Chronique de Ramadan : L’aspect social des actes d’adoration
La chronique de Ramadan est proposée par l’Imam Alidou Ilboudo.
La compréhension de l’adoration en islam n’est pas aussi simple qu’on voudra le croire. Dans bien de cas, nous nous satisfaisons d’une explication simpliste à la place d’une véritable signification. Et cela explique et conditionne notre comportement.
Quand on demande à un croyant musulman le pourquoi de notre existence, la réponse tombe inéluctablement ainsi : « Dieu nous a créés pour l’adorer », car Allah dit dans le coran à la sourate 51 au Verste 56 : « Je n’ai créé les djinns et les hommes que pour qu’ils m’adorent ». Seulement, que met-on dans adoration
On compte comme actes d’adoration (ibaadates) la prière, le jeûne, la zakat, le pèlerinage, l’invocation, la lecture du coran etc. Et pourtant, en islam l’acte d’adoration désigne tout ce que nous faisons pour plaire à Allah ! Mieux en commentant ce verset 56 de la sourate 51 l’imam Qourtoubi et bien d’autres nous rappellent que l’adoration signifie « obéir à ce que Allah a commandé et s’éloigner de ce qu’il a interdit », une notion bien vaste qui ne saurait se réduire à quelques actes codifiés, aux actes du culte.
En outre les actes d’adoration ne constituent pas la finalité de notre création. Dieu nous a créés pour être son vicaire, représentant, son « image », son calife sur la terre : « lorsque ton seigneur confia aux anges : je vais établir sur la terre un calife. »(Sourate 2, Verset 30).
Etre le vicaire d’Allah sur la terre signifie que l’homme doit manifester les attributs de bonté mais aussi de bonne exploitation et de gérance de la terre. Et c’est là qu’interviennent les actes d’adoration comme la prière et le jeûne pour nous améliorer et nous permettre de mieux exercer notre responsabilité.
Chaque acte d’adoration est en lui-même un programme dont le but est de participer à la naissance en l’homme de la personnalité soumise à Dieu, donc musulmane en quelque sorte.
Ainsi, la profession de foi nous enseigne que tout est relatif et que, seul Allah est absolu. La prière devra nous éloigner des actes immoraux et blâmables. La zakat tue en nous l’amour du matériel, l’égoïsme et l’avarice. Le pèlerinage nous relie à toutes les traditions prophétiques qui nous ont devancés et nous rattache surtout à la grande famille humaine.
On peut en dire autant sur les autres actes, mais c’est le jeûne qui nous intéresse cette fois-ci.
L’objectif donc du jeûne est d’améliorer le caractère de l’homme et d’aiguiser encore plus sa conscience de Dieu, ce qui est appelé « taqwa » ou piété, crainte révérencielle. La taqwa est la crainte qu’a le croyant de perdre l’estime de Dieu et d’encourir sa colère, parce qu’il n’a pas été assez obéissant. L’homme pieux est celui qui s’efforce de grandir dans l’estime de Dieu en s’éloignant des péchés et en excellant dans le bien. L’objectif du jeûne est d’accroitre la piété chez le fidèle : « O croyants ! Le jeûne vous a été prescrit comme il l’a été à ceux qui vous ont devancés, ainsi vous atteindrez à la piété ». Coran,Chap 2, Verset 183.
L’homme n’est pas seulement pieux à l’égard de la divinité. Craindre Dieu, c’est avoir la conscience de chaque créature à côté de nous. La crainte de Dieu doit se lire aussi dans ses rapports horizontaux avec les hommes vivant avec lui. En réalité Dieu n’a nul besoin de notre piété. L’adoration n’apporte rien à Dieu. Ainsi si tous les hommes se mettaient à adorer Dieu comme un seul homme, cela ne va rien augmenter à la gloire d’Allah ; de même s’ils se mettaient tous à renier Dieu comme un seul homme, cela ne va rien diminuer à la puissance d’Allah
C’est plutôt pour notre vie sociale que tous les actes de piété prennent leurs sens. L’homme prie, jeûne, bref, adore Dieu pour s’améliorer et mieux vivre en société. Et le jeûne contient ces enseignements.
– l’homme qui est éduqué à se maitriser apprend le partage, cultive l’altruisme et combat l’égoïsme et l’avarice. Et combien de conflits sont générés autour du partage des biens matériels !
