Concours d’architecture de l’Assemblée nationale : Les réserves d’un architecte

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Le Ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat vient de lancer le concours national d’architecture pour la conception de la future Assemblée Nationale du Burkina Faso. Vu l’importance et la forte symbolique de l’édifice concerné dans un contexte post- insurrectionnel, l’Architecte Urbaniste Rodrigue Sawadogo mène une réflexion critique sur l’organisation des concours d’architecture au Burkina Faso.

Il m’est désagréable de relever le mépris et l’incompétence avec lequel on organise les Concours d’Architecture au Burkina Faso. Pour ce faire, prenons l’exemple du Concours d’Architecture de l’Assemblée Nationale du Burkina Faso qui vient d’être lancé.

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Tout d’abord il ya deux types de Concours d’Architecture : les concours sans programme précis (concours d’idées) et les concours avec programme précis ou TDR (Termes De Références), le premier pouvant souvent aboutir au second. Ici nous avons à faire à un concours avec programme. La première déception légitime est que le MUH (Ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat), comme d’habitude, a confié l’organisation à sa seule Direction Générale de l’Architecture, de l’Habitat et de la Construction (DGAHC) qui malheureusement, par manque de personnel qualifié, a l’habitude d’élaborer les TDR en vase clos, la plupart du temps mal élaborés: les exemples sont légion…

Les TDR d’un tel projet d’envergure nationale et pour la deuxième institution la plus emblématique du pays auraient dû être conçus en commission mixte entre une représentation des députés, une représentation du MUH et de toutes les compétences utiles pour réussir un tel projet à savoir : les Urbanistes pour les aménagements internes et les abords du terrain, les Architectes pour la conception et le design des bâtiments et les Ingénieurs pour le dimensionnement et les calculs structurels.

Pour le choix des personnes morales de ces compétences, une seule voie existe : appel à candidature pour l’élaboration en commission mixte des TDR. Du reste, c’est ce principe qui avait été fortement conseillé par le Comité mis en place par le Ministre Dieudonné Bonanet pour résoudre la crise qui secoue l’Ordre des Architectes du Burkina Faso, conséquemment à l’élection contestée d’une fonctionnaire à la tête d’un ordre libéral à 90% en mars 2015.

Pour le choix des personnes physiques, il faut consulter les différents Ordres de ces compétences pour qu’ils trouvent eux-mêmes la formule pour envoyer leurs représentants. En rappel, la première mission d’un urbaniste, d’un architecte et d’un ingénieur c’est la programmation d’abord d’une future planification. Sans un programme sérieux et maîtrisé, il n’y a point de projet sérieux et maîtrisé, donc pas de construction sérieuse et maîtrisée. Ainsi pour notre projet d’Assemblée Nationale, rien de tout ceci n’a été fait pour nous rassurer et nous assurer d’un bon projet digne de l’émergence dont nous parlons tant dans ce pays. Quand on veut émerger, on commence par bien et mieux organiser le domaine de la construction.

On notera que l’élaboration des TDR actuel n’a en rien respecté tout ceci. Ce qui est aberrant dans le Nouveau Burkina qu’on nous vante chaque jour, c’est qu’on continue d’organiser les concours d’architecture comme avant au grand mépris des avis des principaux concernés.

Pour exemple comment peut-on demander de travailler sur un projet d’envergure nationale du 02 mars (date limite d’inscription) au 20 mars, sans visite officielle de site. Et même si cette visite officielle de site est prévue lors des inscriptions, donc les derniers inscrits n’en bénéficieraient pas alors, et je n’ose croire qu’elle se fera pendant les 18 pauvres et insuffisantes jours de production. Effectivement, on peut nous reprocher de ne pas nous inscrire dès le 2 février mais là aussi c’est méconnaître ou nier les difficultés des bureaux à avoir toutes les attestations administratives dans un contexte économique aussi morose. Après, c’est pour encore dire que les Architectes Burkinabè ne valent rien alors qu’en réalité, ils n’ont pas les mêmes conditions de travail que ceux des autres pays.

Enfin, mon humble avis personnel pour ce concours est qu’il aurait pu servir de vitrine de promotion du Burkina Faso au niveau sous régional et/ou international en organisant plutôt un concours international d’idée où l’Union International des Architectes (UIA) ou l’Union des Architectes Africains (UAA) ou encore la Conférence des Ordres des Architectes de l’UEMOA serait associé à l’organisation avec bien sûr obligation pour tout bureau étranger participant d’être associé à un national.

Cela garantie une meilleure organisation et un meilleur jury. Au bout un lauréat Burkinabé en groupement, favorise le partage de compétences, donc améliore la qualité des propositions architecturales et augmente nécessairement la compétitivité future des Architectes Burkinabès au niveau national et international.

Voici donc comment une fois de plus nous gachons une nouvelle opportunité de bien faire et de nous améliorer dans ce pays. Pour notre part, vu le manque de professionnalisme avec lequel ce concours est lancé, il n’y a que deux issues au bout : le projet du futur lauréat sera lourdement critiqué, et la cause sera l’incompétence dans l’organisation et/ou le tripatouillage habituel, car rien ne nous garantit que les TDR actuels n’ont pas été montés grâce à un projet préexistant qui attend dans l’ombre de sortir au grand jour avec quelques modifications pour être lauréat (déjà vu ici au Burkina Faso). Car avec toutes ces rumeurs concernant ce projet d’Assemblée Nationale depuis 2013, reconstruction sous la transition en 2015 et à présent nouvelle assemblée en 2017 (https://intellivoire.net/le-concept-de-la-nouvelle-assemblee-nationale-du-burkina-concu-par-francis-kere/), même les plus avertis douteront fortement de la transparence de ce concours d’Architecture avec une telle opacité et une telle rétention d’informations dans l’organisation.

Chers compatriotes, chers confrères et partenaires de l’OAB, du Ministère, des directions et institutions, il n’est jamais trop tard pour mieux faire. Si l’on est sincère et que c’est parce qu’on ne savait pas, on peut s’informer et demander pour mieux faire. Car si des pays comme le Sénégal, le Maroc, l’Égypte, le Togo, le Tchad, Dubai, le Quatar, la Chine, le Gabon, la Guinée Equatoriale… sollicitent l’UIA et l’UAA pour certains de leurs concours nationaux malgré leurs moyens humains et matériels souvent  supérieurs aux nôtres, ce n’est pas par suffisance mais parce ce que ces pays se veulent être des vitrines en matière d’Urbanisation et d’Architecture.

 Par conséquence, ils recherchent l’innovation dans un partenariat étranger. La construction de notre future Assemblée Nationale est nécessaire, alors prenons le temps de mieux organiser ce projet dans les règles de l’art pour une fois car c’est aussi une question de fierté nationale, sinon nous risquons de faire comme au Bénin où la nouvelle Assemblée est en construction depuis le premier mandat de Yayi Boni avec des avenants aux triples du coût initial du projet et un retard scandaleux…

Rodrigue Ulrich SAWADOGO

Architecte Urbaniste

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Un commentaire

  1. bonjour! je voulais savoir si je peux prendre part a votre concours d’architecture. je fais le BAC C cette année. si oui où se font les dépôts? merci

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