PMU’B : Loge de la fortune de toutes les chances ?
Parier sur les chevaux ou jouer au Pari Mutuel Urbain du Burkina (PMU’B) est devenu l’activité de plus d’un à Ouagadougou. Les kiosques PMU’B se multiplient dans les quartiers de la capitale. Le nombre de parieurs s’agrandit de jour en jour. Jeunes, vieux, femmes, chacun veut se faire une fortune dans le hasard. Mais au delà de la fortune, n’y a-t-il pas d’autres clichés qui entourent ce jeu et qui mobilisent plus d’un ? Burkina24 a sillonné quelques foyers à propos.
Mercredi 15 septembre 2021. Il est 12h. Nous sommes dans un kiosque PMU’B à Karpala, un quartier de la périphérie Sud de Ouagadougou. L’affluence est moyenne. Certains ont la tête baissée, les regards fixés sur leur programme. Bic à la main, pourtant nous ne sommes pas dans une salle de classe, encore moins dans un amphithéâtre. D’autres font la queue devant le guichet pour jouer leur combinaison. C’est encore parti pour une journée de quête de fortune.
Aujourd’hui mercredi, c’est le tiercé. Les parieurs ont la lourde tâche de choisir dans le programme trois numéros au hasard en espérant être dans l’ordre. Sur place, nous trouvons Ali, un homme âgé de la cinquantaine venu jouer sa combinaison.
Cet ancien aventurier joue à la loterie il y a deux décennies. « J’ai commencé à jouer au PMU’B depuis mon arrivée au Burkina. En ce temps, j’étais à Gounghin, on sortait pour jouer car c’était devant notre porte. Ça fait plus de 20 ans aujourd’hui », informe-t-il.
« C’est un passe-temps aujourd’hui pour moi »
A l’image du vieil Ali, Blaise Ouédraogo aussi est un grand parieur. Étant fonctionnaire à l’époque, il ne manquait pas les heures de pari. Aujourd’hui, admis à la retraite, il passe ses temps à choisir ses chevaux. Plus qu’une source de richesse, les jeux de hasard sont devenus un outil de distraction pour lui.
« J’étais un agent des impôts. À cette époque avant même de partir au service, je m’arrêtais dans un kiosque PMU’B pour prendre le programme. Et une fois au service, je faisais très rapidement ce que j’avais à faire et paf ! Je plonge dans le choix de mes chevaux.
Maintenant, je suis à la retraite mais je continue de jouer. Quand je me lève le matin, je suis focus sur mes journaux PMU’B jusqu’au soir. C’est un passe-temps aujourd’hui pour moi si on peut le dire », soutient-il.
Si avant, les jeux de hasard étaient réservés aux personnes en âge avancé, force est de constater que la jeunesse est plongée dans ce bain de gain considéré comme facile. Dans les kiosques PMU’B, la présence des jeunes est effective selon divers motifs. Fasciné par la vie de luxe, depuis son enfance, le jeune Sékou (nom d’emprunt) est aujourd’hui un abonné fidèle.
« Depuis que je suis enfant, j’ai toujours rêvé d’être riche. Au fur et à mesure que je grandissais, je voyais que ce n’était pas aussi simple comme on le pensait. Donc, je me suis rabattu sur les jeux de hasard espérant un jour faire ma fortune tant rêvée », lance-t-il.
« Depuis que je suis enfant, j’ai toujours rêvé d’être riche »
Autre phénomène qui s’invite dans cette course à la fortune, c’est la présence des femmes dans les kiosques PMU’B. A ce titre, nous avons rencontré Oumou Tarnagda, jeune commerçante de fruits, âgée de la vingtaine qui a intégré le cercle des parieurs, il y a deux ans.
Dans ses propos, elle confie être tombée dans ce milieu avec la complicité de son conjoint. Aujourd’hui, Oumou Tarnagda repose son espoir sur le PMU’B pour agrandir son chiffre d’affaires.
« Mon mari aime jouer au PMU’B depuis qu’on est ensemble. Souvent quand il est à la maison il me demande de choisir des combinaisons pour lui, chose que je faisais. Une fois ma combinaison est rentrée, il a gagné 50.000 F CFA. C’est dans ça il a enlevé un peu me donner et j’ai commencé à vendre les mangues et oranges.
