Opinion : « Que faire de nos koglwéogo ? »
Ceci est une analyse de Hervé Lankoandé sur la question des Koglweogo. Il donne des pistes de réflexion quant au sort qu’à la place qu’on devrait leur accorder.
Nul n’a envie de jouer au prophète de malheur surtout lorsque les nuits sont paisibles. Toutefois, elles ne le sont plus depuis un certain temps dans notre pays. Depuis quelques mois, un sujet divise l’opinion publique burkinabè : celui des koglwéogo.
Tandis qu’une frange de la population évalue positivement l’action de ces groupes d’auto-défense dans la lutte contre le grand banditisme, une autre tout en questionnant la légalité d’une telle initiative demande son démantèlement surtout en ces derniers mois où des dérives ont été constatées. Alors, que faire de nos koglwéogo ? Les institutionnaliser ? Les démanteler ? Ou rester dans ce statu quo qui ne profite à personne ?
A la question que faire de nos koglwéogo, certaines personnes estiment que ces groupes d’autodéfense sont une initiative sur laquelle il faut compter avec pour conjurer le grand banditisme qui prévaut dans la cité. En effet, les défenseurs de cette position évoquent le vide sécuritaire auquel font face les populations, surtout celles vivant dans les zones rurales et en ce sens mettent en exergue l’échec de l’État qui, il faut le rappeler, a l’obligation de veiller à la protection de ses citoyens.
Vue sous cet angle, l’action de koglwéogo serait donc une aubaine et peut être interprétée comme une sorte de légitime défense collective. Même s’il est encore très tôt pour dresser le bilan de l’action de ces groupes d’auto-défense, les pro-koglwéogo saluent le dévouement et la promptitude avec laquelle ceux-ci s’attaquent au fléau du grand banditisme. En termes de coût-bénéfice, ces groupes d’auto-défense seraient également un capital à exploiter, une innovation au niveau de l’institution sécuritaire. Toutefois, pour les anti-koglwéogo, la donne est tout autre.
Pour ce second groupe qui regroupe aussi une bonne partie de l’opinion publique et composé surtout de magistrats et de mouvements de défense des droits humains, les actions des koglwéogo s’inscrivent dans l’illégalité car non reconnues et encadrées par la loi. Ces groupes d’autodéfense qui, en principe devraient travailler en tant que simples volontaires aux côtés des forces de sécurités, empiètent sur des compétences régaliennes.
Dans certains États comme le Soudan, l’on a vu des groupes d’auto-défense/des milices de par le passé s’organiser pour assurer la sécurité des populations civiles. Mais à la différence du Soudan, le Burkina Faso n’est pas en déliquescence. A cette crainte, s’ajoutent les épisodes de torture et de séquestrations attribués au koglwéogo en ces deux derniers mois. Enfin, outre la question des droits humains et la défiance vis-à-vis des forces de sécurité comme nous l’avons tous constatées à Fada et à Sapouy en mars dernier, certaines personnes estiment que l’on pourrait assister à la milicianistation de ces groupes d’auto-défense, et dans ce cas, ils constitueraient un problème de sécurité nationale. Dans ce débat, une partie de l’opinion publique a appelé le gouvernement à se prononcer sur la question des koglwéogo, mais il l’a déjà fait tacitement à travers ses différentes sorties médiatiques.
Lors de sa conférence sur ses cent (100) premiers jours au pouvoir à Bobo-Dioulasso en avril 2016, le président Roch Marc Christian Kaboré a invité les koglwéogo à agir dans le cadre de la loi, faute de quoi ils seraient traduits devant la justice. En l’occurrence, il a exclu une dissolution des koglwéogo car n’étant pas reconnu par la loi. Toujours en avril 2016, le ministre de l’administration territoriale et de la sécurité Simon Compaoré a effectué une tournée dans quelques provinces afin de sensibiliser les koglwéogo.
Toutefois, cette sensibilisation pour le moment reste dans l’ordre du discours puisque n’étant pas accompagnée de séances de formations, cela est-il motivé par la recherche d’une sécurité à moindre coût ? En voulant s’appuyer sur ces groupes d’auto-défense sans les reconnaître officiellement, l’État est en train renforcer une situation ambiguë qui mérite d’être levée : quel est le statut d’un koglwéogo qui meurt dans le cadre de ses activités comme ce fut le cas récemment dans la province du Sissili ? Agent de sécurité ou simple civil ?
A la lumière de toutes ces ambiguïtés et considérant que le gouvernement a implicitement reconnu ces groupes d’auto-défense, il est maintenant temps de procéder à leur institutionnalisation en leur accordant un statut spécial, inférieur à celui des forces de défense et de sécurité afin de limiter les dégâts. En procédant ainsi, les attributions des koglwéogo pourront être matériellement et territorialement délimitées et soumises au contrôle de l’État.
Ceux-ci pourront bénéficier également d’une vraie séance de formation. Le statu quo dans lequel nous évoluons a trop duré et il est encore tant de sauver cette initiative avant qu’elle s’autodétruise à cause de ses propres dérives. Tout cela demande des moyens mais nul ne doute que la sécurité ait un coût.
Dieu bénisse notre cher Faso !
Wendyam Hervé Lankoandé
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