« Je suis tellement écœuré que je ne voudrais pas partir dans l’au-delà sans voir le statut du comédien se réaliser » (Abdoulaye Komboudri)
Le barème salarial des acteurs comédiens en Afrique est au centre des discussions de la 9e édition des Sotigui Awards en cours au Burkina Faso entre le 13 et le 16 novembre 2024. Ce thème, qui touche le nœud du combat des acteurs et comédiens du Burkina Faso, suscite beaucoup d’intérêts pour les acteurs. 30 ans de carrière, l’acteur comédien burkinabè Abdoulaye Komboudri dit Fils de l’homme, tout comme les autres, n’a pas de statut ! Même s’il porte espoir au plaidoyer de cette 9e édition des Sotigui Awards, son indignation est grande. Ce qu’il pense à travers les lignes suivantes !
Burkina 24 : Qu’est-ce que ça dit à l’acteur comédien Abdoulaye Komboudri d’être à la 9e édition des Sotigui Awards ?
Abdoulaye Komboudri dit Fils de l’homme : Ça me dit beaucoup de choses. Nous sommes à la neuvième édition, de ce festival-là qui valorise surtout les comédiens. Si ce festival n’existait pas, il fallait le faire exister. Parce que dans le cinéma, les gens ont tendance seulement à voir des images, et puis connaître des réalisateurs, et puis j’en passe.
Mais on ne nous (acteurs et comédiens, ndlr) avait jamais mis en valeur. Et quand ce festival naissait, nous avons tous applaudi. Surtout, quand nous avions compris que c’était pour valoriser les comédiens.
Certes l’accouchement était très difficile, parce que j’y étais à la première édition, et j’ai vu comment ça s’est passé, et même je suis nominé à la deuxième édition. C’est là que j’ai compris que j’avais quand même une existence dans le cinéma, sauf que d’être comme ça, passer comme un Tom et Jerry.
Burkina 24 : « Quel barème salarial pour l’acteur comédien en Afrique » ? Votre commentaire sur le thème ?
Abdoulaye Komboudri dit Fils de l’homme : Alors cette édition, je pense que ça commence encore à prendre de l’ampleur, parce que là, dans le programme, ils ont essayé d’élucider la valeur des comédiens pour dire est-ce qu’ils vivent de ce qu’ils font ? Sinon, qu’est-ce qu’il faut faire pour qu’ils puissent vivre de ce qu’ils font ? Et c’est ça, justement, qui m’intéresse.
Et en même temps, on parle du professionnalisme, les techniciens, les réalisateurs, mais le comédiens, est-il professionnel ou pas ? Et qui est professionnel si on est comédien ? Parce qu’un réalisateur a dit dans une année qui m’a beaucoup choqué, qu’on est 22 millions de Burkinabè, donc on est 22 millions de comédiens.
Voilà pourquoi je pose la question qui est comédien ? Et là, ça me donne des stress parce que même si pour le moment je n’arrive pas à vivre décemment de ce que je fais, j’ai une vision, et moi c’est la vision-là qui compte. Certes, je dois vivre de ça, mais où je vais ? Est-ce que ce que je transmets c’est accepté ?
Est-ce que les émotions que je donne, est-ce que ces gens-là prennent en compte pour dire ? Se métamorphoser pour être un autre personnage dont on l’est, dont on ne l’est pas. Est-ce que ce n’est pas du professionnalisme ? Donc, je me dis que cette neuvième édition est la bienvenue et on va bien échanger pour qu’on puisse faire la part des choses.
Burkina 24 : Vous évoquez bien sûr le statut du comédien. Qu’en est-il réellement ?
Abdoulaye Komboudri dit Fils de : Je vis au Burkina mais ma profession m’amène à l’international. Certes, mais est-ce que ça suffit ? Ce n’est pas par hasard que moi, j’ai choisi cette profession. Mais, parce que j’ai une vision. Certes, c’est un désert que je suis en train de traverser. Et que nous, comédiens, nous sommes en train de traverser. Et ce désert-là, nous voulons le verdir à l’horizon.
Et, à un moment donné, quand on arrive au milieu du désert, tu veux même abandonner, parce que tu n’arrives pas à aller comme il se doit. Mais quand tu fais un retour et tu regardes les pas que tu as laissés derrière, tu te dis, écoute, cette distance que je vais faire en arrière, il vaut mieux continuer pour aller de l’avant.