Souvent dans mes balades, quand je vois un kiosque PMU’B je m’arrête pour jouer, mais maintenant, c’est devenu mon travail de tous les jours. Chaque matin, je joue au moins une combinaison. Avec la grâce de Dieu, un jour je vais gagner et je vais enfin pouvoir développer mon commerce », a souhaité la jeune commerçante, portant des fruits sur la tête.
« J’ai déjà gagné plus de 10 millions de FCFA »
« PMU’B, la fortune en fin de course ! » comme le veut le slogan du PMU’B, beaucoup sont donc tombés dans ce milieu pour faire fortune. Bien que les chances soient minimes, certains semblent détenir le code pour avoir les bonnes combinaisons.
A l’instar de ces heureuses personnes, figure Monsieur Sané qui s’est taillé une grosse cagnotte. « En 2004, j’étais un grand joueur du PMU’B, je misais beaucoup et un jour la chance m’a souri. J’ai gagné́ plus de 10 millions de FCFA. Je ne m’attendais pas vraiment à ça et depuis lors j’ai plus eu un gain de ce genre », déclare Sané, l’heureux gagnant en son temps.
Contrairement à lui, le vieil Ali, quant à lui, semble être oublié par les dieux de la chance. Aujourd’hui, il enregistre un bilan sombre car il n’a pas encore gagné le gros lot. « Je n’ai jamais eu 100.000 ici, c’est 10.000, 15.000 comme ça, 25.000 c’était juste une fois », regrette Ali.
Certains ont perdu tout espoir…
Cependant, il reste confiant et continue de parier en espérant un jour le gros lot. « Si tu veux jouer, il faut jouer, il ne faut pas perdre courage parce qu’on ne gagne pas. Il faut toujours jouer. Moi je ne gagne pas mais je suis là. Je ne laisse pas parce que j’ai beaucoup financé. J’ai toujours le courage de jouer, il y aura un jour où je vais gagner. Je vais aussi avoir les millions », a laissé entendre le vieil Ali avec espoir.
Aujourd’hui, les jeux de hasard font partie du quotidien de plusieurs Burkinabè sans distinction de sexe ni d’âge. Si certains y gagnent leurs comptes, d’autres comptent toujours sur leurs chances en espérant un jour gagner le gros lot.
Un grain d’espoir pour certains et une baie de désespoir pour d’autres. C’est la nature des jeux du hasard ! En effet, à côté des heureuses personnes qui ont eu leur gain, et ceux qui sont armés d’espoir en attendant leur jour, il existe un autre lot. Ceux qui ont perdu tout espoir.
Est-il vraiment interdit de s’octroyer un engin avec le gain obtenu dans les jeux de hasard ?
Abdoul (nom d’emprunt) en est un cas. A force de miser sans jamais avoir gain de cause, il se trouve à bout de souffle. « Depuis que je joue au PMU’B, je n’ai jamais gagné. Pourtant ce n’est pas maintenant que j’ai commencé. Presque chaque jour je joue une combinaison.
L’argent que j’ai mis dans le PMU’B depuis le début jusqu’à maintenant, ça pourrait construire un immeuble. Si vraiment je pouvais arrêter là, j’allais vraiment le faire », a-t-il regretté en indexant une construction de type R+1.
Par ailleurs, nombreuses sont les langues qui stipulent qu’il est interdit de s’octroyer un engin avec le gain obtenu dans les jeux de hasard. Lamine (nom fictif) n’emprunte pas le même chemin que ces préjugés. Il pense plutôt que c’est la meilleure manière d’investir son argent au risque de le dilapider.
« Tous ceux qui disent qu’il ne faut pas payer une voiture ou une moto avec l’argent de PMUB, c’est pas vrai. J’ai un ami qui a pris une voiture avec son gain. Mais depuis 20 ans maintenant, il roule avec ça, sans problème. Selon-moi si tu gagnes un gros lot, tu dois soit construire ou soit payer une voiture avec ça, sinon tu vas rester à tourner, et finalement c’est dans la bière et les femmes que tu vas gaspiller ton argent », soutient-il, un stylo en main en train de sélectionner ses chevaux…
Sié Frédéric KAMBOU
Burkina 24
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