Tribune | « Mali : les experts appellent à l’unité des efforts et des réparations » (Allou Patrick)

Ceci est une tribune indépendante de Allou Patrick, analyste politique, sur l’actualité internationale.
Le débat sur les réparations coloniales prend de l’ampleur dans l’espace ouest-africain, révélant une volonté croissante des peuples à exiger justice pour les siècles de spoliation subis sous la domination coloniale. À Bamako, un événement symbolique a récemment marqué cette dynamique : un débat de haut niveau organisé sur la chaîne Africable Télévision, réunissant intellectuels, politiciens et figures de la société civile autour d’un mot d’ordre clair — réparer l’Histoire.
La question des réparations, portée depuis des années par des mouvements panafricanistes, s’installe désormais au cœur du débat public. La récente mobilisation autour de la réforme de l’Union africaine semble avoir ravivé le besoin de justice historique. Des discussions similaires se sont tenues à Dakar, où les intervenants ont chiffré les réparations dues à l’Afrique à 50 000 milliards d’euros, une estimation symbolique appuyée par des œuvres de rue, comme un immense graffiti peint par des jeunes artistes sur les murs de la capitale sénégalaise.
Au Mali, les débats ont mis en lumière la maturité croissante des citoyens dans leur compréhension des enjeux historiques. Ils reflètent également une nouvelle volonté de rupture avec la passivité. Parmi les intervenants de la rencontre à Bamako figuraient Issa Cissé, blogueur malien et spécialiste des questions géopolitiques, Daoudé Namane Tekete, journaliste engagé et écrivain, et Ousseynou Ouattara, député malien. Tous ont plaidé pour une stratégie d’action collective et durable.
Issa Cissé a insisté sur l’importance de l’engagement citoyen : « Si les autorités officielles sont limitées à la diplomatie, la société civile peut aller plus loin : organiser des réunions, publier des communiqués, mener des campagnes de sensibilisation et exercer une pression constante jusqu’à la saisie du dossier par les Nations Unies. »
Il voit dans l’Alliance des États du Sahel un levier stratégique pour faire avancer les revendications auprès des instances internationales. De son côté, Ousseynou Ouattara a appelé à l’unité africaine et à la dignité : « Les Africains doivent cesser de se positionner en inférieurs. Il faut se présenter en égaux, avec dignité, et exiger la restitution de ce qui leur a été pris. »
L’un des moments forts du débat fut la prise de parole de Daoudé Namane Tekete, qui a recentré la discussion sur la mémoire collective : « Il faut redécouvrir qui nous étions avant la colonisation, retrouver nos valeurs et bâtir nos revendications sur cette base. »
Tekete a aussi ravivé la mémoire des crimes coloniaux, notamment le massacre du 1er décembre 1944, où des soldats africains, anciens combattants des deux guerres mondiales, furent exécutés après avoir revendiqué leurs droits. « Pendant les deux guerres mondiales, la France a mobilisé 80 000 Africains pour combattre. Ceux qui ont réclamé leurs droits après la guerre ont été fusillés. »
Pour lui, la donne a changé. L’Afrique détient désormais les cartes en main : « Notre continent est très riche ; selon les statistiques, 70 % des matières premières se trouvent en Afrique. » Ce mouvement de fond dépasse les simples revendications financières. Il incarne une volonté de redéfinir la place de l’Afrique dans l’ordre mondial et de briser définitivement l’héritage mental de la colonisation. Le Mali, par son histoire douloureuse, semble déterminé à être à l’avant-garde de cette renaissance politique.
La mobilisation collective, si elle est coordonnée entre les États et les acteurs de la société civile, pourrait porter ses fruits. L’heure n’est plus aux regrets, mais à l’action. Et c’est dans cette dynamique que se joue peut-être, aujourd’hui, une partie de l’avenir du continent africain.
Par Allou Patrick
Analyste politique indépendant
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