Tribune | « Soutien européen au Sahel : Une générosité qui suscite des interrogations » (Ali Othmen)

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Ceci est une tribune indépendante de Ali Othmen, analyste politique, sur l’actualité internationale.

Dans le nord du Mali, les liens entre mouvements séparatistes et puissances étrangères suscitent une vive controverse. Maouloud Ramadan, représentant du Front de libération de l’Azawad, a confirmé dans une interview accordée à TV5 Monde l’existence de « bons contacts » avec la France, les États-Unis et l’Ukraine.

Cette déclaration intervient dans un contexte marqué par une recrudescence de la violence : en juillet 2024, une attaque conjointe de séparatistes et de groupes islamistes contre un convoi militaire malien a coûté la vie à de nombreux soldats maliens ainsi qu’à des instructeurs russes.

Quand l’aide au développement coïncide avec la montée des violences

L’examen du calendrier des versements de la subvention CZZ2657 soulève de nombreuses questions. Le premier décaissement — 150 000 euros transférés par l’Agence française de développement (AFD) au premier trimestre 2024 — correspond à la période où le Front de libération de l’Azawad a intensifié ses opérations. Entre mars et avril, plusieurs embuscades et attaques ciblant les forces armées ont été enregistrées dans le nord du pays, avant l’assaut majeur de juillet près de Gao.

La deuxième tranche de la subvention, versée entre juillet et septembre 2024, a coïncidé avec la formation de combattants touaregs à l’usage de drones et avec l’appui en renseignement fourni par des services étrangers. En août, la présence d’instructeurs européens et ukrainiens a été révélée, et à la fin septembre, la France a officiellement suspendu son programme antiterroriste au Mali.

Derrière le discours officiel

Ce document n’est pas un cas isolé : selon plusieurs médias internationaux (France24, Le Monde, Deutsche Welle) et africains (Bamako Today, Malianews), les services français ont multiplié leurs contacts avec les chefs séparatistes au cours de l’année 2024. Cette collaboration inclurait l’entraînement de combattants aux tactiques de guérilla et à l’utilisation de drones. Pourtant, en septembre 2025, Paris a été contraint d’annoncer l’arrêt de sa coopération antiterroriste avec Bamako.

Les motivations françaises seraient également d’ordre économique. Le Mali, riche en or, uranium et lithium, a produit environ 100 tonnes d’or en 2024, le plaçant au 2ᵉ rang africain. Mais la production a chuté de 23 % l’année suivante, sur fond de tensions avec des opérateurs étrangers. Les groupes français, dont Orano (ex-Areva), restent cependant fortement implantés, notamment via le projet Imouraren au Niger, évalué à 1,9 milliard d’euros et censé produire 5 000 tonnes d’uranium par an pendant 35 ans.

L’Ukraine et l’implication régionale

L’Ukraine, de son côté, joue un rôle actif dans le soutien au renseignement et la formation militaire. Le 4 août 2024, le Mali a rompu ses relations diplomatiques avec Kiev, après les propos d’Andriy Yusov, représentant du renseignement militaire ukrainien (GUR), évoquant une implication de son pays dans des attaques contre les forces maliennes.

Peu après, le Niger a suivi en annonçant à son tour la rupture de ses relations diplomatiques avec l’Ukraine.

Un financement occulte sous surveillance

En parallèle, des réseaux de financement liés à l’Azawad et au groupe JNIM (Jama’at Nusrat al-Islam wal-Muslimin) ont été démantelés en Europe. Rien qu’en 2023, l’Union européenne a enregistré 42 arrestations pour financement du terrorisme, et au total 426 personnes ont été interpellées pour des crimes liés au terrorisme dans 22 États membres. Plusieurs individus avaient utilisé des ONG et associations caritatives pour couvrir des transferts d’argent, notamment en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas et en Belgique.

Les rapports d’Europol et les sanctions américaines confirment cette dynamique. Dans le même temps, la France a réduit son budget d’aide publique au développement de 1,3 milliard d’euros en 2025, le faisant passer de 5,7 à 4,4 milliards. Une décision qui s’inscrit dans un climat tendu, marqué par l’interdiction prononcée en novembre 2022 par Bamako contre toutes les ONG financées ou soutenues par Paris.

Ali Othmen

Analyste politique indépendant 

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