Opinion – « Les feux de brousse et la disparition des forêts au Burkina Faso »
Ceci est une tribune Barkissa Nyalo Drabo, technicienne de recherche, sur le phénomène des feux de brousse au Burkina.
A l’occasion d’un voyage sur le tronçon Ouagadougou/Bobo-Dioulasso, j’ai pu constater avec une vive inquiétude que les feux de brousse menacent sérieusement la biodiversité au Burkina Faso.
En effet, de part et d’autre de la route, le constat donne de voir des terres grisâtres, des arbres et arbustes desséchés, des animaux quasiment absents de ces espaces….Ce phénomène persistant de feux de brousse volontaires ou involontaires, en dehors de tout respect de la règlementation en vigueur, constituent à côté des autres causes un motif sérieux de dégradation de la biodiversité.
Chaque année les savanes de notre pays subissent d’importantes perturbations causées par les feux de brousse qui sont utilisés principalement pour la culture, la gestion du pâturage, la chasse et les rituels traditionnels et culturels. Depuis des millénaires les écosystèmes des savanes se sont adaptés au feu, cependant cette résilience est mise à mal car ces perturbations sont de plus en plus liées aux conditions météorologiques, en l’occurrence les changements climatiques qui peuvent contribuer à complexifier la possibilité offerte de l’homme de jouir des ressources naturelles qui l’entourent.
Dans cette brève réflexion, nous analyserons les facteurs explicatifs des feux de brousse au Burkina Faso, en nous attardant brièvement sur les conséquences de ce phénomène, puis nous lancerons quelques perspectives possibles pour réguler au mieux de telles pratiques.
LES FACTEURS EXPLICATIFS
Les feux de brousse ont toujours existé depuis des milliers d’années pour diverses raisons : ils peuvent être liés à des causes utilitaires qui découlent de sa pratique par les agriculteurs comme outil de défrichement afin de dégager le terrain, fertiliser le sol et avoir de meilleure récolte.
Cependant, ces feux ne sont pas toujours contrôlés : pour des raisons pastorales, les éleveurs allument volontairement des incendies pour la régénération des pâturages et lutter contre les parasites épizootiques ; des chasseurs pour débusquer le gibier mettent le feu à des hectares de brousse ; enfin, les feux sont allumés pour la production du charbon de bois.
Ils constituent un phénomène d’une ampleur inquiétante qui débute avec la fin des dernières pluies et atteint son paroxysme en plein saison sèche. C’est pour pallier à cette pratique néfaste que la loi n° 003-2011/AN du 05 avril 2011 portant code forestier au Burkina Faso dispose en son article 41 que « les forêts sont protégées contre toutes formes de dégradation et de destruction, qu’elles soient naturelles ou provoquées », et interdit les feux de brousses en son article 50 :
« les feux de brousses sont prohibés ».
L’article 51 relativise cette affirmation en ces termes « les feux précoces ou contrôlés de certaines zones utilisées comme instrument d’action ou d’aménagement forestier sont réalisés dans le strict respect de la réglementation en vigueur ». En somme tous les feux ne sont pas prohibés, à condition d’être sous contrôle et entrant dans le cadre de feu d’aménagement ou coutumier.
Mais, en tout état de cause, les feux de brousse ont des conséquences désastreuses qu’il convient d’examiner.
Les feux de brousse ont un impact très négatif sur l’environnement, avec l’avènement des changements climatiques les pays en voie de développement comme le Burkina, le Mali, le Niger, deviennent encore plus vulnérables et manquent de ressources financières pour mener une lutte efficace et efficiente pour la protection de son environnement. Ces pratiques ont entrainé un recul de la superficie des forêts qui, selon des statistiques de l’INSD en 2000 est estimé entre 110.000 à 250.000 hectares par an au Burkina Faso.
