Procès Sankara : « Blaise Compaoré n’aurait jamais régné sans Gilbert Diendéré »
Les plaidoiries se sont poursuivies au tribunal militaire de Ouagadougou, avec les avocats des parties civiles, ce lundi 7 janvier 2022. Maître Prosper Farama s’est attelé à démontrer les implications du Général Gilbert Diendéré dans l’assassinat de Thomas Sankara.
D’entrée de jeu, Maître Prosper Farama a exprimé sa joie de voir le procès Thomas Sankara se tenir 34 ans après pour dire la vérité sur l’assassinat du président Sankara et ses compagnons.
L’avocat a aussi insisté sur l’importance de ce jugement en rappelant qu’au Burkina Faso, de 1966 jusqu’à maintenant, le coup d’État du 15 octobre 1987 a été le coup d’État le plus sanglant. « 34 ans après, la justice et la vérité ne se périment jamais », a-t-il laissé entendre.
Maître Prosper Farama à par la suite situé par les témoignages ainsi que le déroulement des faits étayés dans le dossier, la responsabilité du Général Gilbert Diendéré dans les évènements du 15 octobre 1987 au conseil de l’entente, lieu sous direction du Général.
De nombreux témoins à charge contre le Général Gilbert Diendéré, ont été mis à contribution par l’avocat, pour situer la responsabilité du Général. Pour l’avocat, « Gilbert Diendéré est le maître d’orchestre de l’organisation de l’assassinat de Thomas Sankara et compagnons ».
« La réunion de 9h le 15 octobre 1987, l’assassinat de Koama Michel, le commandant de l’ETIR, la mission de Koudougou ou l’attaque de la BIA ont été organisés et exécutés par les éléments du conseil de l’entente dont Gilbert Diendéré est le responsable », a insisté l’avocat.
Il est revenu sur la personnalité de ceux qu’il a qualifiés d’hommes cardinaux dans le crime à savoir Blaise Compaoré, Hyacinthe Kafando et Gilbert Diendéré.
Pour l’avocat, « Blaise Compaoré, un homme calme de nature et froid dans l’action est le commanditaire de l’acte en complicité avec le Général Gilbert Diendéré et l’exécutant est Hyacinthe Kafando, décrit comme un militaire agité, indiscipliné et non maîtrisable », par la voix de ses co-accusés dans l’affaire.
Le Général Gilbert Diendéré, a été décrit comme un calme sympathique et intelligent par l’avocat, mais, dit-il, loin d’être un saint. « Le Général Gilbert Diendéré a mal à la responsabilité. C’est un homme qui a assumé des hautes responsabilités au sein de l’armée mais il n’a jamais assumé ses responsabilités », a-t-il indiqué.
Maître Prosper Farama a cité l’affaire David Ouédraogo où le Général est cité comme témoin, l’affaire Dabo Boukary, le Putsch manqué de 2015 et l’affaire Thomas Sankara où il est cité accusé, « il n’est responsable de rien ».
Le Général est un homme dévoué à Blaise Compaoré par son amitié et sa complicité. « Le Général Diendéré était le répondant militaire du régime Compaoré. Il a été les yeux, les oreilles et même la peau de Blaise car si vous touchez à Blaise, vous avez touché à Diendéré », a confié Maitre Prosper Farama.
Pour maître Prosper Farama, le Général est coupable par instigation et par instruction car « c’est la personne qui a pris la décision d’emmener les autres à commettre le crime. Il est complice de l’attentat à la sureté de l’Etat, car c’est lui qui a facilité l’exécution du complot.
Il envoie Zétiyenga à un poste et lui dit que quand le véhicule du président va entrer au conseil, de ne laisser personne passer. Il a coupé la ligne de Kamboisin où il y a l’unité ETIR capable d’apporter une aide en 30 minutes. On lui reproche d’avoir instigué mais aussi d’avoir rien fait pour empêcher l’assassinat de Thomas Sankara », a souligné maitre Farama.
Les éléments de complicité d’assassinat et de complicité d’attentat à la sûreté de l’État sont réunis contre le Général Gilbert Diendéré, selon la conclusion de maître Prosper Farama. « Au-delà du complot extérieur ourdi contre Sankara il y avait un complot interne dont le Général Gilbert Diendéré était impliqué.
Les témoins, les renseignements lui ont révélé que quelque chose allait se passer. L’assassinat de Michel Koama, la neutralisation de la FITMAS, en un temps record, démontrent que les faits sont corroborés et préparés à l’avance », dévoile-t-il.
Maître Prosper Farama a reconnu et salué le mérite de deux accusés à savoir Belemlilga Albert et Elysée Ilboudo qui ont, selon lui, fait preuve de loyauté en essayant de dire la vérité. « J’ai du respect pour eux. Voir qu’il y a des hommes au Burkina dans ce genre de situation, dire la vérité, ça fait plaisir », a dit l’avocat.
Pour finir il est revenu sur une anecdote qui lui a été racontée par un militaire. « Je lui ai demandé pourquoi les gens ont peur du Général Gilbert Diendéré. Il m’a dit que le Général Gilbert Diendéré est très waké. Mystiquement, il est fort. Quand il entrait dans une salle et qu’il vous fixait du regard, vous êtes subjugué.
Blaise Compaoré n’aurait jamais régné sans Gilbert Diendéré. Le Général vient d’un village appelé Songnaaba, qui veut dire aider le chef en mooré. Donc traditionnellement, il doit aider le chef et lui-même ne doit jamais régner. C’est pour cela que son coup d’État a échoué », raconte-t-il.
Les plaidoiries des avocats de la partie civile ont été bouclées par une intervention de Anta Guissé qui a fait lecture d’une demande d’acte à déposer auprès du Président du tribunal. Dans sa lecture, elle a exprimé le soulagement à moitié des avocats de la partie civile qui souhaitent voir le volet international de l’affaire se greffer à ceux déjà exécutés qu’elle a « qualifiés de volet militaire ».
A l’entendre, des personnalités extérieures ont, pour certaines, décliné leur intention de répondre devant la justice burkinabè sur l’affaire Thomas Sankara afin d’éclairer plus la juridiction et faire jaillir l’entièreté de la vérité.
« Bien vrai que nous avons un pan important de la vérité. Nous n’avons pas toute la vérité du fait de deux grands absents à savoir Hyacinthe Kafando et Blaise Compaoré », conclut-elle.
L’après-midi de ce 7 février 2022 été consacré à l’intervention de l’Agence Judiciaire de l’État (AJE) qui, selon elle, trouve que les infractions sont suffisamment constituées pour condamner les 12 accusés présents à la barre. L’audience a été suspendue autour de 15h 50 minutes et reprend demain mardi 8 février 2022 avec les réquisitions du parquet militaire.
Akim KY
Burkina24
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