C’est dur. C’est vraiment dur, dur pourquoi ? Parce que tout simplement, nous n’avons pas de statut. Tout simplement. Mais qui sont ceux-là qui font le statut ? Ils sont là. C’est des êtres humains. Pourquoi nous traîner dans la boue ? Nous avons des députés, mais qu’est-ce qui se passe ? Personnellement, deux fois, moi, j’ai rencontré deux ministres de la culture de notre pays.
Dont, monsieur Sango (Abdoul Karim Sango, ministre de culture sous Roch Marc Christian Kaboré, ndlr), je lui ai posé la question. Il a appelé son directeur de cabinet, que voilà les papiers. Jusqu’aujourd’hui, rien ! Le ministre de la culture de Tahirou Barry, je suis allé échanger avec lui personnellement.
Mais bien avant, nos devanciers étaient là. Les Kouyaté Sotigui et j’en passe et encore, il y en a. Mais tenez-vous bien, ces gens qui sont en train de lutter, et vous ne considérez pas leur lutte, parce qu’ils sont en train de partir, de mourir. Pitié quand même. Nous ne sommes pas des mendiants, nous sommes des artistes. Et ce n’est pas tout le monde qui peut être artiste.
La communication, on a dit que le cinéma n’a pas de frontière. Et pourquoi vous venez me barrer chez nous ? Pourquoi ? Dans cette lutte, il faut absolument, absolument lutter pour vaincre. Ce n’est pas la guerre. Mais je parle d’une manière artistique.
Burkina 24 : Quelles sont donc, vos attentes de cette 9e édition des Sotigui Awards ?
Abdoulaye Komboudri dit Fils de l’homme : Cette neuvième édition-là, il faut que quelque chose sorte. Vu le salaire de comédien, le statut de comédien et j’en passe, il faut que quelque chose naisse. On n’est pas libre. Oui, je peux aller vendre du cacao quelque part.
Je peux être transporteur, je peux être ci, je peux être ça, moi j’ai un niveau d’études quand même, mais ça ne me va pas. Ce n’est pas ça mon truc. Mon truc, c’est ça. Nous voilà arrêtés. Et mon truc, c’est toujours d’interpréter des personnes imaginaires pour donner des émotions, pour apporter des messages, pour distraire tous ceux qui sont dans la tristesse qu’on les égaille.
C’est une vie. Tenez-vous bien. Admettons qu’un matin, plus de chants d’oiseaux. Un matin, plus rien. On n’entend plus rien. Tout est morose. On se trouverait où et qu’est-ce qu’on pourrait imaginer ce qui va venir ? Moi, je pense que les gens qui sont en haut, je ne prononcerai pas des noms, qu’ils se penchent un peu sur le statut des comédiens. Un peu de respect pour nous. Un peu de considération pour nous. C’est tout ce que j’ai à dire.
Alors, cette édition, neuvième édition des Sotigui. Je pense que ce sont ces phrases magiques que je peux dire, si je peux m’exprimer ainsi, qui vont transformer notre vie. Nous, Aujourd’hui ce n’est pas pour nous, c’est pour la nouvelle génération. Moi, c’est fini. C’est fini. Mais je suis tellement écœuré que je ne voudrais pas partir dans l’au-delà sans que ça se passe devant moi. C’est tout. Je n’ai plus rien à perdre encore dans ma vie, dans cette histoire. Je n’ai plus rien à perdre.
Et merci pour les Sotigui qui, honnêtement dit, pensent aux comédiens. On est parti dans tous les festivals. On n’a jamais mis le comédien à la hauteur. C’est les réalisateurs. C’est ainsi de suite. Que Dieu mette la main sur les Sotigui. Que Dieu exauce nos prières et nos jeux.
Que Dieu mette un peu, un peu de sang humain, de sang artistique sur nos autorités pour que ce que nous demandons là se réalise. Notre statut. Notre statut. Qui est comédien et qui n’est pas. Quand on me fait comprendre, on est 22 millions et il y a 22 millions de comédiens, je suis déçu.
Burkina 24 : Quel contenu pour le statut du comédien dont vous parlez ?
