Nominations au Conseil Constitutionnel : Une protestation plutôt politique

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Ceci est une contribution d’Idrissa Diarra sur le débat des nouveaux membres du Conseil constitutionnel.

Cherchez des réponses purement juridiques à des préoccupations essentiellement politiques, vous buterez sur un mur d’acier à coup sûr ! Le Conseiller spécial du Premier Ministre – le Pr Abdoulaye Soma -, dans le rôle du savant, conteste ouvertement sous le couvert de son organisation de la société civile – la SBDC(1), le décret de nomination de membres du Conseil Constitutionnel par le Président du Faso. Cette sortie médiatique laisse coi plus d’un!

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Libre certes à la SBDC d’exercer son droit à la liberté d’expression et de « pression »; cependant, l’opinion publique prise à témoin, peut-elle être suiviste ou indifférente, face à ce qui apparait simultanément, comme une disharmonie ou discordance dans l’équipe de l’Exécutif au sommet de l’Etat ? Certainement non!

Dans l’entendement commun et ce, en conformité avec l’institutionnalisme classique – sauf exception – , le Conseiller spécial est censé combler les lacunes techniques et méconnaissances de ses employeurs en corrigeant les failles de fond comme de forme juridiques, derrière les rideaux – loin des caméras -, avant leur publication officielles. Peut-on à titre d’exemple, accepter sans contrariété, les contestations publiques du Premier Ministre à l’endroit du Président du Faso dans le domaine qu’il connait le mieux, – notamment la compétence militaire – sous le couvert d’une OSC quelconque ? Si cela est inacceptable, pourquoi en serait-il autrement entre ce dernier et un Conseiller spécial par l’intermédiaire du Premier Ministre? Qu’a-t-il bien pu se passer? Devrait-on se contenter du seul procès fait par la SBDC?

Questions dignes d’intérêt pour l’analyse politique(2), d’autant plus que l’efficacité, la célérité dans l’action gouvernementale, l’image de marque et l’autorité – ne serait-ce que l’autorité intellectuelle – des institutions de la transition, ne sauraient prospérer avec certaines divergences ou contestations ouvertes en son « propre sein ». L’Exécutif est pour l’opinion publique, une équipe impliquant non seulement les membres du Gouvernement, mais aussi les Conseillers techniques ou spéciaux.

N’étant pas dans le secret des dieux, l’approche interactionniste s’offre cependant à l’analyse, pour tenter de cerner avec un certain recul, cette prise de position non conformiste. Passons-la, aux mailles des quatre hypothèses, suivantes.

HYPOTHESE 1: Le respect de la Constitution exige parfois, l’abstraction à certaines complicités administratives; tout manque de conformité à son sujet – d’où qu’il vienne -, doit être combattu par le citoyen!

Deux cas de figure s’offrent à ce titre; il y a des manques de conformités délibérés et ceux involontaires, résultant d’omission, d’erreurs ou de méconnaissance.

Dans le premier cas, il peut arriver que le décideur en dernier ressort (le Président du Faso ou le Premier Ministre dans le cas présent), choisisse volontairement d’ignorer l’avis technique du conseiller spécial. Adopter une telle posture – qui peut être politique par-dessus tout -, c’est prendre le risque d’être contesté par ce dernier sur la place publique, sinon, de solder définitivement des différends latents ou des divergences méconnues du grand public et d’enclencher une démarche de « divorce ». Un tel divorce, s’il y a lieu, n’est pas nécessairement d’ordre professionnel ou juridique ; il est davantage idéologique et politique. Doit-on comprendre que la sortie du Pr Soma reflète le tocsin d’une discorde interne?

Dans le second cas, c’est-à-dire lorsque, aucun élément ne laisse présager de l’indisponibilité ou du refus du Président du Faso ou du Premier Ministre à corriger les manques de conformités à travers des concertations dans les coulisses (vestiaires), décider de formuler une contestation publique, c’est vraisemblablement manquer en contrepartie, à son devoir de conseiller. Autrement dit, c’est comme se tirer une balle dans le pied, soi-même ! L’opinion publique serait intéressée de savoir l’effort fait de l’intérieur par le Conseiller spécial, pour corriger discrètement les irrégularités décriées sur les médias. Dans le cas contraire, on aura du mal à faire la distinction entre un conseiller et un journaliste politique ou constitutionnaliste, qui entend aussi améliorer la gouvernance démocratique, par ses critiques médiatiques. Aussi, convient-il d’ajouter que quiconque – exception divine -, peut être victime de telles erreurs – qui peuvent avoir pour source, la mauvaise manipulation des documents.

Par ailleurs, deux faits méritent-ils d’être soulignés. Le premier est que toute décision prise en Conseil des ministres – ses ingéniosités et ses erreurs -, en rend du coup, responsables, tous les membres du Gouvernement! C’est en cela que les délibérations prennent tout leur sens. Le second fait est que les supports – projet de décret par exemple – soumis en Conseil des ministres, sont adoptés sous réserve de prise en compte des amendements retenus lors des délibérations. A ce titre, les services du Secrétariat général du Gouvernement sont bien situés pour témoigner de telles pratiques. En dernier ressort, la signature du décret, – puis sa publication dans le Journal officiel -, consacre ouvertement sa version achevée.

