Burkina Faso : « Dans la culture Pougouli, rien n’est sorcier, tout est science » (Walia Djedoua)
Parmi la soixantaine de communauté que compte le Burkina Faso, il y a les Pougouli, une communauté majoritairement animiste du sud-ouest et des Hauts Bassins, qui s’identifie bien par sa culture et ses croyances ancestrales. La vingtième édition de la Semaine Nationale de la Culture tenue du 29 au 06 mai 2023 à Bobo-Dioulasso a offert un cadre d’expression aux différentes communautés du Burkina Faso mais aussi d’Afrique. Malo Dieudonné, responsable culturel de la communauté Pougouli de Bobo et Walia Djedoua étaient sur le site du village des communautés pour valoriser les us et coutumes des Pougouli.
Burkina 24 : Qui sont les Pougouli ?
Dieudonné Malo : Les Pougouli sont des ressortissants du Sud-Ouest, des Hauts Bassins. Ils sont dans la zone de Gaoua et dans la zone de Tuy ainsi que dans la zone de Diébougou. Quand on attend un nom Malo, Nouma, Zingué, Soma, Wilia, ce sont des Pougouli.
Et généralement ces noms sont attribués lors d’une consultation. C’est maintenant qu’avec la modernité que quand l’enfant nait on lui donne Malo, sinon en principe, c’est à travers les consultations qu’on donne les noms Malo, Soma, Zingué, Walia ; car les noms sont des astres.
Burkina 24 : Quoi d’autres pour reconnaitre les Pougouli ?
Dieudonné Malo : Le Pougouli est généralement identifié par sa danse. Quand vous voyez la danse Pougouli, c’est la première danse depuis le début de la SNC Bobo 1986. La danse traditionnelle adulte, les Pougouli ont été premiers ; SNC Gaoua 1984 dans la catégorie danse adulte, les Pougouli ont été premiers. Donc grâce à la danse, on reconnait l’identité Pougouli. Il est aussi identifié par sa culture.
Burkina 24 : Que représente le sorgho rouge chez les Pougouli ?
Walia Djedoua : Ce que vous voyez, c’est la culture Pougouli, mais le produit que vous voyez c’est le sorgho rouge. C’est ce sorgho-là chez les Pougouli dans l’ancien temps qu’on écrasait et quand quelqu’un meurt, on prend, on tape le ventre du cadavre, et celui-ci va vomir le sang verser là-dedans, on ajoute le dolo et tout le monde boit. Et tous ceux qui vont le consommer, c’est un antipoison.
Burkina 24 : La calebasse ?
Walia Djedoua : Ceci est un fétiche Pougouli, et chaque fois que les Pougouli partaient en guerre, c’est ce qu’ils faisaient, un homme monte 3 fois, une femme 4 fois, et lorsqu’ils vont en guerre, ceux-ci reviennent intacts. Quand tu montes, ton âme reste et ta chair part, l’âme est sécurisée ; et même si tu fais un tonneau, tu sors intact, et même si un avion fait un crache, cet individu va sortir intact et on parlera de miracle puisqu’il marche mais il n’a pas d’âme.
Burkina 24 : Les Cauris ?
Walia Djedoua : Ce sont des cauris, à l’ancien temps, on écrase cela et on mélange avec le beurre de karité avec un produit, et on le frotte sur le cadavre, c’est un formole, et on peut conserver le cadavre durant 100 ans. Il ne se décomposera pas ; c’est la science africaine comme ça.
Burkina 24 : La queue ?
Walia Djedoua : Ça c’est un fétiche Pougouli. Quand un Pougouli meurt à l’extérieur, c’est ce fétiche qu’on prend, on tape le cadavre, celui-ci va se réveiller, on l’amène au village pour l’enterrer. Même s’il meurt en Europe, on le ramène. Et quand c’est un cas de santé, on tape la tête du cadavre et il se réveille, il marche lui-même rentrer dans sa tombe.
Burkina 24 : Les flèches ?
Walia Djedoua : Ceci est un missile africain. La partie pointue, on l’a coupée puis on ajoute la tête du cobra avec un autre produit et lorsqu’on te lapide avec, quand ça rentre, le scanner ne peut pas détecter, ni la radio, tu souffres.
Burkina 24 : La pioche ?
Walia Djedoua : C’est un fétiche Pougouli et la consultation se fait avec la main gauche. Quand tu consultes avec ça, tu connais l’origine de la personne, ainsi que pour connaitre la destinée d’un nouveau-né, son origine, son oracle, l’astrologie de l’enfant et ce qu’il y a à réparer, on répare.
Quand quelqu’un meurt aussi et qu’il refuse de rentrer dans sa tombe, on consulte avec ceci aussi pour savoir le pourquoi. Ainsi que quand quelqu’un est malade, on connait l’origine de la maladie c’est avec çà que les Pougouli font la consultation, et cela se fait avec deux personnes, et on interroge ensuite la terre, et c’est elle qui va faire la révélation sur ce qu’il y a.
Burkina 24 : La peau ?
Walia Djedoua : Celui-ci est le plus noble et le meilleur des fétiches. Les Pougouli l’appellent « Lougoupié » : la peau du chat. Quand tu es initié à çà, tu as le savoir, la connaissance, et un pouvoir surnaturel qui se n’exprime pas. C’est comme si tu as pris l’incarnation du chat. Selon nous, parmi tous les animaux domestiques, sauvages, aquatiques, il n’y a pas un animal qui a plus de savoir que le chat.
