les Burkinabè doivent véritablement constituer une Nation unie et forte et nous en avons le ressort pour y arriver. Donnons-nous la main et Dieu fera le reste. Bonne et heureuse année.

Propos recueillis par Ignace Ismaël NABOLE

Burkina 24                                                                                       

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Ignace Ismaël NABOLE

Journaliste reporter d'images (JRI).

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