Le mois de juillet est le plus souvent celui réservé aux ordinations sacerdotales dans l’Eglise catholique du Burkina. Cette année, des jeunes se sont encore consacrés au ministère sacerdotal. Dans le diocèse de Ouahigouya, 4 d’entre eux ont dit » oui » au Seigneur. Ils sont désormais oints pour toujours et engagés totalement dans l’annonce de l’Evangile. Parmi ceux-ci, Abbé Souleymane Prosper Ouédraogo, mérite attention car issu d’une famille musulmane. De surcroit, son père est El Hadj. Cet exemple de tolérance interreligieuse, à la fois non unique et non ordinaire, nous exhorte à faire de l’amour du prochain le fondement premier de nos relations interpersonnelles.
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Samedi 7 juillet 2012, Souleymane Prosper Ouédraogo n’appartient plus à sa famille humaine, mais bien à la grande famille des prêtres de Jésus Christ. Oint par la grâce indélébile du sacerdoce, il est désormais annonciateur de l’Evangile du Christ, au service de Dieu et de ses frères et sœurs. Quand certains de ses promotionnaires du Petit Séminaire l’ont vu se parer de sa jolie chasuble et de sa belle étole, ils n’ont pu s’empêcher de ressentir un petit regret au fond du cœur, pour n’avoir pas été élus comme lui en ce si beau jour. Mais ne dit-on pas que « beaucoup sont appelés, et peu sont élus » ? Ces derniers se sont donc « consolés » en se remémorant ce qu’on avait l’habitude de leur dire à Koudougou : « Que tu sois prêtre ou marié, dans tous les cas, c’est Jésus qui gagne ». Et c’est vrai en plus !
Bref, là n’est pas la question, revenons à notre sujet du jour, à savoir l’un des nouveaux prêtres, l’abbé Souleymane. Prosper Ouédraogo, le fils de El Hadj Laalewaya Boukary Ouédraogo et de Amssétou Justine. Arrivé à Tikaré (situé à 135 km de Ouagadougou) à 3 ans, le petit Souleymane a été bercé dans un milieu catholique et s’y est plu. Au fil des ans, il a été baptisé, confirmé et a reçu l’appel de Dieu de se former en vue du sacerdoce ministériel. Et Ladji dans tout ça ?
Son père, contre toutes attentes, n’y trouva pas d’inconvénients. Bien au contraire, il a accueilli cette nouvelle avec joie, en témoigne le fait qu’il ait pris en charge la formation intégrale de son fils depuis l’école primaire jusqu’au Grand Séminaire Saint Jean-Baptiste de Wayalghin, en passant par le Petit Séminaire Notre Dame d’Afrique de Koudougou. Et voilà : après quinze années d’études et cheminement aux petit et grand Séminaires, le fils de Ladji est consacré prêtre. El Hadj Boukary est resté convaincu que Dieu est unique, malgré la diversité des voies pour l’atteindre. Il se dit fier de savoir qu’un musulman comme lui puisse offrir à Jésus Christ un prêtre pour le service de l’Eglise.
Si pour l’abbé Souleymane Prosper Ouédroago, « la vraie religion est une religion d’amour », pour l’Evêque de Ouahigouya, Monseigneur Justin Kientega, à qui il a juré obéissance, l’exemple de ce brassage de religions « est un acte de confiance en Dieu qui ne fait pas de distinction entre les hommes. Ce Dieu nous accepte tel que nous sommes, et malgré nos cheminements différents, nous comptons tous un jour nous retrouver auprès de Lui. » Mgr Justin Kientega résume toute l’histoire en soutenant que le bon esprit travaille à unir, tandis que le mauvais, l’odieux entraîne haine et divisions. Et c’est peu de le dire.
Ce que nous commande cette histoire
Au-delà de ce cas qui peut paraître banal pour quelque esprit, il reste un exemple palpable de ce que la paix et le dialogue, surtout entre nos différentes confessions religieuses, constituent les meilleures garanties pour maintenir et consolider la stabilité de notre société. Là où l’intolérance et la violence ont prévalu, la division a toujours pris le dessus. Les exemples existent, et non loin de nous, qui nous rappellent que la paix et la tolérance ne sont jamais des acquis.
Bien au contraire, notre devoir constant doit être de toujours œuvrer main dans la main à consolider les bases de nos relations humaines par la promotion de la tolérance, du dialogue, du respect, de la compréhension… mutuels. Admettre chez les autres des manières de penser et de vivre différentes des siennes propres, respecter la liberté de conscience et ouvrir son esprit à ceux qui professent une religion ou des doctrines religieuses différentes, voilà le mode de vie qui doit définir les vrais hommes intègres.