Abdoulaye Komboudri dit Fils de l’homme : Ce que moi je vois comme statut, c’est de nous reconnaître. De reconnaître ce que nous faisons là c’est un métier comme tous les autres. Et pour qu’on nous reconnaisse, il faut qu’on s’asseye pour parler et signer pour que partout dans le monde où nous serons, qu’on sache qu’il y a des comédiens professionnels au Burkina.
À partir de ce statut-là, il faut se poser la question qui est comédien et qui n’est pas. Qu’on fasse la part des choses. Je voudrais que le jour où ce statut va sortir, que tout soit clair à l’intérieur. Nous ne sommes que des associations. C’est bien. C’est dans ça peut-être qu’on va grandir pour avoir nos statuts, mais c’est difficile. Moi, je suis dans cette carrière-là, ça fait 30 ans aujourd’hui.
Il y a aussi des catégories. Donc, le statut dont je parle toujours, il faut qu’il y ait des articles à l’intérieur, c’est comme un peu dans la fonction publique, classe A, classe B. Tu ne peux pas venir tout de suite tourner un film et puis tu es comédien. Je suis désolé. Professionnel, qui est comédien professionnel, qui ne l’est pas dans ce statut-là, qu’il y ait des articles pour clarifier tout ça.
Burkina 24 : Quel bilan faites-vous de vos 30 ans de carrière en tant que comédien ?
Abdoulaye Komboudri dit Fils de l’homme : D’abord, avant que je ne sois comédien, j’ai été formé à la radio et de la télévision, dont M. Emmanuel Sanon qui est réalisateur, est l’un de mes professeurs. C’est dans le théâtre et le cinéma. Et j’ai grandi dans ça. J’ai fait plusieurs films. Des séries, des longs-métrages et des courts-métrages, des documentaires fictions. Je ne pourrais pas vraiment vous donner le nom.
Satisfait ? 30 ans ? Bon ! L’artiste n’est jamais satisfait parce qu’il se dit qu’il n’est jamais parfait. Mais dans l’ensemble, quand même, au vu de ce que je vois et que les gens me rapportent, je suis applaudi. Applaudi parce que les gens m’admirent beaucoup.
M’admirer pour le professionnalisme que je fais dans le domaine du cinéma en tant que comédien. Que ce soit au Burkina ou à l’extérieur, franchement dit, je porte le drapeau du Burkina Faso dans le cinéma.
Alors, maintenant, est-ce que je vis ? J’arrive à vivre, ou je ne sais pas. Si, tout n’est pas que l’argent. Le fait de pouvoir épanouir les téléspectateurs, les cinéastes, les techniciens, et un peu partout le monde, je pense que ça me va, c’est ça, moi, ma richesse. Quand quelqu’un fait un travail et il n’a pas cet amour, il ne peut jamais avancer.
Ce n’est pas seulement l’argent qui peut faire avancer quelqu’un, mais avoir l’argent et avoir la vision en même temps. C’est des choses qui se complètent. Donc, je suis très, très satisfait. Pas dans le domaine d’argent, franchement dit, mais je suis satisfait parce que je suis en train de laisser un grand héritage pour la génération future, des enfants qui veulent grandir. Parce que tous, tous me connaissent. Je suis très apprécié et je remercie Dieu
En 30 ans, franchement dit, à l’heure où je vous parle, je suis fier de moi-même par rapport à ce que je fais et je suis convaincu que, encore, si Dieu me donne les moyens de pouvoir tourner encore avec des gens et que j’ai l’envie, de faire encore mieux.
Burkina 24 : Des récompenses ?
Abdoulaye Komboudri dit Fils de l’homme : Dans ma carrière, j’ai été plusieurs fois récompensé. En Europe, en Afrique du Sud, au Burkina, et j’en passe. Il y a des festivals où je suis passé où, vraiment, il y a eu de la considération. J’ai pu avoir des gains en nature et en espèce.
Comme quoi, le prix du meilleur comédien au Burkina Faso, à la douzième édition du FESPACO, en Afrique du Sud, plus précisément à Johannesburg, prix du meilleur comédien, second rôle d’Afrique, c’est moi. Au Maroc, le festival Taza et j’en passe…
Akim KY
Burkina 24
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