C’est le chat qui peut se coucher et voir tout ce qui se passe dans un autre pays, et c’est le chat qui connait la destinée 50 ans du futur ou du passé. A part le chat, il n’y a pas un autre animal. C’est pourquoi les Pougouli travaillent avec cette peau. Même si tu es dans un avion et celui-ci fait un crache, tu sortiras idem ; c’est un pouvoir inexplicable.
Burkina 24 : Cette peau également ?
Walia Djedoua : Il y a beaucoup de jeunes filles qui sont victimes de cela, tu les vois, elles sont belles, claires, elles ont l’argent, mais elles n’ont pas de maris et on accuse X d’être la cause, mais on ignore que peut-être l’enfant qui était né avait besoin que ce fétiche soit consulté, et ceux qui n’ont pas eu la solution à cela, on l’accuse d’être suivi par un génie.
Tout enfant qui vient au monde, vient avec un esprit bien donné et même le Blanc l’a détecté en parlant de l’instinct animal. Donc il faut une consultation pour connaitre l’esprit de l’enfant et on arrange. Peut-être que l’enfant veut une chaine, une chaussure, un bracelet, on fait ainsi les rituels et l’enfant réussit dans sa vie.
Et beaucoup de parents sont fautifs. Tu peux voir un homme, qui a son argent, qui va scolariser l’enfant, le mettre dans de bonnes conditions, mais l’enfant à un manque, c’est grâce à cela qu’on consulte pour voir le mal. Il y a 3 ans de cela, il a eu un cas dont l’enfant était toujours malade, après la consultation, on a vu que l’enfant demandait à aller vivre avec ses parents à plaisanterie, on l’a amené faire un an, et à son retour, plus rien. Il se sent bien.
Burkina 24 : La corne ?
Walia Djedoua : Ça c’est un petit Pougouli, on l’appelle « Lompo, le fétiche de la chasse ». Il y a un animal sauvage, c’est dans sa corne qu’on met le fétiche et la poudre noire, et lorsque tu pars en guerre, tu enlèves la poudre noire, tu appelles le nom de l’ennemi tout en étant caché derrière un arbre, tu vises en air, où qu’il soit caché, l’arc va le chercher dans la nature et l’atteindre. Et quand ça le pique, il est irrécupérable.
Les Pougouli se cachaient avec ça, ils se cachaient dans les grottes et cherchaient un petit creux en prononçant le nom de l’ennemi et lance la flèche de l’arc en air, et l’éternel Dieu fait le reste. Et c’est avec ce fétiche quand tu es à la chasse, quand tu veux tuer un animal et que celui-ci s’apprête à bondir sur toi, tu peux rentrer sous la terre et réapparaitre quelque part d’autre. Il y a également un tambour sacré qu’on appelle « le feu ». Seuls les initiés ont l’autorisation de danser avec.
Burkina 24 : Du sésame ?
Walia Djedoua : Ça c’est du sésame, c’est parce que de nos jours, les femmes sont nombreuses, sinon avant, on pouvait avoir une femme pour un village car les hommes étaient plus nombreux que les femmes. Donc, on pouvait voir un vieux de 70 ans sans femme sans qu’il ne soit impuissant. Donc les Pougouli avaient ce secret.
C’était du sésame qu’on ajoutait à un produit, la femme est dans le village, tu mets le produit sur ta main, la nuit si tu vois la femme, et si tu arrivais à la toucher, cette dernière te suit, et quand les ennemis vont commencer à te poursuivre, tu enlèves ce même produit et tu jettes derrière toi, ils vont changer de direction et toi tu disparais avec la femme pour la marier.
Burkina 24 : Les rapports entre les Pougouli et les autres peuples ?
Walia Djedoua : Les Pougouli se marient avec d’autres ethnies, mais ils ne se marient pas avec les Peuls parce que la femme Peule se déplace trop. Les Pougouli sont jusqu’à nos jours des animistes mais c’est 5% qui sont peut-être musulmans ou chrétiens.
Comme message que j’ai à donner à ces jeunes, c’est que chacun connaisse sa culture. L’Afrique regorge beaucoup de ressources, de savoirs, de connaissances, mais quand tu abandonnes ta culture pour adopter une autre culture, tu peux peut-être connaitre les 1/3 mais pas les 2/3 de cette culture. Mais chacun n’a qu’à être fier d’être Africain parce que c’est dans l’africanisme que tu connais beaucoup de choses.
Le Blanc a créé un appareil portable pour s’appeler ou se voir, mais dans l’ancien temps, nos parents aussi enlevaient l’eau dans une bassine et regardaient leur fils à travers la calebasse ou la bassine pour discuter avec lui mais on a tout abandonné.
Maintenant on envoie les poulets par des avions alors qu’avant on les envoyait grâce à la foudre. Le vieux pouvant prendre un sac de maïs et envoyait par la foudre qui tombait chez son ami et ce dernier le captait à son tour par la foudre. Alors chacun n’a qu’à revenir sur la culture africaine et dans la culture Pougouli, rien n’est sorcier, tout est science.
Akim KY
Burkina 24
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