Gendarmerie et police au Burkina : Vers la fusion ?
Le débat sur la fusion des deux forces de police d’Etat, l’une à statut civil (police) et l’autre militaire (gendarmerie) au Burkina Faso est devenu public avec les fora régionaux, en prélude au forum national sur la sécurité intérieure prévu pour se tenir du 24 au 26 octobre.
C’est un secret de polichinelle que de le dire. Mais entre la police à statut civil et celle à statut militaire, la rivalité est bien existante. Une rivalité qui ne facilite pas l’opérationnalisation de l’Agence nationale du renseignement (ANR). Ce qui en fait une « grosse machine [qui] n’a pas encore vraiment démarré ».
La difficulté d’y parvenir, concluent les auteurs du rapport « Nord du Burkina Faso: que cache le jihad », est en partie due à « la rivalité historique entre police et gendarmerie [qui] nuit à leur efficacité ». Et avec l’annonce du forum national sur la sécurité intérieure, des responsables sécuritaires y voient l’occasion de crever l’abcès afin que s’il y a nécessité, de passer à l’étape fusion.
En effet dans sa parution du jeudi 19 octobre, le journal Le Pays titrait à sa Une : « Forum régional sur la sécurité. Pour la fusion de la police et de la gendarmerie ». Selon le reporter Ousmane Tiendrebéogo, des communicateurs issus des Forces de défense et de sécurité (FDS) ont au cours du forum émis l’idée de la fusion. Cette fusion permettra de l’avis des participants « de lutter contre les querelles intestines entre les deux corps et de permettre un maillage acceptable du territoire ».
Qu’en est-il de la France d’où tout est parti ?
Mais avant, repartons à la source pour mieux comprendre cette rivalité existante entre les éléments de la police civile (policiers) et ceux de la police militaire (gendarmes), toutes deux héritées du système français. En France, d’où tout est parti, la situation n’est guère reluisante. Là en effet, les attentats de janvier et novembre 2015 ont ravivé les rivalités entres les trois forces d’intervention de la police et de la gendarmerie nationale.
Selon L’Obs, tout est parti d’une lettre anonyme de trois pages qui a atterri trois semaines après les attaques terroristes du 13 novembre sur les bureaux du procureur de la République de Paris, François Molins, et du directeur de la police judiciaire parisienne, Christian Sainte.
Le ministre de la sécurité d’alors, Bernard Cazeneuve, n’avait pas exclu la possibilité du fusionnement à long terme des trois unités de la gendarmerie et de la police que sont le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), la Brigade de recherche et d’intervention (BRI) anti-gangs et le Raid unité d’élite. « L’heure n’est pas à la concurrence des forces, mais a l’unité », avait déclaré le ministre en référence aux rivalités existantes entre les différentes forces d’intervention françaises.
Le rapporteur de la commission d’enquête parlementaire sur les attentats de janvier et novembre 2015, le député socialiste Sébastien Pietrasanta s’était interrogé sur « le bien-fondé du maintien de plusieurs forces d’intervention spécialisées » avant lui aussi de préconiser, à terme, « la fusion des trois forces d’élite ». Les nouvelles autorités à commencer par le Président Macron s’inscrivent dans la même logique pour « renforcer la sécurité face à la menace terroriste». Son ministre de l’intérieur Gérard Colomb y est favorable également. « C’est des questions qu’on va étudier dans les prochains temps», a-t-il dit.
Le Bénin avec sa « Police Républicaine«
Plus proche du Burkina au Bénin, un pays qui a hérité de la même tradition, le Président Patrice Talon a, en raison de « ressources limitées» du pays contraignant à « plus de rationalisation et de recherche d’efficience dans l’utilisation» des forces de sécurité, décidé de la création d’une Force unique de sécurité intérieure (FUSI) à partir de janvier 2018. Et même si tous les contours de la force restent encore à définir, le nom à donner semble tout trouvé. La « Police Républicaine » qui devrait être effective à partir du 1er janvier 2018 aura un statut paramilitaire, bénéficiera du maintien des attributions de police armée et ne disposera ni de droit syndical ni celui de grève. Ses membres pourront néanmoins désigner des délégués du personnel.
De l’avis des concernés
En conférence de presse ce jeudi 19 octobre, le secrétaire général de l’UNAPOL, le commissaire Senou Wakilou a commenté la « tension constante entre policiers et gendarmes ». Se référant à l’exemple béninois, il estime que la résolution relève d’une simplicité. « Au Bénin, se réfère-t-il, le président a vu que le problème existe, il a pris une action concrète. Il est parvenu à la fusion des deux entités ».
A la gendarmerie, composante militaire de la police d’Etat, « les gendarmes [qui] se considèrent comme des militaires, ne pourraient s’imaginer être fusionnés avec des policiers », confie un gendarme, qui affirme que son sentiment est partagé par bon nombre de ses collègues.
Et « si la décision était envisagée, les politiques peuvent considérer qu’il s’agira de la suppression de la gendarmerie, car tous les militaires de la gendarmerie rejoindraient les autres corps de l’armée s’ils avaient le choix ou démissionneraient si c’était une obligation », termine-t-il.
Oui Koueta
Burkina24
Photo : Deux hauts responsables de la gendarmerie et de la police, le 23 mai 2017 – Photo : Aouaga.com
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