Effort de Guerre : Le prélèvement de 1% sur les salaires pourrait provoquer une hausse de l’injustice fiscale, selon Fawzi Banao
Dans le cadre de l’effort de guerre au Burkina Faso, le gouvernement de la transition a proposé la mise en place d’un fonds spécial pour financer l’effort de guerre. Le PhD Fawzi Banao, chercheur en économie de la Défense/conflit a donné son opinion sur la question.
Selon le communiqué du gouvernement de la transition du Burkina Faso en date du 09 décembre 2022, le gouvernement propose la mise en place d’un fonds spécial dans le cadre du financement de l’effort de guerre. Dans un contexte difficile de crise sécuritaire, sociale et surtout économique, le financement de l’effort de guerre doit être mis en œuvre adéquatement afin d’éviter des effets contre-productifs.
En prélude, en situation de crise (économique ou sécuritaire), l’Etat est confronté à un arbitrage entre le recours à l’impôt et le recours à l’emprunt afin de financer l’effort de guerre. Dans cette optique, l’arbitrage du gouvernement de la transition tend à privilégier une collecte de ressources domestiques par le recours à l’impôt. De ce fait, en cas d’accord avec les partenaires sociaux, il est prévu dans les prochains jours un prélèvement de 1% sur le salaire net des travailleurs du public et du privé et des membres de l’ALT (Assemblée Législative de la Transition).
Toutefois, appliqué comme tel, ce prélèvement ne représentera pas une justice fiscale s’il est indexé sur tous les salaires indépendamment du revenu du travailleur et du secteur d’activité. L’injustice fiscale est un enjeu politique de premier plan : elle émerge lorsque le paiement des prélèvements se traduit par des sommes jugées trop élevées par rapport à d’autres contribuables ou lorsqu’elles apparaissent en contradiction avec certains principes.
En effet, en politique fiscale, tout prélèvement doit être calculé en fonction du barème salarial et des indemnités de fonction. Ainsi, une application de 1% de prélèvement sur les salaires par le gouvernement pourrait provoquer à la fois une hausse de l’injustice fiscale et une augmentation de l’inégalité salariale entre les travailleurs aussi bien du secteur privé que public.
En outre, plusieurs travaux scientifiques empiriques en Finances publiques ont attesté de l’inefficacité de la mise en place d’une taxation homogène des contribuables dans le cadre du recouvrement. Le prélèvement doit être donc sujet à études afin de déterminer l’efficience du taux de taxation.
Deuxièmement, selon le communiqué, le fonds à l’effort de guerre sera financé par la hausse des taxes et droit d’accises sur le tabac, l’alcool et certains biens de consommation. Cette stratégie de mobilisation de ressources fut mise en œuvre par les gouvernements précédents. Cependant elles ont engendré plusieurs effets négatifs socio-économiques. Ainsi, l’un des effets néfastes de cette politique représente la hausse de l’inflation sur les prix de première nécessité.
En effet, le Burkina représentait en septembre le pays le plus inflationniste en zone UEMOA (Sika Finance). Nous devons noter que le taux d’inflation s’élevait à 18 % en juillet 2022 selon l’Institut national de la démographie. Afin de réduire les effets néfastes, un ciblage des produits taxés en fonction de la base fiscale doit être privilégié. Il convient donc de mener des études rétrospectives sur l’optimalité de la taxation des biens de consommation. Aussi, il est nécessaire de préciser que l’alcool et le tabac sont prisés par les groupes terroristes, car sujet à la contrebande.
Cette crise nous rappelle que nous devons innover dans le cadre de notre stratégie en mobilisation de ressources. Pour cela nous devons exploiter d’autres niches de recettes hors des sentiers battus. Ainsi, dans le cadre de la mobilisation de ressources, à l’opposition de ponctionner le salaire des travailleurs, l’Etat peut engager des restrictions budgétaires de fonctionnement de l’administration publique.
À titre illustratif lors de la Seconde Guerre mondiale, plusieurs pays européens tels que l’Angleterre ont instauré des politiques de mobilisation de recettes fiscales alimentées principalement par une baisse des dépenses de consommation de l’administration. De plus, un meilleur recouvrement des grandes entreprises couplé d’une baisse des exonérations fiscales pourrait permettre de dégager une grande marge budgétaire pour financer l’effort de guerre. Dans le cadre de la mobilisation de ressources, une présentation de la gestion des fonds doit être clairement établie.
Dans le cadre de la lutte anti-corruption, la mise en place d’un plan stratégique ex-anté (ou préventive) des actions de fraude et de corruption doit être promulguée. Par ailleurs, de véritables actions de recouvrement des fonds publics détournés dans le cadre de la lutte anti-terroriste doivent être entreprises. Enfin une stratégie de mobilisation de ressources adéquate passe par un rôle important des structures financières telles que les banques et les assurances.
Toute stratégie de collecte de ressources est accompagnée d’un plan de gouvernance, portant notamment sur une allocation concise des recettes collectées. Ainsi, la bonne orientation et utilisation des dépenses auront un effet accélérateur sur la collecte de recettes. La qualité des dépenses représente une cause première de l’acceptabilité et du recouvrement d’une taxe.
Pour finir, cette forme de mobilisation de ressources enclenchée par le gouvernement est inédite par bien des aspects. De ce fait, il s’agit d’une première qui doit être sujet à réflexion afin d’accroître sa réussite pour le bien commun du Burkina Faso.
PhD Fawzi Banao
Chercheur en économie de la Défense/conflit
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