HYPOTHESE 2 : Les leaders d’OSC préfèrent prioritairement mettre leurs compétences au service de leurs organisations à la base, nonobstant leur présence dans les organes du Pouvoir de la transition (étatique) ;

Cette hypothèse tient sa pertinence du fait que les exemples sont légion sous la transition. Certaines figures de proue d’OSC, aujourd’hui « phagocytées » par le nouveau pouvoir, semblent mieux s’émanciper dans le contrôle du pouvoir, que dans son exercice. A ce titre, une question légitime se pose: ces leaders sont-ils rentrés prématurément dans les organes de la transition, sans avoir achevé un travail préalable dont ils se revendiquent et dans lequel ils sont mieux outillés? Sont- ils piégés, surpris ou submergés par la réalité politique du terrain? Oublient-ils quelques fois d’avoir en main, l’exercice du pouvoir ou font-ils semblant?

Le pouvoir de Blaise Compaoré décapité, certaines OSC ayant subi le même sort avec la mutation simultanée de leurs leaders appelés à l’exercice du pouvoir, il y a une évidente nécessité de bourgeonnement de la classe sociopolitique dans les structures de base pour afficher de nouveaux leaders. Malheureusement, un flou régnant dans les contours de la société civile – en partie, du fait de l’action tantôt centrifuge, tantôt centripète de leurs leaders, ne manque pas souvent, d’entretenir des conflits d’intérêts. Dans certains cas, ce hiatus – lié en partie à la brève échéance de leurs nouveaux statuts en octobre 2015 – crée auprès de l’opinion publique, le malaise d’assister a l’avènement d’OSC « politiques » politisées.

HYPOTHESE 3 : L’exercice des compétences techniques conférées par les nominations dans les institutions, reste faible, limité, sinon sans effet sur les décisions de la hiérarchie (l’Autorité tutélaire) – c’est-à-dire, les décisions préalables ou post-consultatives ;

Avec une petite expérience dans l’administration publique, il est facile de comprendre aisément cet état de fait! On entendra quelques fois dire, nonobstant sa compétence et son titre de Conseiller:  » c’est le Président du Faso qui l’a dit, qui l’a écrit, qui le veut; laisses comme ça! » « C’est le Premier Ministre qui a fait ceci ! … » Une façon de dire autrement que le sujet est clos avant même l’examen, puis l’avis du Conseiller. Face à de telles injonctions, combien sont-ils ces conseillers, à pouvoir s’empêcher d’avoir les nerfs en pelote! Confiné à un rôle autre que celui conféré dans la nomination, les frustrations subséquentes peuvent naturellement trouver leur exutoire sur la place publique. Cependant, une belle sentence enseigne ceci : « gardes-toi d’agir sous l’emprise de la colère ».

HYPOTHESE 4 : Les leaders d’opinion sont des acteurs rationnels : indépendamment de leurs positions, ils ont tendance à maximiser leurs profits, qu’ils soient moraux, symboliques (intellection, prestige, notoriété, postes), financiers, matériels, etc.

Cette hypothèse, inspirée du courant de pensée utilitariste, se passe quasiment de longs commentaires. En effet, c’est une tentation courante, puissant moteur de motivation de l’action et de l’inaction humaine. Quiconque s’illustre fréquemment dans l’action, surtout publique, prend également en contrepartie, le risque fréquent, d’essuyer des critiques incisives suivant cette grille de lecture. Le gros plan fait dans la conférence de presse de la SBDC sur le profil de « juriste », présenté comme une des qualités potentielles entre autres, pour être membre du Conseil constitutionnel, l’échelonnement interprétatif de cette qualité de juriste qui trouve « son plafonnement » dans le statut de professeur d’université, le silence relatif sur l’expérience professionnelle de ces membres potentiels, la référence aux constitutionnalistes ou universitaires présentés comme étant plus couramment choisis ailleurs comme membres du Conseil constitutionnel, ne font que donner de la vigueur à cette thèse. Pour s’en convaincre, cherchez en effet, des «  juristes constitutionnalistes universitaires » au Faso, vous buterez à coup sûr, sur un cénacle encore restreint de personnes connues! Pourtant, l’on devrait pouvoir supposer ceci: si l’on devrait faire un appel à candidature public pour la recherche de membres éventuels du Conseil constitutionnel, de potentiels candidats réunissant carrure et compétence, jusqu’aujourd’hui peu connus, convergeront de toutes parts, la diaspora y comprise…

En guise de conclusion, ces quatre grandes propositions demeurent dans les limites d’hypothèses, qui, en bien des points, peuvent se recouper par moments. Prises conjointement, elles forment cependant, des mailles suffisamment fines pour révéler certaines facettes de la réalité des faits, ne serait-ce que partiellement.

Dans le cadre de la recherche d’objectifs nobles, soit de l’intérieur, dans le service direct des pouvoirs publics, soit de l’extérieur, dans le contrôle de ces derniers via les OSC, ces hypothèses visent à montrer,- combien l’acteur public reste exposé et vulnérable à des subjectivités individuelles ou collectives qui s’imposent à lui dans la complexe sphère politique. Cette vulnérabilité subjective du citoyen justifie la pertinence de préférer les institutions fortes aux hommes forts dans une démocratie, par la participation active de chaque citoyen à l’action publique. A ce titre, cette publication tente-t-elle de jouer la partition du citoyen… Aussi, ce sujet illustre-t-il bien, certaines pensées (…) chez Max Weber sur les buts objectifs des luttes « politiques », dans son célèbre ouvrage (conférence) intitulé « Le savant et le politique « .

  • SBDC: Société burkinabè de droit constitutionnel.
  • Analyse néo-institutionnelle

Ouagadougou, le 10 avril 2015.

Idrissa Diarra

Géographe, politologue.
Membre-fondateur du Mouvement de la
Génération Consciente du Faso (MGC/Faso).
Mobile : (+226) 66 95 04 90
Courriel : [email protected]


NDLR : Le titre est de l’auteur

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