Malgré les prescriptions légales en la matière qui interdissent clairement les feux de brousse, le phénomène perdure et les populations à la base s’adonnent toujours avec joie à cette pratique. Ainsi, en janvier 2014 jusqu’à ces dernières semaines, nous avons constaté tout au long de la route nationale n°1, des feux de brousse qui ont ravagé d’assez grandes superficies qui détruisent les herbes, les arbustes, brulant et noircissant le sol. Le phénomène s’aggrave lorsqu’on arrive vers Boromo, Pa, Houndé Bobo-Dioulasso, qui autrefois avait une végétation luxuriante. Le dernier cas récent date du 10 mars 2015 à Matourkou dans les Hauts Bassins, des enfants dans le cadre de leur chasse aux lièvres et aux rats ont allumé le feu qui a détruit des hectares de terres qui constituaient un cadre de recherche pour le groupement de gestion forestière (GGF) de Matourkou.
A court terme, on constate la destruction de la végétation, la disparation des habitats pour la flore et la faune, la pollution de l’air par les fumées.
A long terme les feux de brousse entrainent l’extinction totale des espèces végétales (arbres plantes), la mort de certaines espèces animales comme les hyènes, les lions, les buffles etc. qui ont presque disparurent des brousses burkinabè. Les feux rendent le sol stérile après quelques années, favorisent l’érosion, le tarissement des sources d’eau. En somme ils compromettent l’existence de toute vie sauvage dans nos forêts déjà fragilisées par les effets de la sécheresse.
Cette situation est telle que nous demandons si les autorités locales jouent leur partition quant à l’application du code forestier vis-à-vis des auteurs de ces feux de brousse ? La répression de ces infractions peut-elle être la seule solution ? Quand on sait que le code forestier en son article 263, stipule que : « sont punis d’un emprisonnement de six mois a trois ans et d’une amende de cent mille (100.000) francs CFA a deux millions (2000.000) de francs CFA ou de l’une de ces peines seulement : (…)ceux qui allument intentionnellement les feux incontrôlés dans les forêts classées, les parcs nationaux ou autres aires protégées…». Encore faudrait-il trouver ces personnes…
L’article 264 enfonce le clou en ces termes : « sont punis d’un emprisonnement de trois mois a deux ans et d’une amende de cinquante mille (50.000)francs CFA a un million (1000.000) francs CFA ou de l’une de ces deux peines seulement : (…) ceux qui par négligence ou par imprudence provoquent des feux incontrôlés dans les forêts classées. Mais a-t-on les moyens pour l’effectivité de la règlementation en vigueur ? Quel pourrait être le rôle des populations locales et des Organisations de la Société Civile dans la lutte contre des feux de brousse ? Autant de questions qui méritent des réponses et pour lesquelles, nous allons lancer quelques balises.
LES PERSPECTIVES POUR UNE PROTECTION PLUS OPTIMALE DES FORETS
Le Burkina Faso rencontre des difficultés pour mettre en application les instruments internationaux auxquels il est partie prenante ainsi que sa politique en matière de protection de l’environnement. Les populations constatent au fil des années, une dégradation de plus en plus accentuée de leur environnement que ce soit au niveau des pollutions, de la préservation des forêts, de la gestion des déchets, des questions des mines ou des énergies renouvelables etc.
Il siérait pour la société civile de mener un combat bien structuré pour l’organisation d’une sensibilisation de proximité de grande envergure auprès des organisations villageoises, des autorités coutumières et administratives, et procéder à une éducation environnementale renforcée de tous les citoyens. Les autorités en collaboration avec la société civile devraient également organiser des campagnes de sensibilisation sur les conséquences des feux de brousse à travers des affiches, des publicités télévisuelles et radiophoniques etc. Il faudrait aussi songer à installer dans toutes les communes, des cellules de veille contre les feux de brousses. Après ces étapes, l’on pourrait penser à mettre l’accent sur la répression des auteurs de feux de brousse.
Il serait également judicieux de s’inspirer de la politique des trois luttes qui a été initié au cours des années 1983 sous la révolution et qui avait pour but de protéger l’environnement par la plantation d’un nombre précis d’arbres par famille et par an et aussi à travers la lutte contre la coupe abusive du bois, la divagation des animaux, et les feux de brousses.
Il est donc impératif que les populations se réveillent et fassent de la lutte pour la préservation de l’environnement leur cheval de batail car préserver l’environnement, c’est préserver la vie dit-on !
DRABO Barkissa Nyalo, Technicienne de recherche,
CNRST-INSS/ BURKINA FASO
Membre du Cadre d’Action des Juristes de l’Environnement / Burkina Faso [email protected] ou [email protected]
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