Djibougou Alimata : «Difficile pour les hommes d’être dirigés dans leur travail par une femme »
Dans le cadre du 8-Mars, journée internationale de la femme, nous avons rencontré une femme qui évolue dans un domaine peu commun pour la gente féminine. Il s’agit du Bâtiment et des travaux publics (BTP). Kabore née Djibougou Alimata, est ingénieur en génie civil, précisément ingénieur des travaux (bac+3). Egalement professeur au lycée professionnel Naaba Kango de Ouahigouya, elle est mariée et mère d’un enfant.
Burkina 24 (B24) : Quel est votre parcours universitaire ?
A.K : Après le baccalauréat série D, j’ai obtenu le brevet de technicien supérieur (BTS) en génie civil à l’école de formation et de perfectionnement des travaux public (EFP-TP). Ensuite, j’ai obtenu une licence professionnelle à l’école nationale supérieure des ingénieurs de Fada.
Alimata Kabore (A.K) : Qu’est-ce qui vous a poussée dans ce métier ?
A.K : C’est tout d’abord l’amour de la chose, car après mon BEPC j’ai voulu faire le BEP en bâtiment. Mais au vu de certaines situations, je n’ai pas eu l’occasion de le faire. Après le Bac, j’ai voulu m’y mettre car j’aime la construction, les routes, tout ce qui est technique
B24 : Comment vos parents et votre entourage ont accueilli votre choix ?
A.K : La famille n’a pas approuvé cela au début car étant une femme, c’est difficile. Mon père étant entrepreneur en puits, forages et construction, il connait les durs labeurs et la difficulté des chantiers. Il n’était donc pas convaincu que j’allais pouvoir tenir. Il était sceptique.
Mais vu les réalisations auxquelles j’ai participé au fil des années, il a vu que j’avais de la volonté et de la persévérance. Quant à mon époux, c’est souvent compliqué car je suis presque toujours absente. Mais il m’encourage néanmoins et cela me permet d’aller de l’avant et de consacrer tout le temps que je peux pour ma famille.
B24 : Peut-on dire que ce métier nourrit son homme et que vous gagnez bien votre vie ?
A.K : (Rires) Oui, le métier nourrit son homme bien que les débuts soient toujours difficiles. Avec le temps et le travail bien fait, la confiance des uns et des autres grandit en moi. Les entreprises et les particuliers qui ont été satisfaits me recommandent pour d’autres chantiers.
Mais il faut que nos clients essaient de mieux valoriser notre métier en nous payant mieux. C’est ce qui permettra aux travailleurs dans le BTP d’éviter les bafouages et le travail fait avec peu de sérieux.
B24 : Quelles sont les difficultés majeures que vous rencontrez en tant que femme dans ce métier ?
A.K : Les difficultés ne manquent pas. Actuellement, je suis sur un chantier où je suis la seule femme et je m’occupe du contrôle technique pour la mise en œuvre. C’est difficile pour les hommes d’être « dirigés et contrôlés » dans leur travail par une femme. Certains ne l’acceptent pas et je trouve une manière de m’y prendre sans frustrer.
Egalement, pour le coulage d’une dalle, je me retrouve avec souvent une trentaine d’hommes jusqu’à 23h, parfois minuit. Il y a des risques. Certains chantiers sont hors de la ville et il faut y rester pendant des jours sans des conditions appropriées. Par ailleurs, en tant que « contrôleur à pied d’œuvre », je fais souvent des observations et je me rends compte que les ouvriers ne les appliquent pas comme il se doit.
B24 : Vous êtes actuellement sur un chantier de construction d’un immeuble de 4 étages. Quel rôle jouez-vous exactement ici ?
A.K : Je suis contrôleur à pied d’œuvre c’est-à-dire que je suis là pour régler les problèmes immédiats. Il y a le plan architectural et il y a la réalité sur le terrain. Par exemple, s’il y a un poteau à insérer et que ça ne marche pas, je dois régler ça rapidement pour qu’on puisse passer à autre chose.
Si pour une poutre de retombée 30, la portée n’est pas grande, je sais comment calculer immédiatement pour diminuer ou augmenter. Je veille également sur le dosage avant le coulage du béton. Je ne soulève pas de brique, ce n’est pas mon rôle. Depuis le début du chantier, je suis présente pour le contrôle technique. C’est très épuisant mais avec le temps, je m’habitue. C’est pratiquement mon 4e chantier, donc je tiens bien.
B24 : Vous venez de créer votre petite entreprise. Parlez-nous d’elle.
A.K : Je viens de créer une entreprise dont le nom est Edifice Alpha Oméga. Nous faisons le dessin, le dimensionnement, le contrôle, les devis et la construction des chantiers. Il y a d’autres services que nous allons insérer au fil du temps comme par exemple les réfections.
B24 : Pourquoi avez-vous voulu créer votre propre entreprise ?
A.K : J’ai choisi de créer ma propre entreprise car cela me permettra de m’exprimer librement dans le domaine. C’est-à-dire faire mes propres propositions au maitre d’ouvrage et faire moi-même les mises en œuvre. Aussi, je veux être autonome car j’ai une vision et je suis une femme battante. Je ne veux pas me limiter à être employée mais gérante de ma propre société.
B24 : Quels conseils donneriez-vous aux filles ou femmes qui souhaitent embrasser ce métier ?
A.K : Tout d’abord prendre conscience de la difficulté qu’il y aura à cause du genre. Il faut avoir l’amour du métier car même si tu es payée à des millions, sans amour, ça ne peut pas aller loin. Il y aura des propositions de corruption pour que le travail ne soit pas fait selon les normes.
Sans compter le fait que les études en génie civil coûtent vraiment cher. Tout cela peut constituer un frein. Mais avec la détermination et la persévérance on arrive toujours à faire ce qu’on aime. Autre chose dans le BTP, il faut avoir de la rigueur pour suivre exactement le cahier de mise en œuvre. Si l’ingénieur ou l’architecte fait des observations, il faut exécuter correctement. Le plus important c’est surtout avoir un conjoint qui approuve son métier et qui apporte son soutien malgré les contraintes.
B24 : C’est la journée internationale de la femme. Selon vous, qu’est-ce qui pourrait être fait pour améliorer les conditions de travail des femmes dans le domaine du BTP ?
A.K : Cette journée doit être utilisée pour mener des réflexions positives au lieu de s’attarder sur les festivités. Pour le cas des femmes qui sont dans le BTP, il serait bien de créer une association des femmes ingénieures et des femmes techniciennes. Cela nous permettra d’échanger par rapport à nos difficultés et à nos atouts.
Ainsi des solutions peuvent être trouvées. Cette association permettra également d’encourager et de coacher les jeunes filles qui souhaitent se lancer dans le domaine.
B24 : Votre dernier mot
A.K : Je dis d’abord merci à Dieu qui me donne la vie et la capacité d’aimer et d’exercer ce métier. Ensuite merci à mon époux qui est toujours là pour moi. Merci à Burkina 24 d’avoir voulu dans le cadre du 8-Mars, reconnaitre le noble boulot que je fais.
Propos recueillis par Esther KY (Stagiaire)
Burkina24
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