Enseignement au Burkina Faso : « Le personnel est suffisant mais mal réparti »
Avec un personnel enseignant « suffisant au niveau du primaire mais mal reparti, mal employé » et « concentré dans les grands centres aussi bien dans les écoles que dans les bureaux », un professeur des lycées et collèges au lycée Philippe Zinda Kaboré « qui n’a que deux heures par semaines sur 18 qu’il devait assurer » et au supérieur un personnel vieillissant ce qui tend à provoquer une inversion de la pyramide des grades, « on va droit dans le mur », alerte la députée Juliette Bonkoungou.
Pendant un mois (à partir de la mi-avril 2017), Luc Ye, président de la commission d’enquête sur le système d’enseignement et ses collègues se sont rendus dans neuf (09) régions préalablement choisies sur la base de l’existence de tous les ordres d’enseignements pour « diagnostiquer les mots qui entravent la performance de notre système éducatif du préscolaire à l’université et de proposer de mesures correctives ».
Le taux de préscolarisation au Burkina, c’est de 2,9% loin en deçà de la moyenne CEDEAO qui est de 33,5%. Avec ces chiffres, commente Anselme Somé, rapporteur général de la commission d’enquête, « le préscolaire est encore à un état embryonnaire dans notre pays ». Et avec 301 salles de classes en 2015-2016 pour le public contre 1 400 centres pour le privé dans la même année, le préscolaire se révèle être « l’œuvre du privé » avec de « fortes disparités » selon les régions. Comme au primaire, les effectifs sont pléthoriques avec 90 élèves au lieu de 30 selon la norme. Avec une scolarité variant entre 15 000 et 50 000 francs au public et entre 30 000 et 500 000 francs, « le préscolaire, commente Anselme Somé, c’est pratiquement l’ordre d’enseignement le plus cher ».
A l’école primaire entre 2015-2016, il y avait 69 148 enseignants contre 64 177 l’année scolaire précédente soit une augmentation de 4 976 enseignants. Malgré cette augmentation a relevé le rapporteur général de la commission, « il (personnel) est suffisant au niveau du primaire mais mal reparti et mal employé, concentré dans les grands centres aussi bien dans les écoles que dans les bureaux ». C’est le cas dans les villes de Ouagadougou et Bobo-Dioulasso où il y avait respectivement 500 et 300 suppléants, l’année scolaire écoulée.
Première conséquence de cette forte concentration « la plupart de ces enseignants sont dans les hauts commissariats, les mairies où ils jouent des rôles de protocoles parfois sans actes administratifs ». Cela influe sur le taux d’achèvement du primaire qui est passé de 58,2 en 2015-2016 et sur celui de réussite au certificat d’études primaires (CEP), il est passé de 72,7% en 2008-2009 à 62,1% en 2015-2016 soit une régression de 10,6 % Désagrégé, le taux donne d’achèvement donne 61,3% de filles contre 55,13% de garçons. Certes « les filles dominent en termes de taux d’achèvement » mais, déplore Anselme Somé, « c’est quand elles arrivent au secondaire que les taux s’inversent ».
Au secondaire les « volumes horaires assurés très en deçà de la norme ». C’est le cas au lycée Philippe Zinda Kaboré où « on a un professeur qui n’a que deux heures par semaines sur 18 qu’il devait assurer ». Et pendant « le reste du temps, ils sont dans les vacations ». A cette absence notoire dans les collèges et lycées d’affectation, s’ajoute le manque de qualification chez « beaucoup d’enseignants qui sont sans formation initiale » et le « bas niveau » chez certaines recrues de l’Institut des sciences (IDS). Cette situation contribue selon les membres de la commission à créer « un très fort taux de redoublement ».
Rendre public le contenu du rapport avec les noms des acteurs incriminés
« J’ai vu les résultats. Il y a des noms. Et pas des moindres. Et même des noms de donneurs de leçons », a déclaré le président du parlement. Mais à l’écouter l’heure n’est pas à la publication du rapport. L’assemblée va « prendre le temps » car poursuit-il, « ça pourrait être comme de la stigmatisation ». Comme un sursis accordé à « ces acteurs de l’éducation qui préfèrent prendre deux trois heures et passent le reste du temps à faire autres choses pour lesquelles ils ne sont pas payés », Bala Sakandé annonce que la prochaine fois, il sera demandé que les emplois de temps des établissements publics soient rendus publics. Ce sera un préalable avant qu’il ne soit procédé à la publication de « ce que les gens perçoivent par rapport à ce qu’ils font comme travail sur le terrain ».
Au supérieur, le taux de croissance annuelle moyen des effectifs est de 12%. Malgré cette croissance, relève le rapporteur, « on est très loin en dessous de la norme de l’UNESCO » qui fixe à 2% le taux de la population devant intégrer les universités et instituts supérieurs de formations.
Une révélation qui n’en est pas une, c’est le « déficit alarmant en infrastructures notamment à Ouagadougou et c’est cela qui est à l’origine des difficultés ». A cela s’ajoute le ratio enseignant-étudiants qui devait selon les normes UNESCO être de 25 étudiants par enseignant. Le constat, dresse Anselme Somé, le personnel enseignant au supérieur n’est pas régulièrement recruté, ce qui tend à provoquer une inversion de la pyramide des grades caractérisée par le vieillissement du personnel. La résultante, « avec le départ à la retraite, la relève ne sera pas assurée dans certaines spécialités », constate avec amertume le rapporteur de la commission d’enquête.
Pas même 1% d’étudiants inscrits dans les filières agricoles
Des résultats de l’enquête parlementaire, il ressort que la plupart des filières relève des sciences sociales, du commerce et du droit. Ainsi, 57% du flux qui se dirige vers ces facultés. L’expansion des offres au fil des années (173 filières en 2006-2007 à 528 en 2015-2016) n’a pas contribué à changer la donne. Et « cela pose des problèmes d’insertion socio-professionnelle parce qu’au niveau de l’enseignement technique et professionnel, c’est très faible ».
En effet, seulement 0,4 % des étudiants s’orientent en agriculture « socle de notre économie n’a que 0,4% des étudiants. Même pas 1% », constate Anselme Somé. Le député Zoungrana Yaya déplore que « les élèves ne savent rien faire de leurs dix (10) doigts ». Avec « entre les mains un système qui ne fonctionne pas et qu’il faut rapidement corriger » il propose « un marquage serré de l’exécutif » pour trouver des solutions.
Même si le principe de séparation de pouvoir ne le permet pas, le député Bonkoungou Juliette propose au président de l’assemblée nationale de « suggérer un séminaire gouvernemental puisse être organisé sur ce sujet très important ». A défaut, « ce ne serait responsable (…) de ne pas attirer l’attention du gouvernement ». La situation l’exige, car dit-elle, « on va droit au mur » !
Oui Koueta
Burkina24
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