Election présidentielle du 29 novembre 2015: De la nécessité du regard critique des médias
Ceci est l’analyse de trois citoyens sur le rôle que doivent jouer les médias durant cette période électorale au Burkina Faso.
Depuis, près d’une semaine, la campagne pour les élections législatives et présidentielles bat son plein dans notre cher pays. Après une ère, parfois qualifiée de dictature constitutionnelle, l’heure est désormais venue d’établir les fondations d’un Burkina Faso véritablement démocratique et de justice, dans son acception la plus large.
Dans cette tâche cruciale de construction de notre pays, les forces et faiblesses de toute idée apportée par les candidats doivent être mesurées, pesées, et soupesées, sous chaque angle et facette, pour en déceler l’utilité pour les Burkinabè, ainsi que la possibilité concrète de leur mise en œuvre. Aussi, s’impose l’impérieuse nécessité de procéder à l’évaluation ou du moins à l’analyse critique des différents programmes politiques rendus disponibles par les candidats à l’élection du 29 novembre.
Toutefois, la lecture, la compréhension et l’évaluation de la faisabilité de ces différents programmes ne sont pas à la portée de chaque citoyen burkinabè. Il est dès lors souhaitable que des évaluations critiques de chacun de ces différents programmes soient entreprises par les personnes les plus aptes.
Des initiatives individuelles comme celles de Burkina Thinks – qui opère une analyse qualitative des différents projets, et celle de Bernard Zongo – qui effectue une analyse comparative de ces différents projets, tentent de combler le vide d’informations de qualité. Il est toutefois certain que ces tentatives, du reste limitées à Internet et Facebook, n’auront pas l’impact que peut avoir notre presse, écrite ou orale. En effet, le rôle de la presse nationale dans le processus d’information qualitative de l’opinion publique ne peut être surestimé.
La presse, écrite et orale, dispose de moyens de diffusion qui permettent de toucher le plus grand nombre de Burkinabè. En outre, sa connaissance approfondie de l’histoire politique, sociale, et économique du Burkina Faso, ainsi que des réalités du citoyen lambda, lui confèrent les ressources nécessaires à l’évaluation rigoureuse de ces deux données essentielles que sont:
– la véracité et la complétude des allégations des différents candidats,
– l’utilité et la faisabilité de leurs propositions.
Par ailleurs, la presse nationale peut s’entourer de l’expertise d’économistes, de juristes, de politologues, de sociologues ou de toute personne utile dans l’accomplissement de cette tâche salvatrice. Toutefois, depuis le début de la présente campagne le 08 novembre 2015, la presse nationale semble plutôt en retrait. Elle se contente soit de renvoyer aux différents programmes des candidats, de faire des reportages sur leurs meetings de campagnes, ou d’organiser des débats contradictoires entre eux.
Bien que la fourniture de cette information brute soit très utile et témoigne une fois de plus de l’intérêt et du rôle de la presse dans l’élan démocratique burkinabè, nous sommes convaincus que notre presse, écrite et orale, peut faire beaucoup plus et certainement mieux.
En effet, elle a elle-même fixé son standard d’excellence en érigeant une barrière héroïque contre les abus du régime de Blaise Compaoré, en des moments où l’opposition n’avait pas encore la force qu’on lui connut plus tard.
En ces moments critiques de la lutte du peuple burkinabè, les organisations de la société civile étaient du reste soit en gestation soit en hibernation. Il serait très regrettable qu’après avoir contribué substantiellement à l’avènement de l’espoir de la démocratie dans notre pays, la presse nationale abandonne son peuple, en qui elle a instillé tant d’espérance, face à une pluralité de programmes politiques et de projets de société, sans lui donner l’information juste et utile pour éclairer ses choix.
Notre écrit est donc un appel pressant à l’endroit de nos chèr(e)s ami(e)s journalistes, et une invitation à exercer pleinement leur liberté d’expression.
Il s’agirait essentiellement de scruter, d’un regard sourcilleux et interrogateur, les programmes des candidats et, au besoin, de les mettre en difficulté, face à leurs promesses. Semblable exercice se justifie pour trois raisons majeures.
La première consiste en la nécessité de préserver l’acquis fondamental de la liberté d’expression suite au départ du régime Compaoré. Évaluer objectivement les programmes politiques des candidats imprimera une dynamique nouvelle entre la presse et les hommes politiques pour la suite du mandat du vainqueur.
Il serait très regrettable de garder le silence aujourd’hui et de vouloir demain critiquer le locataire de Kossyam sur tel ou tel point d’un programme préalablement soumis. La seconde raison, c’est de participer à une vulgarisation intelligente des différents projets de société auprès de la population burkinabè, pour que celle-ci se les approprie et opère un vote éclairé le 29 novembre.
La troisième et dernière raison réside dans le fait que les différentes évaluations des projets de société permettront aussi d’éclairer les différents candidats sur les déficiences de leurs différentes propositions et participera à l’amélioration de leurs efforts pour la construction d’un Burkina Faso émergent.
Quoiqu’un brin inquiétante, la « passivité » de la presse nationale n’est pas sans raison. Le climat actuel de campagne rend malaisé l’exercice du jugement critique. En effet, l’esprit partisan facilite parfois la catégorisation d’auteurs de points de vue comme des pro-xxx ou des anti-yyyy.
En réduisant toute réflexion critique à une querelle de personnes, on occulte la nécessité du débat d’idées. Dans un tel contexte, la crainte d’effaroucher certaines personnes ou la volonté de contribuer à des élections paisibles sont bien compréhensibles.
Néanmoins, la rigueur dans la méthode, ainsi qu’un traitement égalitaire dans l’évaluation critique des différents programmes des candidats, suffiraient à convaincre toute personne de bonne foi de l’objectivité et du but constructif de la démarche entreprise.
Mamadou Hébié, Sidi M.A Sidibé, et Bernard Zongo
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