Burkina : Des étudiants et stagiaires en Algérie s’adressent à Roch Kaboré
Dans cette lettre ouverte, des étudiants et stagiaires burkinabè vivant en Algérie exposent au président burkinabè leurs préoccupations.
Excellence Monsieur le Président du Faso,
salut sur vous. Nous aurions aimé deviser longtemps dans un air de famille, mais le réel nous pousse à la phrase, nous sommes contraints par les colorations du présent. Il est bon, pour qu’il n’y ait pas de glissements d’ombre, de dire une banalité essentielle à savoir que vous n’avez jamais été pour nous un sorcier et comme tel nous déposons sur votre table pleine de labeurs à entamer un sujet pas si extraordinaire, qui ne mérite pas que tant d’encre coule ou pour être contextuel qui ne mérite pas tant de hurlements de clavier.
En effet, des fils, ceux qui vous écrivent dans l’éloignement du nord-africain, seraient vivement intéressés de savoir ce que représente aux yeux de l’État dont vous êtes le capitaine la question estudiantine. Sans aucune fouille d’intention, vous leur direz à quelques virgules près « beaucoup, et même presque tout ». Et ce serait une répétition car tout est déjà écrit.
Oui, l’éducation est le poumon de la nation, sans elle ou avec elle et crevée c’est l’asphyxie assurée, une mort bon marché, sans le service même de la douleur. Tout le monde le sait, mais les agissements de beaucoup nous rapprochent du bal des monstres que nous fuyons tant tout le monde se plait d’oublier que le chaos tient ses promesses et assure ses tours de garde.
Venons-en à l’histoire. Nous sommes près de deux centaines à étudier en Algérie, tous envoyés par l’État sur le seul critère discriminant de la taille des notes, ou du moins selon la version officielle. Nous nous sentions alors importants et célébrés. « En route alors pour le bon port » nous disions-nous les dents visibles. Niaiserie ! Niaiserie !
Aujourd’hui, c’est avec la tête et la bouche pleines d’amertume que nous vous écrivons sans intention de troubler vos diners de nos problèmes que voici et sachez qu’il n’est ici question que de ceux sur lesquels nous n’avons aucune prise.
Primo, il y a un gros mensonge à Alger qui enfante une fausse réduction de dépenses à Ouagadougou. Il est dit que nous recevons une ‘’ double bourse’’, une de notre pays et l’autre du pays hôte ; ceci a pour conséquence de pousser nos ministères de tutelle à traiter notre cas avec beaucoup d’économie. Or il y a maldonne. Nous ne recevons de l’État algérien que la somme de 1330 dinars algériens (l’équivalent de 6650 FCFA) tous les mois.
Il y a vraiment ignorance de notre condition. Sachant qu’aucun étranger n’a le droit de travailler en Algérie, excepté bien sûr les ambassades et les consulats, comment Monsieur le Président avec cette loi incapacitante et 50 000 F CFA mensuels en complément de bourse de la part de notre pays payés trimestriellement et qui arrivent après un semestre pouvons-nous nous acheter des vestes et des baskets pour traverser le rude hiver algérien ?
Il y a aussi des restaurants universitaires, mais la cuisine, en plus est loin d’être tropicale en plus des conditions hygiéniques qui laissent à désirer et nous n’avons d’autres solutions que de nous mettre à manipuler les marmites.
Secundo, une autre injustice à nous faite et sans doute la plus grande, Excellence Monsieur le Président, premier Burkinabè, est que nous avons une bourse statique. Elle n’évolue d’aucun centime ni entre les années ni entre les cycles. C’est une misère stable que rien ne vient ébranler sinon la croissance folle de nos besoins. En effet, vous le savez vous-mêmes, vous qui êtes un brillant économiste, le coût de la vie ne fait qu’augmenter au jour le jour dans n’importe quel point de la terre.
Et pire, le contexte actuel marqué par les chutes continues du prix du baril de pétrole porte un coup fatal à l’économie d’un pays essentiellement pétrolier comme l’Algérie, impliquant une hausse du coût des produits et services de première nécessité et rendant ainsi encore plus vulnérables les étudiants aux bourses stationnaires que nous sommes.
Excellence Monsieur le Président, il n’y a aucun plaisir à parler de ses plaies et de ses poux, mais il ne faut jamais voiler les maux qui les mettent au monde. La troisième injustice est la plus absurde et la plus insupportable. Savez-vous qu’une fois ici, nos chances de décrocher une bourse pour un meilleur pays sont nulles ? Pourquoi ?
Question pourtant simple ! Pourquoi nous écarte-t-on des bourses d’excellence en dépit de nos excellents résultats conquis à force de peine, à coup de misère et d’oubli de ressentiments ? Lorsque nous postulons à des bourses qui relèvent de la compétence nationale, une réponse discriminante nous est opposée « vous êtes déjà boursiers » et nous voilà éconduits, coltinant au loin notre fardeau de bourse regrettable.
Ainsi nous avons le sentiment qu’un gros pouce national bouche notre horizon, que nous avons été gentiment déposés dans une impasse, envoyés dans un pays où le racisme est toujours présent. Dites-nous le contraire. Dites-nous que nous n’avons pas été envoyés au casse-pipe, dans une tranchée en plein air.
Nous aimerions aussi savoir si vous avez un projet pour les étudiants que vous envoyez à l’extérieur et qui font résonner le nom de notre pays dans les contrées où on ne l’entendait pas.
Parce qu’à l’heure où nous vous écrivons, nul ne peut nous assurer que l’on se souvient parfois de nous dans vos réunions. Sinon comment expliquer le grand silence assourdissant de l’État ? Comment comprendre qu’aucun fonctionnaire mandaté ne soit jamais venu nous voir pour discuter difficultés et avenir.
Dans l’absolu, rien ne nous motive à espérer. Nos devanciers qui sont revenus ont des ongles blancs à force d’inactivité, emploi difficile à trouver, et pire aucune mesure d’accompagnement ; notre pays semble être un désert de poste.
Monsieur le premier Citoyen, nous avons des camarades couchés en ce moment sur des bat-flancs en prison ici en Algérie attendant un procès qu’on ne programme pas faute de temps comme s’il n’y avait pas 365 jours dans l’année et souvent même 366.
Et dans cette situation, l’inaction révoltante de notre ambassade nous laisse penser qu’ils en ont encore pour longtemps. Monsieur le Président, si nous qui respirons la liberté nous nous plaignons des conditions sociales en Algérie, imaginez un peu le vécu de vos compatriotes, hommes et femme (parce qu’il y a également une fille détenue) dans une prison algérienne !
L’air serait devenu infect à Kossyam si tant est que vous eussiez entendu les raisons de leur mise hors société. Tout ce qu’on peut vous dire est qu’ils n’ont ni volé, ni tué, ni violé. Nous vous suggérons de demander des explications à l’ambassadeur qui se trouve à Alger, au nom de votre politique.
Somme toute, Excellence Monsieur le Président, nous pensons qu’il est d’un commun avis que l’éducation demeure l’immense corps malade de la République et qu’il faille vite aller aux soins. Le Burkina compte sur ses jeunes, qu’ils aient étudiés ou pas, alors aucun citoyen ne devrait être oublié dans son chantier quotidien. L’impression de mépris est le ventre sombre du droit à l’irresponsabilité.
Excellence Monsieur le Président, des fils et des filles du pays vous ont parlé.
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