Hermann GOUMBRI
Noël Pierre W. SCIAN
(Correspondance particulière)
Propos de trois acteurs majeurs au sortir de la messe à la paroisse de Tikaré
Abbé S. Prosper O., après sa 1ère messe à la Paroisse Notre Dame de l’Immaculée Conception de Tikaré (14 juillet 2012)
« La vraie religion est une religion d’amour »
« Merci à tous ceux qui sont venus me soutenir en ce jour de ma messe d’action de grâce à Tikaré. Je suis très content et très ému, vu la situation particulière dans laquelle Dieu m’a rejoint et ma choisi. Je lui rends grâce pour tous ses bienfaits. Par rapport à la question de la tolérance interreligieuse, je reste convaincu qu’au-delà des considérations humaines, au-delà de ce que nous avons, et compte tenu de nos limites humaines, ce que Dieu veut pour nous, c’est d’être unis. Même si nous appartenons à des religions différentes, son amour et sa volonté pour nous commandent que nous restions membres de la famille humaine. En ce qui me concerne particulièrement, le papa a bien compris la chose et moi aussi j’ai bien compris par rapport à l’expérience que j’ai vécue. C’est donc dire que je n’ai pas rencontré de difficultés majeures par rapport à la différence de religions entre mon père et moi. Bien au contraire, il m’a toujours encouragé, a pris en charge mes études de bout en bout jusqu’à ce jour heureux. En tant que père, il m’a toujours regardé comme son fils. J’encourage tous ceux qui vivent des situations difficiles dues à l’intolérance religieuse de garder confiance, car il est évident que beaucoup n’ont pas eu ou n’ont pas la chance que moi j’ai eue avec mes parents. Il faut qu’au final, ce soit l’amour de Dieu qui l’emporte. Travaillons à cela. A tous les croyants, je lance cet appel : la vraie religion est une religion d’amour, c’est-à-dire rechercher l’amour les uns pour les autres, en bannissant toutes sortes de violences. »
El Hadj Boukary Ouédraogo, père du nouveau prêtre
« J’ai converti ma femme à l’Islam et rendu à l’Eglise un prêtre »
« Ce que j’ai fait s’apparente à un » coup d’Etat » contre les catholiques. En effet, la mère de mon fils était catholique quand je l’ai connue. Et pour la marier, j’ai dû me faire passer pour un catholique du nom de Emile. Mon coup a bien marché et on s’est mariés. Seulement après le mariage, je l’ai convertie à ma religion qui est l’islam. Si mon fils est prêtre aujourd’hui, je prends cela comme une réparation de ce que j’ai fait pour pouvoir épouser sa mère. Brièvement, j’ai pris une fille catholique et j’ai rendu à l’Eglise un fils prêtre. Tout ceci est symbolique de la bonne cohésion et de la tolérance qui existent entre nos deux confessions religieuses. Je peux dire que c’est Dieu qui a fait son œuvre. Je remercie donc Dieu, l’Evêque ainsi que tous les fidèles catholiques de Tikaré et d’ailleurs pour leur soutien et leurs prières. Dieu fasse que l’enfant accepte jusqu’au bout sa volonté. Qu’il exauce ses vœux en notre faveur. Je suis El Hadj, mais je sais que Dieu est unique, même si les chemins pour parvenir à lui sont divers. On a connu des cas d’intolérance religieuse ici à Tikaré. Souvent, lorsque des musulmans organisaient le baptême de leurs enfants, les catholiques venaient communier avec nous. Mais lorsque ces derniers avaient une manifestation, nous musulmans, on n’était pas prompt à y aller. Avec le temps, on s’est concerté entre nous musulmans et on a estimé que notre attitude n’était pas convenable. Finalement, on s’est convaincu qu’aller à une activité des catholiques ne nous obligeait pas cependant à faire comme eux, et inversement, mais que cela était simplement un signe de largeur d’esprit et de communion fraternelle. »
Monseigneur Justin Kientega, Evêque de Ouahigouya
« Le bon esprit travaille à unir, et le mauvais divise »
« Je suis là pour signifier ma gratitude au père du nouveau prêtre et à toute l’Eglise famille de Dieu à Ouahigouya pour cet acte de foi. Le cas de Ladji Boukary et de son fils prêtre constitue pour nous chrétiens un acte de confiance en Dieu qui ne fait pas de distinction entre les hommes. Ce Dieu nous accepte tel que nous sommes, et malgré nos cheminements différents, nous comptons tous un jour nous retrouver auprès de Lui. Le processus de recherche de paix, de cohésion, d’entente et de dialogue a des fruits que nous n’espérions pas humainement. Mais le Seigneur a su répondre à nos prières aujourd’hui. Le peu d’expériences de deux années dans ce diocèse de Ouahigouya, fortement islamisé, me donne la certitude que nous pouvons vivre en paix les uns avec les autres, en toute symbiose. Voir dans nos écoles catholiques beaucoup d’enfants musulmans veut dire qu’il y a une certaine confiance, une certaine volonté de vivre en paix, dans l’harmonie entre nos deux familles religieuses. Ils nous confient leurs enfants, sachant bien comment nous les éduquons. L’Esprit du Seigneur travaille vraiment pour que le dialogue soit une réalité ici. Le bon esprit travaille à unir, et le mauvais divise. Dès que je suis arrivé comme Evêque à Ouahigouya, j’ai été bien accueilli par toutes les religions présentes dans la localité. Si le constat est positif, il ne faut pourtant pas baisser les bras, car le vivre-ensemble n’est jamais un acquis. Merci à Abbé Prosper et à son papa El Hadj Boukary pour ce bel exemple de tolérance. »
H.G.
N.P.W.S
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