La justiciabilité des résolutions du CNT : le Burkina dans une insécurité juridique et judiciaire
Ceci est une analyse du juriste Auguste Sondé Coulibaly de la déclaration d’incompétence du Conseil constitutionnel sur l’examen de la constitutionnalité des résolutions du Conseil national de la transition.
Le Conseil constitutionnel du Burkina, saisi par les pros-COMPAORE à l’effet d’annuler la résolution de mise en accusation de Blaise COMPAORE pour « haute trahison » et de ses anciens Ministres pour des infractions à caractère financier, s’est déclaré « incompétent », pour se prononcer sur la question.
Parmi les recours exercés devant ces juges constitutionnels, celui du 07 août 2015, dans lequel ils se sont déclarés incompétents pour connaitre des résolutions du CNT mérite une réflexion.
Avant de situer la portée et la valeur juridique des résolutions de l’Assemblée nationale dont du CNT, il me plait prima facie, de donner du contenu à cette notion sous l’angle du droit parlementaire.
En effet, la résolution apparait comme un texte adopté par une assemblée à l’initiative de l’un de ses membres et qui n’a pas en droit, le caractère général d’une loi. Le CNT peut adopter, par une résolution, une disposition modifiant son règlement, une décision relative à l’immunité de l’un de ses membres, une mise en accusation du Président du Faso ou de ses ministres etc.
Aussi, convient-il de noter que la portée d’une résolution est limitée. Elle n’est pas contraignante. Elle peut servir de complément à une loi, afin d’épurer un texte de ses lourdeurs. Mais elle est surtout utilisée par les parlementaires pour formuler un vœu, une recommandation. Raison pour laquelle la doctrine qualifie la résolution comme une déclaration de principe.
De ce qui précède, force est de souligner qu’il n’existe pas d’obligation d’application d’une résolution. Aussi, son non application n’est pas sanctionné. Elle n’est pas non plus opposable aux tiers.
Après cette lecture, l’on comprend effectivement cette décision d’incompétence du Conseil constitutionnel car faut t’il le rappeler dispose d’une compétence d’attribution. C’est ça aussi la complexité du droit vis-à-vis du commun des mortels.
Notre constitution a déjà balisé le terrain pour ce qui concerne les règlements du CNT et les lois organiques qui sont d’ailleurs soumis au contrôle a priori de constitutionalité. Cette même constitution est muette pour ce qui concerne les résolutions.
Alors comment faut-il comprendre cette situation ? Est-ce que parce que les résolutions apparaissent comme des actes sui generis ? Ou bien ce silence comme on le voit dans d’autres législations est de nature à conférer une immunité contentieuse aux résolutions à l’image des actes de gouvernement ?
Ce qui est sur, ce vide est de nature à mettre les citoyens burkinabé dans une certaine insécurité juridique et judiciaire qui ne savent plus sans doute à quel sain se vouer à moins de recourir aux juridictions de l’ordre communautaire ou international.
Certes la résolution n’est pas une loi encore moins un règlement du CNT mais n’était-il pas possible pour le Conseil constitutionnel en tant que dernier Rampart en la matière dans l’ordre interne d’aller au delà de sa compétence d’attribution et de connaitre le contentieux des résolutions qui fera office certainement de jurisprudence en matière constitutionnelle afin de combler ce vide ?
A défaut que l’on nous dise pour la postérité quelle est la juridiction compétente pour connaitre des résolutions du CNT ou de l’assemblée nationale ?
ces multiples questions nous interpellent tous à repenser notre système juridictionnel. Pour ce faire, il faut rendre dynamique et non statique la production normative. Car le système actuel ne répond plus à la réalité du moment ; il est désuet. L’état de droit recommande que la justice soit en mesure de limiter les pouvoirs exorbitants et parfois arbitraires des assemblées nationales.
Pour le cas du Burkina Faso, l’heure est venue d’adapter nos règles de compétence aux aspirations populaires. Sinon, il sera une honte pour notre pays de se voir attaquer chaque fois devant les juridictions supra – nationales du fait de cette carence législative. Nous ne sommes pas obligés de faire des transpositions incongrues par le biais du mimétisme législatif. Il faut commencer à adapter nos règles à nos réalités.
Que vivement la prochaine relecture de notre constitution soit en mesure de prendre en compte ces questions constitutionnelles d’insécurité juridique et judiciaire.
Auguste Sondé COULIBALY
Juriste,
Cyber juriste (spécialiste du droit du cyber espace Africain)
NDLR : Le titre est de l’auteur
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