Tribune | Burkina Faso : La culture de la redevabilité comme levier de promotion du civisme fiscal avec Amos Zong-Naba

Partage

Ceci est un écrit de Amos Zong-naba, président de l’association Fiscalité & Développement Local (AFDL). Face à la défiance des citoyens envers l’impôt, souvent perçu comme une contrainte sans retour tangible, l’Association Fiscalité et Développement Local (AFDL) prône une réponse claire : renforcer la redevabilité des autorités à tous les niveaux. Pour Amos Zong-naba, président de l’AFDL, « c’est en voyant concrètement l’usage fait de l’argent public que le citoyen retrouve confiance et devient un acteur engagé du développement local ». Une conviction forte, portée par une démarche de sensibilisation sur le lien entre transparence budgétaire et civisme fiscal. Lisez plutôt.  

L’économiste Milton Friedman disait « Le véritable impôt sur le peuple américain est ce que le gouvernement dépense ». La charge réelle pour le citoyen, ce n’est pas tant ce qu’il verse comme impôt aux guichets des services des impôts et du trésor public ou sur mobile money, mais ce que l’Etat fait en son nom. En d’autres termes, c’est l’usage fait de l’argent public qui constitue l’impôt véritablement payé par le peuple.

Transposée à notre contexte burkinabè, cette citation prend tout son sens : ce n’est qu’en voyant concrètement les fruits des dépenses publiques que le citoyen peut être convaincu de l’utilité de ses efforts fiscaux.

Pourquoi cette idée est-elle si importante pour nous à l’Association Fiscalité et Développement Local (AFDL) ?

L’impôt est souvent perçu comme une contrainte, un fardeau opaque. Beaucoup de citoyens s’interrogent :

À quoi servent nos impôts ?

Qui décide de leur utilisation ?

Pourquoi payer, si nous n’avons pas d’eau potable, pas d’électricité stable, des routes en mauvais état, si les services publics restent défaillants ?

Amos Zong-Naba, président de L’AFDL

Ces questions sont légitimes. Ce manque de confiance fragilise la mobilisation des ressources fiscales, alimente l’évasion, et entretient un climat de défiance vis-à-vis de l’impôt.

Pourtant, nous savons tous que les impôts et taxes sont la principale source de financement des investissements publics et du financement pour le développement de nos collectivités locales.

La redevabilité : un levier puissant pour inverser la tendance

Quand les gouvernants rendent compte de l’utilisation de l’argent public, ils rétablissent la confiance. Lorsque l’Etat, à tous les échelons, rend compte aux citoyens de la manière dont l’argent public est utilisé, il crée un climat de confiance.

Quand un citoyen voit concrètement des investissements publics de qualité, qu’il profite d’un centre de santé bien équipé, d’écoles décentes pour ses enfants, de routes praticables même en saison de pluies, il comprend que ses impôts ne sont pas gaspillés mais investis pour le bien commun. Cette prise de conscience transforme l’obligation fiscale en un acte volontaire et citoyen.

Cette conscience incite le citoyen à payer volontairement et correctement ses impôts. Autrement dit, la redevabilité est une clé pour restaurer la confiance et promouvoir le civisme fiscal.

Cultiver la redevabilité : un devoir de tous nos gouvernants

Dans notre pays, le Burkina Faso, la promotion du civisme fiscal doit aller de pair avec un engagement fort des autorités publiques à rendre des comptes. Les collectivités territoriales doivent expliquer l’utilisation des taxes locales et afficher leurs budgets. L’État central doit publier et vulgariser ses rapports budgétaires de manière accessible. Les projets financés sur fonds publics doivent être visibles et suivis.

La redevabilité ne doit pas être vue comme un luxe ou une formalité administrative : c’est une condition du contrat social. L’État doit garantir la transparence et l’accessibilité de l’information budgétaire. Au Burkina Faso, le principe de transparence budgétaire est consacré par la loi n°008-2013/AN du 23 avril 2013, portant code de transparence dans la gestion des finances publiques.

Ce texte impose à l’État de :

-rendre les documents budgétaires accessibles à tous les citoyens,

-publier régulièrement les informations relatives aux recettes et aux dépenses publiques,

-et rendre compte de la gestion des ressources publiques.

Depuis 2014, cette volonté se traduit par la publication annuelle du Budget citoyen : un document simplifié qui explique, dans un langage clair, les grandes orientations du budget de l’État. Mais publier ne suffit pas. Il faut diffuser, vulgariser, expliquer.

Lire également 👉Développement Local : L’heure est au bilan à l’AFDL

Les collectivités territoriales doivent rapprocher l’action publique du terrain. Les communes et régions, qui collectent certaines taxes locales, doivent :

-informer les citoyens sur les montants mobilisés localement,

-expliquer comment ces fonds sont affectés aux projets locaux,

-organiser des cadres de dialogue avec les populations (forums communaux, affichages, radios locales…).

Les citoyens doivent s’informer, exiger et participer. Le citoyen a également un rôle actif à jouer :

-s’informer sur les recettes et dépenses de sa commune et de l’État,

-participer aux débats budgétaires locaux,

-exiger la transparence des autorités et dénoncer les mauvaises pratiques,

-payer régulièrement ses impôts, car ils financent le développement de tous.

Pour promouvoir une fiscalité juste et équitable au service du développement local, nous devons tous travailler à changer la perception des citoyens vis-à-vis des impôts. Ce changement ne peut se faire sans la transparence et la redevabilité sur l’utilisation de ces ressources publiques. Comme le rappelle Friedman la véritable charge fiscale, c’est la dépense publique elle-même. Elle doit être légitime, transparente et utile pour la communauté.

À l’Association Fiscalité et Développement Local (AFDL), nous militons pour une fiscalité équitable, accessible et orientée vers le développement durable des collectivités. Et cela passe, entre autres, par la promotion de la redevabilité à tous les niveaux.

B24 Opinion

Les articles signés B24 Opinion sont soumis par nos lecteurs et/ou des libres penseurs et n'engagent que la responsabilité de leurs auteurs.

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page