Tabaski 2021 au Burkina Faso : Quand l’insécurité et le Covid-19 contribuent à la hausse du prix du mouton

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A quelques jours de la fête de Tabaski, communément appelée l’Aïd El Kébir ou encore « fête du mouton », l’affluence est de taille dans plusieurs marchés et yaars de la Capitale surtout ceux des bétails. Au quartier Patte-d’oie, gare routière de Ouagadougou, les moutons sont à l’honneur. Nous y avons fait un tour…

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Mercredi 7 juillet 2021. Il est 9h08, lorsque nous arrivons au marché de bétail de la gare routière, sis au quartier Patte-d’oie de Ouagadougou. A vue d’œil, l’ambiance est partagée entre le transport du bétail et l’alimentation animale. Ici, le prix des moutons varie entre 75.000 F CFA et 350.000 F CFA ; mais certains spécimens rares peuvent atteindre 400.000 F CFA. 

Devant le bureau de Daouda Sokondo, le Naab-Raaga (Ndlr : Chef du marché), nous sommes prêts à échanger avec Issouf, vendeur de bétail. Même pas le temps de nous décharger du poids de notre matériel de travail ! Ce dernier nous exhorte à revenir plus tard. « Sink ka yé », nous balance-t-il comme pour dire qu’il est très occupé pour le moment. Au fait, son patron venait aussi de faire son arrivée. Et depuis 8h, aucun client n’a encore été enregistré, à part quelques curieux visiteurs. 

Nous patientons toujours devant le bureau du maître des lieux. Les bêlements et beuglements retentissent de partout. Les vendeurs et revendeurs de bétail sont confondus. Tous s’attèlent à trouver des clients. Le « venez voir par là » se fait entendre de partout. Des tricycles sont chargés par-ci par-là.

 

«   Il faut que les frontières soient réouvertes sinon… ».

Autour de 10h15, par le biais du responsable vente du marché de bétail, Daouda Sokondo, nous arrivons enfin à avoir accès au marché. D’entrée, avant toute question, il nous fait comprendre que cette année le marché n’est pas au beau fixe.

A la question de savoir pourquoi, il soutient que « les années passées, à l’heure actuelle, même si les gens du pays se faisaient rares, car ils attendent généralement les deux derniers jours, nous avions la visite des clients étrangers, qui venaient payer pour rentrer chez eux. Voilà que l’insécurité et le Covid-19 sont venus tout chambouler »

Il poursuit sur cette même lancée que les années précédentes, il pouvait avoir des commandes de 200 à 300 têtes, que cependant cette année, «  j’ai à peine vendu quelques dizaines. Cela démontre qu’il n’ y a pas l’argent dans le pays. Il faut que les frontières soient réouvertes si non,… ah ! ». 

« Les endroits où nous rentrions pour payer les moutons, chèvres et bœufs sont devenus inaccessibles »

Nous considérant comme un éventuel client, son voisin revendeur, Oumar Kafando nous fait signe des mains. La quarantaine révolue, il est assis sur un bidon de 20 litres, scrutant les faits et gestes des nouveaux arrivants dans le marché. « Le pays a complètement changé, même à moins d’une semaine de la fête, on ne voit rien venir à l’horizon. Figurez vous, qu’à cause de l’insécurité, les villes voisines sont en larme et cela veut dire que nous aussi, sommes en larme. 

Les endroits où nous rentrions pour payer les moutons, chèvres et bœufs sont devenus inaccessibles. Et cela, naturellement, dépeint nos prix d’achats. Quand on paye les animaux, souvent pour conserver la clientèle, on est obligé de chercher un bénéfice moins que ce que nous espérons. Souvent je n’arrive même pas à couvrir mes charges. Le minimum c’est pour payer l’herbe et l’eau pour les animaux. Les autorités doivent agir », clame-t-il.

El Hadji Abdou, appelons-le ainsi, est en pleine discussion pour se procurer un bélier. Le mouton, qui fait l’objet de marchandage, est fixé à 150 milles F CFA et le client propose la somme de 75 milles F CFA. « Vous voyez, si c’est pas parce que c’est presque une obligation religieuse, on n’allait vraiment pas payer un mouton cette année. Nous, on souffre seulement », lâche Abdou d’un air désespéré. 

Il déclare, par ailleurs, qu’il comprend le vendeur, situation sécuritaire oblige. Et de ce pas, il exhorte les autorités à avoir pitié de « ceux qui sont en bas« . «  Je sais que les autorités aussi, ce n’est pas seulement de leur faute. Nous-mêmes Burkinabè, nous sommes les plus grands fautifs de ces problèmes. Tu ne peux pas jeter un caillou en l’air et ne pas vouloir qu’il retombe sur quelqu’un », argumente-il.

« Dori à côté ici même, les petits villages ne peuvent plus venir nous vendre les moutons »

Un peu plus tard, Issouf, qui au départ, était débordé de travail, est désormais disposé à laisser un mot. Il déclare que les journalistes aussi ont leur partition à jouer. « La situation, même si on ne vous dit pas, vous ne voyez pas qu’elle est difficile ? Dori à côté ici même, les petits villages ne peuvent plus venir nous vendre les moutons. D’ailleurs les petits 5000 F CFA qu’on recherche, c’est devenu difficile à trouver », avance-t-il tout en ajoutant : « Voilà pourquoi je ne voulais pas vous répondre au début ». 

Avant de rejoindre le parking, un autre vendeur qui ne voulait également pas se prêter à nos questions nous lance d’un ton désespéré  : « S’il vous plaît, ne dites pas aux gens que les moutons sont chers, car ce n’est pas de notre faute, les circuits sont fermés. Appelez plutôt les gens à venir payer nos animaux, on va tout faire pour trouver un consensus »… 

En rappel, le Nord du Burkina Faso est pourvoyeur de bétails, mais à cause des attaques récurrentes, la zone est devenue presque inaccessible. Les convois d’animaux venant de cette région sont de plus en plus rares. Le bétail étant devenu, lui-même, la cible des groupes armés non étatiques.

Abdoul Gani Barry

Burkina 24

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