Burkina : A l’ère du pouvoir du peuple par le peuple ?
Un citoyen injurie un magistrat. Le magistrat s’offusque, s’appuie de tout son poids sur la loi et fait coffrer le citoyen. Les autres citoyens s’appuient sur toute leur masse et font libérer le « coffré ». Ce qui a nécessité qu’un ministre délaisse son bureau climatisé pour aller « négocier » (sic) que le citoyen revienne en prison. Ce dernier le fait de bonne grâce. Le jour de son procès, le juge a à peine fini de prononcer le mot « relaxe » que les citoyens portent le « relaxé » en triomphe. Comme un héro.
Un héro parce qu’il a injurié un magistrat ?Peut-être pas. Mais surtout parce qu’il a aidé à tenir tête à une Justice et une autorité en qui une population n’avait plus d’estime et ce, depuis belle lurette. L’analyse du comportement adopté par les Burkinabè depuis février 2011 (date du début de l’affaire Justin Zongo) peut se faire à l’aune du procès du leader religieux de Ouahigouya.
Youmoré est condamnable parce qu’il a proféré des propos blessants à l’égard d’un magistrat. Un acte répréhensible aux yeux de la loi. Comme tous les actes d’incivisme que posent actuellement les Burkinabè à chaque coin de rue de la ville ou à chaque bord d’arbuste de village. Il n’est pas admissible que des taximen bravent des policiers tout comme il n’est pas permis, dans un Etat républicain, que des personnes sans qualification légale jouent au juge.
Mais le chien a rompu sa laisse. Une accumulation de magma en ébullition ne peut finir que par une éruption sociale. C’est le respect qu’a le leader religieux pour le magistrat qui devrait brider sa langue afin qu’elle ne fourche. Autant la patte d’un caméléon adopte la même couleur que le reste du corps, autant le leader religieux est un concentré de l’état d’esprit actuel des Burkinabè. Il n’a fait qu’exprimer ce que les « Hommes intègres » pensent de leur Justice.
Les intempéries du pouvoir du peuple par le peuple
A-t-on besoin d’un sondage pour savoir qu’aujourd’hui le Burkinabè préfère se rendre justice que d’aller en Justice ? Assurément non. Les voleurs pris en flagrant délit sont systématiquement lynchés. Ce sont des injures qui remplacent la courtoisie en circulation. Les conflits fonciers et de succession royale se règlent dans le sang. Toute décision judiciaire ou tout acte d’officiers de police judiciaire qui ne requiert pas l’assentiment du peuple est systématiquement contestée. Les policiers procèdent maintenant aux arrestations à la sauvette, craignant que des jeunes en furie leur tombent dessus.
Le peuple a comme décidé de reprendre le pouvoir qu’il avait cédé. L’autorité de l’Etat ne peut alors qu’être déstabilisée. Un travail de rétablissement de confiance s’impose entre populations et institutions républicaines. C’est le seul ciment qui pourra résister aux imprévisibles intempéries d’un éventuel exercice brut du pouvoir par le peuple.
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