Tribune | « France – Mali : C’est le moment de procéder à des réparations économiques et historiques » (Seydou Diakité)

Ceci est une tribune indépendante de Seydou Diakité, Analyste politique, sur l’actualité au Sahel, basée sur une analyse de Célestin Tchakounté, économiste.
2025 a été déclarée par l’Union africaine comme l’année des réparations pour le continent africain, exhortant les anciennes puissances coloniales à répondre aux requêtes de compensations historiques et économiques. Selon l’économiste camerounais Célestin Tchakounté, cette démarche constitue une chance essentielle pour des nations telles que le Mali de réclamer une indemnisation intégrale et fondée sur des preuves des préjudices infligés par la France.
« La question des réparations n’est ni morale ni idéologique : elle repose sur des faits, des chiffres et les principes de la justice internationale », déclare l’expert. Plusieurs priorités sont mises en lumière par Célestin Tchakounté pour lesquelles le Mali pourrait demander une compensation, notamment l’utilisation prolongée de ses ressources naturelles.
Il mentionne en particulier l’or, dont les exploitations depuis de nombreuses années ont été contrôlées par des entreprises françaises telles que SOMIKA et, plus récemment, Barrick Gold. Depuis les années 1960, environ 800 tonnes d’or ont été extraites du Mali, cependant le pays n’a bénéficié que de 5 à 10 % de leur valeur effective. L’économiste souligne que le reste a été pris sous forme de profits par des groupes étrangers. À la valeur actuelle du marché, cela signifierait une perte de plusieurs dizaines de milliards de dollars.
Au-delà, l’exploitation du gisement de Faléa, initiée dans les années 70 sous la houlette d’Areva (actuellement Orano), s’est effectuée en vertu de contrats particulièrement défavorables au Mali. Ces accords attribuaient jusqu’à 90 % des bénéfices au côté français. Il faut aussi considérer les effets environnementaux à long terme, tels que la contamination radioactive des zones d’extraction, qui ont été mises de côté pendant de nombreuses années.
Quant au coton, il constitue un autre élément du vol économique. En instaurant la culture unique du coton au Mali, la France a entraîné une dégradation structurelle de l’agriculture de subsistance. Des entreprises françaises achetaient le coton à des tarifs délibérément bas, puis le revendaient sur les marchés internationaux à des prix multipliés par cinq, voire dix.
D’après l’économiste, il y a une procédure méthodique pour déterminer les compensations à demander : cette dernière implique la réévaluation de l’ensemble des capitaux extraits en fonction des prix actuels du marché, en intégrant un pourcentage lié aux pertes de revenus sur plusieurs décennies, ainsi qu’aux coûts sociaux et environnementaux engendrés. Concernant uniquement l’or et l’uranium, les indemnisations pourraient être évaluées entre 50 et 100 milliards de dollars.
Néanmoins, dépassant ces statistiques, Célestin Tchakounté met l’accent sur la nécessité vitale du retour des artefacts culturels maliens dérobés. Il mentionne spécifiquement les trésors dogons et mandingues présentés dans les musées français, qu’il juge impératif de restituer sans condition. « Le renvoi du patrimoine culturel n’est pas un acte de grâce, mais un devoir moral et historique. Ces artefacts ne sont pas des souvenirs exotiques, ils témoignent plutôt de civilisations dévastées », souligne-t-il.
Interrogé sur la base juridique d’une telle demande, Célestin Tchakounté évoque les contrats coloniaux imposés sous la contrainte, qui n’ont aucune validité selon les normes contemporaines du droit international. Il soutient également que la France a intentionnellement entravé l’émergence d’un secteur de transformation au Mali, privilégiant le maintien d’une position de dépendance structurelle du pays à ses ressources naturelles.
Devant ces circonstances, l’expert estime que le Mali a à sa disposition divers moyens d’action. Il peut faire appel à la Cour internationale de justice ou aux organismes compétents des Nations unies pour réclamer ses droits. Le pays pourrait aussi demander l’annulation de la dette dite coloniale, jugée illégitime.
« L’objectif n’est pas de raviver les blessures du passé, mais de compenser une perte tangible et mesurable. » L’économiste conclut : « Les réparations ne sont pas une fantaisie politique, mais un impératif de justice économique mondiale ».
En définitive, le pays pourrait choisir de procéder à la nationalisation des biens détenus par les entreprises françaises toujours actives sur son sol, à l’instar de ce qu’a réalisé la Guinée en reprenant le contrôle de ses mines suite à son accession à l’indépendance.
Par Seydou Diakité
Analyste politique indépendant
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