Gestion du FDCT : « Notre ambition, c’est d’œuvrer à l’autofinancement du Fonds » (Fiohan Caryne Traoré/Béni)

Créé en 2016, le Fonds de Développement Culturel et Touristique (FDCT) a progressivement fait son chemin pour se positionner aujourd’hui comme un mécanisme majeur de financement des projets culturels et touristiques au niveau national. A travers un entretien accordé à Burkina 24 le 19 février 2025 à Ouagadougou, la Directrice générale, Fiohan Caryne Traoré/Béni, s’est exprimée sans langue de bois, sur la vie de son institution, les attentes des acteurs culturels et touristiques ainsi que la dynamique qu’elle a pu impulser au Fonds depuis son arrivée…
En tant que Directrice générale du Fonds de Développement Culturel et Touristique, faites-nous un bref rappel des missions de votre institution ?
Fiohan Caryne Traoré : Le Fonds de développement culturel et touristique est un établissement public de l’État de la catégorie des fonds de financement dont la vision est de « faire du FDCT un mécanisme d’appui technique et financier performant pour des industries touristiques, culturelles et créatives nationales plus compétitives ».
Trois missions principales lui ont été assignées à sa création. Il s’agit de l’accompagnement financier et technique des acteurs culturels et touristiques et de la mise en place d’un système d’informations sur les industries culturelles et touristiques.
Quels sont les services que vous proposez à votre public cible ?
Fiohan Caryne Traoré : Dans le cadre du financement, nous avons principalement deux produits que nous proposons au public, il s’agit du crédit, et de la subvention. Par crédit, nous entendons les prêts ordinaires et les avances sur recettes. Ce produit constitue la vocation du Fonds au regard de son statut.
En effet, un fonds de financement est un fonds qui est appelé à être autonome. Il y a donc une phase de consolidation de son capital d’où la subvention annuelle de l’État à l’issue de laquelle le fonds doit être amené à s’autofinancer sur la base de son capital et des recettes propres générées. Vous conviendrez donc avec moi que c’est le prêt qui est le moteur de cette dynamique. C’est cette forme de financement accordé aux entreprises qui peut assurer véritablement un retour des ressources permettant de consolider le capital du Fonds.
Cependant, au regard de la structure du secteur de la culture, il s’est avéré qu’il existe certaines activités structurantes à fort impact social mais n’ayant pas forcement une rentabilité financière avérée qu’il faille accompagner pour une bonne dynamique du secteur.
C’est donc dans ce sens que le FDCT, dans la mesure de ses possibilités, subventionne les associations, les coopératives et les groupements d’intérêt économique à but non lucratif. La subvention prend aussi en compte certaines entités publiques relevant bien entendu du secteur de la culture ou du tourisme, mais aussi les faîtières pour les besoins de structuration et de professionnalisation.
Concernant l’appui technique, le FDCT accompagne les opérateurs culturels et touristiques à travers des formations et de l’appui conseils. Cet appui se fait également par des soutiens aux faitières dans le cadre de l’exécution des activités en lien avec la structuration du secteur de la culture et du tourisme.
Il faut noter que l’appui technique direct du FDCT à l’endroit des acteurs s’est fait jusque-là dans le cadre des appels à projets que nous organisons. C’est une insuffisance dans nos actions au regard du besoin crucial de ce secteur en termes de professionnalisation. La nécessité de la mise en place d’un dispositif d’appui technique pérenne avec l’aide d’un pool d’experts au regard des besoins multiformes des acteurs s’impose.
Des actions sont actuellement engagées pour répondre à cette dynamique. En effet, grâce au soutien de l’Union européenne dans le cadre du PAIC-GC (Programme d’appui aux industries créatives et à la gouvernance de la culture), un dispositif d’appui technique a été mis en place en fin décembre 2024 et cela a permis d’effectuer une phase expérimentale de formations des membres de 40 structures en janvier dernier.
Cela fait maintenant deux ans que vous êtes à la tête de cette institution, quelles sont les acquis majeurs que vous avez déjà engrangés ?
Fiohan Caryne Traoré : Nous avons pris les rênes du FDCT en pleine évaluation des travaux de l’appel à projets du PAIC-GC en sa phase 2, à l’issue de laquelle nous avons pu accompagner plus de 80 projets culturels dans les trois filières ciblées par le programme.
Aussi, toujours dans le cadre de ce programme, nous avons pu opérationnaliser l’Antenne régionale du FDCT dans la région des Hauts-Bassins et lancer un appel spécifique régional en 2023, qui a permis de financer une trentaine de projets relevant du secteur de la culture et du tourisme culturel. Cette Antenne a réellement permis au FDCT de se rapprocher davantage de son public cible de la région et d’assurer un meilleur suivi des projets soutenus.
En matière de crédits, nous avons accordé des prêts ordinaires et des avances sur recettes à 128 projets représentant une enveloppe globale de deux milliards quatre cent soixante-seize millions cinq cent soixante un mille trois cent trente un (2 476 561 331) francs CFA. Nous avons pu assoir un dispositif de recouvrement plus rapproché des acteurs dans le cadre du recouvrement amiable.
Pour le contentieux, des actions sont en cours pour le renforcement du réseautage juridique mais aussi pour optimiser le recouvrement judiciaire et par voie arbitrale. En termes de performances, nous avons enregistré un taux de recouvrement de 54% en 2023 soit un accroissement de 31% par rapport à 2022.