– le fidèle qui jeûne et qui en respecte l’éthique apprend à se maitriser et à être moins impulsif ; le prophète enseigne : « si l’un de vous jeûne, qu’il ne profère pas de mauvaises paroles, qu’il n’insulte pas et qu’il ne dispute pas. Si on lui cherche querelle, qu’il dise: je jeûne, je jeûne. » On voit à travers ceci le travail à effectuer sur soi-même pour se libérer de l’emprise du moi. En commentant ce hadith L’imam Nawawi dit : « qu’il ne dise pas aux autres qu’il jeûne, mais qu’il se le dise à lui-même. Et s’il apprend à se maitriser parce qu’il est jeûneur, il doit le faire plus parce qu’il est musulman et qu’il porte avec lui l’entièreté de la révélation »
– le fidèle qui jeûne et qui en respecte l’éthique devra s’éloigner des futilités et des rumeurs, car le fait de colporter la rumeur peut amener bien de désagréments, et le croyant ne doit pas en être le canal. Jeûner signifie rompre avec le quotidien et se projeter dans le perfectionnement de l’être.
– le fidèle qui jeûne doit être respectueux de l’honneur et de la vie privée des gens : la médisance, la critique, le mensonge, la moquerie, la médisance et autres défauts de la langue ne doivent pas être son quotidien. Les versets 11 et 12 de la sourate 49 sont suffisamment clairs en tout temps et surtout au mois de ramadan : «v11. Ô vous qui avez cru! Qu’un groupe de gens ne se raille pas d’un autre groupe : ceux-ci sont peut-être meilleurs qu’eux.
Et que des femmes ne se raillent pas d’autres femmes : celles-ci sont peut-être meilleures qu’elles. Ne vous dénigrez pas et ne vous lancez pas mutuellement des sobriquets (injurieux). Quel vilain mot que « perversion » lorsqu’on a déjà la foi. Et quiconque ne se repent pas…
Ceux-là sont les injustes. v12. Ô vous qui avez cru! Évitez de trop conjecturer [sur autrui] car une partie des conjectures est péché. Et n’espionnez pas; et ne médisez pas les uns des autres. L’un de vous aimerait-il manger la chair de son frère mort? (Non! ) Vous en aurez horreur. Et craignez Allah. Car Allah est grand accueillant au repentir, très miséricordieux. ». Le prophète enseigne : « celui qui ne délaisse pas le mensonge et le faux témoignage, Allah n’a nul besoin qu’il se prive pour lui du boire et du manger »
– le fidèle qui jeûne devra être humble car le jeûne est un acte du cœur et de l’intérieur. Dieu seul est témoin de la sincérité et de la validité du jeûne. Allah dit : « toutes les œuvres du fils d’Adam lui incombent sauf le jeûne ; le jeûne est pour moi et c’est à moi qu’il incombe de le rétribuer ».Hadith qoudsi.
– Quand les fidèles peuvent éviter facilement l’orgueil et la suffisance dans l’acte de jeûner, ils le peuvent moins dans la rupture et la prière de nuit qui l’accompagnent. La rupture devient un événement et la prière de nuit un moment public où des fidèles y font à la limite la concurrence si ce n’est les mosquées ou les associations. Il n’est pas rare de voir « un rallye de jeunes gens » à minuit pour aller à la mosquée ! L’aspect « retenue » est très vite oublié.
– la bonne tenue en ramadan voudrait que les fidèles prennent en compte aussi le vivre ensemble. Se lever tôt pour préparer et prendre le repas, faire la prière tard dans la nuit entraine des désagréments pour ceux qui vivent avec nous. Au lieu d’amoindrir cette perturbation en adoptant des habitudes plus piétistes, il y a des fidèles qui s’en balancent au point de vouloir transformer la nuit en jour et le ramadan en vrai ramdam ; toutes choses qui ne conduisent pas à la piété recherchée.
– jeûner ramadan et passer la nuit sur internet ou devant le petit écran et dormir la journée ne profite pas au fidèle : le fidèle qui jeûne devra meubler ses nuits et ses journées d’actes utiles, de méditation et de recherche de la science.
En conclusion, le fidèle qui jeûne ramadan doit se fixer comme objectif, s’améliorer par l’épreuve du jeûne. Et jeûner signifie dans ce cas de figure, priver son corps de nourriture tout en nourrissant son esprit des connaissances coraniques et son cœur de la chaleur humaine.
Atteindre la piété étant notre objectif, nous devrons œuvrer pour cela en mettant de notre côté les bonnes pratiques et nous éloignant autant que faire se peut des mauvaises. S’il y a un défi à se lancer c’est celui-là : « Cette année, j’atteindrai à la piété ». Bonne suite de ramadan
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Pourquoi certains prêcheurs ne nous parlent pas si clairement, si pédagogiquement, même s’ils s’expriment dans notre langue m’maternelle?
Merci Imam