Lettre de Bulawayo à Blaise Compaoré, Président du Faso
Monsieur le Président et cher homo,
Je suis Blaise Compaoré, ton homo et camarade de classe à l’Ecole normale de Ouagadougou. Celui que vous aviez surnommé « Le Baron », qui se plaisait à frimer pour plaire aux filles. Je passe sur mes succès sentimentaux d’alors… Aujourd’hui, je gagne ma vie à Bulawayo, au Zimbabwe comme entrepreneur. Je t’écris par le truchement de Monsieur Ibrahiman Sakandé, des Editions SIDWAYA, de passage dans mon pays d’adoption ; j’espère qu’elle te parviendra là-bas à Kosyam. Je pense ainsi renouer le contact avec toi que j’ai perdu de vue voilà plus de deux décennies.
Te souviens-tu ? A l’école, les choses étaient déjà très claires pour moi. Je claironnais sur tous les toîts que je voulais être effectivement un baron, un homme qui brasse des millions par jour et qui fait à peu près tout ce qu’il veut dans la vie. Aujourd’hui, c’est chose faite au-delà de ce que je souhaitais : je gagne beaucoup d’argent à Bulawayo, j’en place comme je veux et où je veux. Tout mon temps m’appartient, je le partage avec qui je veux. Je suis riche comme Crésus et libre comme le vent. J’essaie, toutefois, de vivre en homme raisonnable et non pas en « insensé favorisé par les dieux », comme disait Aristote des riches de son temps ! Pour l’essentiel, j’ai une famille à gérer et une vie à conduire.
Et toi ? Es-tu resté énigmatique ? A l’époque déjà, nul ne pouvait jurer sur tes projets et aspirations. Comment te portes-tu, toi qui as un pays à gouverner et des citoyens à satisfaire ? Parfois je t’admire, des jours je te plains, rarement je t’envie.
Te souviens-tu encore ? J’ai quitté le pays sur la pointe des pieds dès que j’ai entendu le premier coup de fusil qui venait sauver les Voltaïques. Il n’est pas en mon pouvoir d’adhérer à des vérités que des fusils annoncent et que des bombes imposent. A l’époque, tu étais calme comme une image de la Vierge Marie, personne ne savait que tu cachais derrière tant de candeur, des ambitions politiques de cette dimension, l’art de gouverner avec tact, le pouvoir de commander, l’habileté d’un fin conciliateur d’hommes et de peuples. Quand l’histoire et les douleurs qui l’accompagnent t’ont hissé au pouvoir, pendant une année entière, j’achetais chaque matin le journal, juste pour savoir si tu tenais bon.
Car il y eut une période où pour savoir qui gouverne en Haute-Volta, il fallait effectivement consulter au quotidien.
« Un, deux, trois, grève ou coup d’Etat », aimions-nous à dire. Ceux des plus jeunes burkinabé, qui n’ont pas connu l’époque de cette liberté pitoyable parce que vaste et nulle, pensent aujourd’hui que leurs problèmes trouvent leurs sources dans la paix et la stabilité que leurs aînés ont chèrement acquises et conservées. Souhaitons, ici, que chaque génération puissent gérer ses affaires en corrigeant en elle ce qu’elle reproche à celles qui l’ont précédée.
Mais là où je t’admire le plus, c’est de savoir que tu fais un va- et-vient admirable entre le « tout » et les « parties » de ton peuple, entre les individus et le peuple. Quand je regarde ce qui se passe autour de Bulawayo, et non au Burkina où règne l’intégrité, je me demande souvent : à quoi bon ? A quoi bon être un homme politique et de surcroît, assumer les fonctions de Président de la République ? C’est un métier sans avenir. Entre tous les inconnus connus et les connus inconnus qui se bousculent autour de toi, qui est qui ? Qui veut quoi au juste ? Parfois, j’ai la frousse à ta place. On oublie bien vite ce que l’on a, on hurle de rage après ce qui nous manque. Et parmi nos concitoyens, certains confondent les dures lois de la condition humaine, les revers des situations sociales et l’inattendu qui se cache dans la psychologie de l’homme pour en faire un et un seul acte d’accusation contre les gouvernants : « Ils n’avaient qu’à… »
Quant à ton apostolat de la réconciliation pour l’Afrique de l’Ouest et même pour l’Amérique et l’Europe, je me suis souvent dit que tu en faisais trop. J’ai fini par lier cette débauche d’énergie à ton tempérament sportif, à ton besoin de gagner pour le plaisir. Je me trompe peut-être, mais je ne craindrai pas de dire que ceux qui vont te donner du fil à retordre, c’est justement ceux à qui tu as tendu un fil amical pour les sortir de quelque bourbier. En Afrique, on n’a jamais retenu dans un conte qu’une hyène s’est enrichie en vendant des brochettes. Et pourquoi attendre de ceux qui ne parlent que le langage des armes, de te soutenir pour bâtir la paix dans ton pays et ton continent ?
Bref, j’ai eu ce que je cherchais depuis ma jeunesse : « Être baron. » Toi, tu as cherché ce que tu as eu : conduire ton pays vers le développement. Bon courage et succès dans ce que tu fais.
Mon bonjour aux autres copains de l’école, du moins ceux que tes multiples activités te permettent de rencontrer.
S’il t’arrive de passer par Bulawayo, fais-moi un signe, comme dit la chanson que tu aimais à fredonner.
Ton promo :
Blaise Compaoré dit « Le Baron » Entrepreneur à Bulawayo
Source : sidwaya.bf
Nous tenons à vous exprimer notre gratitude pour l'intérêt que vous portez à notre média. Vous pouvez désormais suivre notre chaîne WhatsApp en cliquant sur : Suivre la chaine
Restez connectés pour toutes les dernières informations !
Restez connectés pour toutes les dernières informations !