Au niveau de l’appui technique, il faut dire qu’il y a eu des formations à l’issues des appels à projets et aussi dans le cadre de l’octroi des prêts et des appuis techniques en termes d’assistance et de conseils dans le cadre du suivi de l’exécution des projets. Nous avons aussi contribué à la structuration des faitières, notamment la Confédération nationale de la culture (CNC) et la Fédération des organisations patronales du tourisme et de l’hôtellerie (FOPATH) à travers la signature de conventions.
Quant à la gestion des systèmes internes du FDCT les actions majeures qui peuvent être citées sont : la relecture des textes principaux qui régissent le FDCT afin de corriger un certain nombre de limites et d’insuffisances dans la gestion; l’élaboration et l’adoption d’un nouveau PSD, l’élaboration et l’adoption avec l’appui de l’Union européenne d’une politique de crédit assortie d’un manuel de gestion, l’actualisation de la cartographie des risques, l’acquisition d’une solution intégrée pour améliorer la gestion financière. La solution intégrée est un logiciel qui assure véritablement une certaine transparence et aussi la traçabilité de toutes nos actions. Il permet l’amélioration de la gestion financière, le suivi des recouvrements, la gestion des ressources humaines, et le suivi des projets.
Par ailleurs, nous avons mis en place un cadre de suivi de la trésorerie. Le comité se réunit chaque semaine pour faire le point des ressources et des dépenses effectuées au cours de la semaine écoulée et statuer sur les dépenses à effectuer dans la semaine à venir ainsi que les perspectives en matière d’entrée de ressources.
Quelle est votre vision pour le FDCT ?
Fiohan Caryne Traoré : Le nouveau Plan stratégique de développement 2024-2028 du Fonds de développement culturel et touristique décline clairement la vision que nous souhaitons impulser, qui est de « faire du FDCT un mécanisme d’appui technique et financier performant pour des industries touristiques, culturelles et créatives nationales plus compétitives ».
Les actions majeures à engager au cours de la période concernent la structuration et la professionnalisation des opérateurs culturels et touristiques ; le renforcement de leur accès aux financements en mettant un point d’honneur sur le crédit et sa gestion ; l’amélioration de la gouvernance du FDCT et le renforcement de ses capacités techniques et opérationnelles.
L’objectif d’autofinancement a nécessité un examen minutieux du dispositif d’octroi de crédit. Dans cette perspective, une politique de crédit et un manuel de gestion ont été élaborés et adoptés lors de la dernière session du Conseil d’administration tenue en décembre 2024. Cela explique la dynamique que nous souhaitons impulser dans la gestion du prêt.
Aussi, le dispositif d’appui technique doit contribuer à l’atteinte de cet objectif à travers les actions de formation, de professionnalisation et de structuration. En effet, nous nous sommes rendu compte, à travers nos activités de financement que les acteurs ont des difficultés à monter des dossiers bancables, à produire des justificatifs des dépenses exécutées, à respecter les échéances de remboursement, etc.
De nombreux acteurs culturels et touristiques attendaient un appel à projets en 2024, malheureusement ce ne fut pas le cas…
Fiohan Caryne Traoré : 2024 a été une année charnière pour le FDCT, marquée par un resserrement des finances et par la clôture de deux programmes notamment le PAIC-GC et le PASEC V (Programme d’appui au secteur de la culture phase V).
La fin d’un programme n’est pas chose aisée. Il faut impérativement tout boucler avant le délai indiqué et justement à ce niveau certains promoteurs peinent à comprendre. Il a fallu vraiment un suivi très rapproché des promoteurs pour la finalisation des activités et la transmission des rapports . Ce travail nous a couté aussi bien en temps qu’en énergie.
Sur le plan financier il faut dire que nous avons eu des difficultés pour le déblocage des dernières tranches des promoteurs au regard des contraintes budgétaires. C’est le lieu pour nous de remercier l’État pour la mobilisation de la contrepartie nationale prévue dans le cadre de ce programme.
L’ensemble de ces contraintes n’a pas permis au FDCT de lancer un appel à projets au titre de l’année 2024.
C’est une nouvelle année, est-ce que vous avez un message à l’endroit des promoteurs ?
Fiohan Caryne Traoré : Comme message, je voudrais tout d’abord adresser un mot de remerciement à l’endroit de notre hiérarchie aussi bien la tutelle technique que la tutelle financière pour leur accompagnement dans l’exercice de nos missions.
Je voudrais également traduire toute ma gratitude aux partenaires techniques et financiers, notamment l’Union européenne et la Coopération suisse pour les multiples actions en faveur du développement d’industries culturelles, touristiques et créatives fortes et compétitives.
Ensuite je félicite nos vaillants acteurs qui se battent jour et nuit pour la dynamisation du secteur de la culture et du tourisme en dépit du contexte difficile. Nous saluons leur résilience exemplaire, toute chose qui renforce la créativité et participe au rayonnement de la cohésion sociale et du vivre ensemble. C’est le lieu pour nous de les exhorter à être de véritables ambassadeurs du Fonds à travers les initiatives culturelles et touristiques qui mettent en vitrine le FDCT.
Enfin je souhaite que 2025 soit une année de paix et de sécurité totale pour le bonheur de notre peuple !