Trump en campagne pour le Nobel : Entre ambition personnelle et stratégie politique

Alors que ses partisans et alliés promeuvent activement sa candidature pour le prix Nobel de la paix, Donald Trump se positionne en pacificateur, tout en critiquant un comité qu’il estime acquis à ses opposants. Une situation « gagnant-gagnant » pour l’ancien président, qui capitalise sur une éventuelle nomination autant que sur un probable refus.
« Je n’obtiendrai jamais le prix Nobel de la paix, peu importe ce que je fais » déclarait Donald Trump en juin 2025 sur son réseau social. Cette affirmation, loin d’être un aveu de défaite, s’inscrit dans une stratégie bien rodée visant à la fois à flatter son ego et à mobiliser sa base électorale contre ce qu’il dépeint comme une élite mondiale hostile.
L’idée n’est pas nouvelle. Au fil des ans, l’ancien président a souvent répété qu’il aurait déjà dû recevoir la prestigieuse distinction, notamment pour les accords de paix conclus sous ses mandats. Un potentiel accord de cessez-le-feu en Ukraine, s’il y parvenait, viendrait cimenter cette aura de négociateur international qu’il cherche à se construire. « Je pense qu’il aimerait réellement obtenir un prix Nobel de la paix pour la fin du conflit en Ukraine », analyse Sarah Ann Oates, professeure à l’Université du Maryland.
Bien que la date limite pour les nominations de 2025 soit passée depuis le 1er février, la campagne pour Trump bat son plein. Sa porte-parole, Karoline Leavitt, a d’ailleurs affirmé qu’il est « plus que temps que le président Trump soit récompensé ».
Par le passé, plusieurs dirigeants mondiaux ont publiquement appuyé sa candidature. Le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, le Premier ministre cambodgien Hun Manet, ou encore les dirigeants de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie après la signature d’un accord de paix à la Maison-Blanche, ont tous proposé son nom pour cette reconnaissance mondiale.
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Pour Ronald Krebs, professeur de science politique à l’Université du Minnesota, ce soutien sert un double objectif : « flatter l’ego du narcissique en chef » pour s’assurer de bonnes relations, mais aussi « galvaniser les troupes contre ces élites bien-pensantes de gauche » qui, selon toute vraisemblance, continueront de lui refuser cet honneur.
Le débat autour de la candidature de Trump met en lumière la nature même du prix Nobel de la paix. « Le prix est fondamentalement politique, et comment pourrait-il ne pas l’être ? » rappelle le professeur Krebs. Depuis sa création en 1901, le comité norvégien a élargi sa vision, récompensant non seulement des artisans de paix entre nations, mais aussi des figures de la lutte pour les droits de l’homme et la démocratie.
Cette orientation a souvent mené à des choix controversés. La remise du prix à Martin Luther King en 1964, ou conjointement à Yasser Arafat, Shimon Peres et Yitzhak Rabin en 1994, a suscité de vives critiques. Plus récemment, le prix décerné à Barack Obama moins d’un an après son élection ou à des lauréats tombés en disgrâce par la suite, comme Aung San Suu Kyi, a alimenté les polémiques.
Malgré l’activisme de son camp, les chances de Donald Trump de voir son nom gravé sur la prestigieuse médaille sont jugées infimes par les observateurs. Le comité Nobel, bien que secret dans ses délibérations pendant 50 ans, analyserait son bilan au-delà des seuls accords signés.
« Si le Comité le lui donnait, j’ai l’impression que ça dévaloriserait ce que représente le prix », estime la professeure Oates, citant les actions de Trump pour « miner la Constitution et détruire les droits des Américains ». Pour elle, ses chances sont « quasiment inexistantes ».
Une réalité dont l’équipe de Trump est probablement consciente. En fin de compte, la situation est une aubaine politique. S’il l’emportait, il serait consacré en pacificateur. S’il échoue, ce qui est le scénario le plus probable, sa défaite sera présentée comme la preuve que le comité Nobel n’est qu’une institution « woke » opposée à ses valeurs. Dans les deux cas, Donald Trump sort gagnant.
Source : lapresse.ca




