Tribune – «Quand le ministre de la défense prend en otage Djibrill Bassolé »
Dans cette opinion, Marius Yougbaré est convaincu que le ministre de la défense a pris « en otage » Djibrill Bassolé.
Le mardi 10 octobre dernier, le président de la chambre de contrôle du tribunal militaire a décidé la mise en liberté provisoire du Général BASSOLE qui était détenu à la MACA depuis le 29 septembre 2015 dans le cadre du coup d’État manqué perpétré par certains éléments du RSP. Visiblement cette décision qui semble être une couleuvre difficile à avaler par le pouvoir exécutif qui détient le prévenu arbitrairement selon l’avis du Conseil des droits de l’homme des Nations unies (confère avis 39/2017 du groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire), a suscité une réaction qui a fini par démontrer que sa détention est hautement politique.
En effet, le mardi 11 octobre le commissaire du gouvernement a fait appel de cette décision de mise en liberté provisoire mais n’a pas obtenu gain de cause. Résolu à garder le contrôle dans leur acharnement éhonté, il a alors invoqué l’article 100 du code de justice militaire pour une assignation en résidence du Général qui est poursuivi pour trahison. Les alinéas 3, 4 et 5 de l’article 100 qui précisent les conditions pour assigner un quidam en résidence sont bien explicites : « Dans tous les cas où un inculpé de nationalité étrangère est laissé en liberté ou mis en liberté provisoire, la juridiction compétente peut lui assigner pour résidence un lieu dont il ne devra s’éloigner sans autorisation, avant non-lieu ou décision définitive sous peine des sanctions prévues en matière d’interdiction de séjour.
Les dispositions de l’alinéa précédent demeurent applicables lorsque le Ministère Public le requiert dans les cas où un individu inculpé, prévenu ou accusé d’un crime ou d’un délit contre la sûreté de l’État, est laissé en liberté ou mis en liberté provisoire.
Les mesures nécessaires à l’application des deux alinéas qui précédent, notamment le contrôle de la résidence assignée et la délivrance d’autorisations provisoires, sont déterminées par Arrêté. ».
En clair, seuls les individus poursuivis pour des faits portant atteinte à la sûreté de l’État et ayant bénéficié d’une liberté provisoire peuvent être assignés en résidence. Autrement ce serait une détention arbitraire. Manifestement l’ancien ministre des Affaires étrangères qui est pris en otage par le ministre de la défense est en détention arbitraire. Pour illustrer notre propos, il suffit de nous référer à l’Arrêté en date du 13 octobre 2017 signé par le ministre Jean Claude BOUDA.
Pour tenter de se conformer à la légalité, le ministre de la défense s’est arrogé le droit de charger monsieur Djibrill BASSOLE de crimes que le juge d’instruction a pourtant abandonnés au cours de l’instruction du dossier. Ainsi dans son arrêté, le ministre BOUDA précise que le prévenu est inculpé pour trahison, association de malfaiteurs, complicité de destruction volontaire de biens, incitation à commettre des actes contraires au devoir et à la discipline, complicité de meurtre, complicité de coups et blessures volontaires. Cette remise en cause flagrante de la procédure judiciaire de la part de l’exécutif n’est pas de nature à rassurer la prétendue volonté du gouvernement à consacrer l’indépendance à notre institution judiciaire, ni à donner les garanties d’un procès équitable et impartiale pour tous.
À cet effet, il faut dénoncer la tentative maladroite du ministre. Les audiences de confirmation des charges et de mise en accusation sont prévues pour le 24 octobre, par conséquent, monsieur BASSOLE est soupçonné et non inculpé de trahison conformément à l’ordonnance du juge d’instruction. Les charges supplémentaires du ministre pour motiver l’assignation en résidence du prévenu ne sont également pas conformes au regard de la loi, puisqu’il manque le crime crucial à savoir l’atteinte à la sûreté de l’État.
En conclusion, la prise en otage maquillée en une assignation en résidence surveillée du prévenu est manifestement arbitraire. Il suffit de se référer à l’article 4 de l’arrêté pour s’en convaincre : « L’intéressé ne peut quitter sa demeure que sur autorisation du Président de la chambre de contrôle du tribunal militaire de Ouagadougou et sous escorte de la Gendarmerie Nationale ».
Comportement vraiment hilarant et incompréhensible, l’arrêté précise que l’intéressé pourra communiquer librement avec un appareil téléphonique n’ayant pas de possibilité d’accès à internet et dont les numéros d’appel doivent être communiqués à la Gendarmerie. Pendant qu’on y est avez-vous respecté le droit du prévenu lorsque sur la base d’écoutes sauvages et illégales vous avez gardé BASSOLE en prison pendant plus de deux ans? Comment avez-vous obtenu les prétendues écoutes téléphoniques qui sont retenues à charge contre Djibrill BASSOLE si vous n’êtes pas à mesure d’avoir son contact téléphonique ?
Ne serait-ce pas de toute évidence un montage puisque depuis que vous avez procédé à l’authentification des écoutes ni la défense du prévenu, ni vos collaborateurs privilégiés (médiapart) n’ont pas les résultats complets de l’expertise ?
Vous qui prétendez que, les supposés échanges téléphoniques entre BASSOLE et SORO publiés par le média français qui vient récemment de nous exposer le contenu du dossier de l’instruction du putsch, sont authentiques ; qu’attendez-vous pour aller au procès ?
Tout cela laisse croire à un acharnement politique visant à éliminer un adversaire (traiter comme un ennemi au mépris du droit) et cette attitude laisse croire que le pouvoir exécutif n’est pas disposé à mettre en œuvre la décision du président de la chambre de contrôle en autorisant le Général BASSOLE à aller se soigner convenablement à l’étranger.
Marius YOUGBARE
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