Côte d’Ivoire : ces rapports accusateurs pour le clan ADO
En l’espace de quelques temps, deux rapports d’ONG de défense des droits humains mettent en cause les forces fidèles au président Alassane avec des chiffres. On savait pour les forces et miliciens qui soutenaient l’ex-président Gbagbo, forces dont les exactions et violences se sont accentuées à la veille de sa chute. Mais au fur et à mesure des investigations et des rapports, les responsabilités se précisent. Après celui d’Amnesty publié en mai et qui tenait pour responsables des massacres aussi bien le camp de l’ex-président que celui du tout nouveau président, c’est le tour de Human Rights Watch de jeter comme un pavé dans la mare.
A y penser, le premier mandat du président ivoirien s’annonce très lourd de priorités qui se juxtaposent de façon pressante. Les chantiers sont innombrables et aussi difficiles les uns que les autres. Depuis l’installation effective du président Alassane Ouattara, la priorité commune est désormais la réconciliation entre Ivoiriens. Même si cette réconciliation prend en compte la question de la justice dans le cadre de la commission Dialogue-Vérité-Réconciliation et Justice, certaines organisations s’interrogent néanmoins. De celles-là, il y a les organisations de défense des droits humains, comme Amnesty International qui, dans son rapport au titre très significatif, pose la justice comme un préalable à la réconciliation.
Dans ce vaste chantier où se sont lancés à fond le président et son tout nouveau gouvernement, les chiffres accusateurs des rapports et les témoignages qu’ils contiennent donnent un fil de plus à retordre. Pourtant le président s’est déjà engagé pour que justice soit rendue pour tous les crimes que des enquêtes auront confirmés, que les auteurs soient dans son propre camp ou dans l’autre. Et si dans cette dernière hypothèse les choses semblent faciles, il en va tout autrement dans la première. Plus d’un observateur de cette crise a déjà imaginé les dettes morales que traine Alassane Ouattara, et qui pourraient substantiellement limiter ses efforts et ambitions pour l’Etat de droit voulu par lui, notamment en ce qui concerne la justice.
Les rapports de ces organisations viennent comme pour mettre la pression à propos de questions aussi délicates que la justice et la réparation dues aux victimes. Amnesty international, dans son rapport (lien vers le rapport) rendu public le 25 mai dernier, dénonce notamment des crimes de guerre et crimes contre l’humanité, pointant le doigt accusateur sur le camp de l’ex-président, sur celui d’Alassane et aussi sur l’ONUCI dont l’inaction a contribué à alourdir le bilan macabre des violences. Huit jours après, Human Rights Watch rend public à son tour un rapport qui accuse, chiffres à l’appui, le camp du président Alassane de meurtres, de tortures et de traitements inhumains à l’encontre des FRCI. Environ 149 personnes ont été tuées depuis l’entrée de ces forces à Abidjan en avril dernier, selon Human Rights Watch.
De ces rapports, on peut conclure que le camp Gbagbo, ne sera pas le seul coupable des péchés de la Côte d’Ivoire d’après-élections même s’il en porte la très grande partie, accusé par la même organisation de la mort d’au moins 220 personnes les jours avant le 11 avril. Mais encore faut-il parvenir à l’acceptation par chaque camp de ses responsabilités et le verdict de la justice qui en découlera. En attendant avec curiosité de voir ce qu’il en sera dans le cadre de la commission Dialogue-Vérité-Réconciliation et Justice, cette étape du partage des responsabilités s’annonce comme difficile à franchir. Déjà, les nouvelles autorités ne sont pas prêtes à accepter toutes ses accusations des organisations de défenses des droits humains à propos desquelles elles émettent des doutes. Pourtant elles pourraient, tout compte fait, constituer des indices pour des enquêtes officielles.
Pourquoi ces accusations et chiffres compliquent-ils davantage l’équation de gestion du pouvoir ?
Même si le Président Alassane affirme n’avoir aucune dette envers personne, il sera assez bien compliqué de répondre avec satisfaction, comme il le souhaite, aux demandes de justice venant de toute part, quitte à se retourner contre certains de ces fidèles. Le rapport de Human Rights Watch accuse par exemple Chérif Ousmane, un homme très proche du premier ministre Guillaume Soro. Bien malin qui saura deviner le sort probable d’un homme comme lui et même peut-être simplement l’éventualité d’une enquête à son encontre.
Il faudra un courage hors du commun pour rendre justice dans une situation où l’on risque bien de se brûler soit même. Cela est néanmoins nécessaire pour parvenir à un Etat de droit. Et le président Alassane peut bien consacrer toutes ses énergies à régler ces questions internes, car pour ce qui est des rapports avec l’extérieur, aussi bien au niveau international qu’aux niveaux régional et sous-régional, il n’y a pas autant de pain sur la planche.
Justin YARGA
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