Burkina Faso : Inoussa Diallo ou vivre autrement son handicap
Inoussa Diallo est une personne à mobilité réduite. Assis sur son tricycle, ce jeune homme âgé de la vingtaine s’affaire à réguler la circulation au niveau de certaines intersections de la ville de Ouagadougou, depuis trois ou quatre ans. Mendiant à un moment de sa vie, Inoussa Diallo est arrivé à franchir cette manière de vivre pour aider ses concitoyens arpentant plusieurs artères de la ville. Célibataire sans enfant, M. Diallo est convaincu que son actuel « travail » vaut « mieux que de toujours tendre la main ». Burkina 24 l’a rencontré pour vous, le jeudi 1er octobre 2020 à Tanghin, un quartier de Ouagadougou.
Burkina 24 (B24) : Quelles sont les raisons pour lesquelles vous aidez à la régulation de la route ?
Inoussa Diallo : Au début, je mendiais et après j’ai vu que ça ne m’apportait rien. Puis un jour, en me promenant, je suis tombé sur le feu du barrage de Tanghin (Ouagadougou) qui était en panne. En plus, les policiers étaient en grève et la circulation était très désordonnée. J’ai alors pensé que je pouvais faire quelque chose pour éviter les accidents de route.
J’ai commencé il y a bien longtemps et comme toute chose, le début n’est jamais facile mais je suis arrivé à m’en sortir car beaucoup de gens me félicitaient. Cela fait environ trois (03) ou quatre (04) ans que je fais ce travail.
B24 : Est-ce que la mairie est au courant de votre présence au niveau des feux tricolores ?
Inoussa Diallo : Non. La mairie n’est pas au courant. C’est de plein gré et de bonne volonté que je fais ce travail. En plus de cela, je n’ai pas reçu de formation en la matière mais je sais très bien comment les feux fonctionnent.
B24 : Comment vous sentez-vous quand les gens vous regardent ?
Inoussa Diallo : Comme toute chose, il y a des gens qui aiment et d’autres, non. Il y a toujours des détracteurs en toute chose. Ceux qui m’apprécient et m’encouragent, je suis sincèrement très reconnaissant. Franchement, je n’ai pas de mots pour qualifier ma gratitude. J’ai même des gilets que certaines personnes m’ont offerts. Quant à ceux qui regardent mon travail avec un mauvais œil, je les prie de laisser l’attitude qu’ils ont et nous allons travailler ensemble pour faire avancer le pays.
Les mossis disent que « s’asseoir discuter ne cultive pas un champ, mais permet de trouver une solution ». Donc on doit travailler ensemble et ils n’ont qu’à arrêter cette discrimination. Nul ne sait ce que l’avenir lui réserve. Il y a même parfois des gens qui veulent me cogner de là où je suis assis. Certains ne s’arrêtent pas quand je siffle pour qu’ils s’arrêtent. Franchement, ce n’est pas facile. Surtout au début, j’ai été beaucoup critiqué mais j’ai décidé de ne pas les écouter et d’avancer. Les gens prennent mon numéro et quand le feu tombe en panne dans certains endroits, on m’appelle pour que je vienne. Ça par exemple, c’est encourageant.
B24 : Est-ce que vous gagnez quelque chose en faisant ce travail ?
Inoussa Diallo : Oui. Je gagne souvent quelque chose grâce aux usagers qui m’encouragent. Sinon en matière de salaire, je ne reçoie rien.
B24 : Outre votre présence au niveau des feux tricolores, exercez-vous d’autres métiers ?
Inoussa Diallo : Non. C’est la seule activité que j’exerce. Je monte le matin et quand les Volontaires Adjoins de Sécurité (VADS) arrivent, ils prennent le relais et à leur descente, je remonte. Telle est ma routine.
B24 : Quels sont les difficultés que vous rencontrez ?
Inoussa Diallo : D’abord, le travail que je fais seul, c’est un travail de quatre personnes donc il y a la fatigue mais un travail est un travail, il faut souffrir. En plus de cela, il y a le soleil, la chaleur. Vous imaginez rester sous le soleil de 6h à 11h souvent et de 13h à 17h parfois ? Ce n’est pas simple mais je fais avec. Il y a des usagers qui m’insultent souvent, d’autres me manquent du respect. C’est frustrant et ce n’est vraiment pas facile.
B24 : Quel conseils avez-vous à donner à ceux qui mendient ?
Inoussa Diallo : Vous savez, quand quelqu’un n’a pas les moyens, il peut mendier mais il y a des gens qui font de ça leur métier. Mon conseil à leur égard est qu’ils arrêtent de mendier et de venir nous allons travailler ensemble, je pense que ce serait mieux plutôt que de toujours tendre la main. Je ne suis pas contre eux, je ne dis pas que ce n’est pas bien, mais travailler serait encore mieux pour eux.
Pour finir, j’ai un mot à adresser au gens. Qu’ils sachent que ce travail, je ne le fais pas pour de l’argent. Si quelqu’un m’en donne, je prends et je le remercie. Les gens pensent que je suis arrêté comme cela pour faire semblant et mendier. Une fois, quelqu’un est venu avec son Doua pour me donner et j’ai refusé. Et ça à plusieurs reprises. Je suis à mon lieu de travail et on me harcelle avec des talismans. Qu’ils arrêtent cela.
Propos recueillis par Zalissa Savadogo (Stagiaire)
Burkina 24
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