Moi, Rasmane Bassam

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Son sobriquet semble se confondre à son nom. Sa voix suave, qui a gardé le même timbre depuis, a bercé des générations. Ses contes plein d’humour tournent en bourrique les Gourounsi (il a vécu à Sapouy), les Yarsé (qui sont ses grands-parents), les Bissa (ses voisins) ou les Peul (l’une de ses femmes est de cette ethnie). A Savane Fm où il officie actuellement (son acolyte Rasmane Koweït qui y officiait également est décédé en 2016), il fait un tabac à chaque émission. Lui, c’est Rasmane Bassam. Bassam parce qu’il a vécu longtemps dans cette localité de la Côte d’Ivoire avant de rejoindre le Burkina Faso où sa maitrise de l’art oratoire, l’imagination des histoires risibles ont fait de lui une star, mais très peu honorée. Nous avons rencontré pour vous, El Hadji Rasmane Bassam, Rasmané Compaoré à l’état civil.

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Ils sont combien, ces Burkinabè qui ont failli se tordre une mâchoire en s’esclaffant lorsqu’ils écoutent ses contes ? Combien sont-ils à s’émerveiller quand sa voix entre en scène ? Combien de téléphones portables s’échangent ses sketchs à longueur de journée ? Enormément, dira-t-on ! Mais même s’il met du baume au cœur, égaie les journées de millions de Burkinabè et transforme ses passages à la radio en moments de rire généralisé, combien ont pu mettre un visage sur sa voix ? Rare !

Dans l’histoire de la culture burkinabè, les baobabs ont l’habitude de tomber avant d’être magnifiés. Il faut à tout prix changer la donne et c’est dans cette lancée que nous avons décidé d’ouvrir nos pages à Rasmané Compaoré dit Bassam, grand humoriste, conteur, c’est selon, en début février 2018. Comme lui-même le dit, « de nos jours, c’est après ton décès que les gens voient ta valeur ».

Avec Rasmane Bassam, les contes burlesques ont traversé la raillerie (alliance ou parenté à plaisanterie) inter-ethnique pour donner de la matière à qui le veut pour rire « avec son frère burkinabè ». Il attaque à souhait les Yarsé, les Gourounsi, les Peuls et les Bissa pendant ses émissions. « Je vais au-delà du ‘’Rakiré’’ (alliance à plaisanterie), explique-t-il, pour que tout Burkinabè qui croise un autre puisse rire ».

L’histoire de cet homme à la barbe grisâtre est assez atypique. Son sobriquet Bassam renvoie à une station balnéaire proche de la ville d’Abidjan. C’est la localité dans laquelle il a vécu lorsqu’il est arrivé pour la première fois en Côte d’ivoire. Pour l’année, notre interlocuteur, qui n’a pas mis pied à l’école, indique que son voyage a coïncidé avec l’année de création de la loterie nationale burkinabè, donc en 1967. « J’ai acheté un ticket à 100 f, explique-t-il, et j’ai gagné la somme de 5.000f. C’était un samedi. J’ai payé un ticket de train à 2.400 f pour rejoindre Abidjan ».

« On gagne de l’argent, mais si tu ne fais pas attention… »

Arrivé à Bassam, il a travaillé dans une plantation. De peur de devenir Kaoss-wéogo (littéralement, celui qui dure en brousse. Ce terme en mooré désigne l’aventurier qui ne revient pas au pays, ou qui revient sans un sou, ndlr), il quitte Bassam pour Aboisso, une ville située à l’est d’Abidjan. Selon Rasmané Compaoré, à Bassam, « on gagne de l’argent, mais si tu ne fais pas attention, les femmes peuvent en finir avec ».

Rasmane Bassam (gauche) et son manager (droite) – Burkina 24

En somme, l’aventure de Rasmane Bassam n’a duré que deux ans en Côte d’Ivoire, « pas plus ». « J’ai été en Côte d’ivoire pas plus de trois fois. Les deux premières fois pour y travailler et la troisième fois pour ramener quelqu’un », ajoute le conteur. Mais de ce laps de temps, ceux qui le suivent régulièrement sur les ondes radios pourront témoigner que les histoires qui en sont tirées sont croustillantes et hilarantes. De retour au Burkina, il a travaillé à Faso Yaar (une unité commerciale qui a fermé ses portes en 1995, ndlr).

Pour ses débuts à la radio, c’est avec le Larlé Naaba Belemwendé, père de l’actuel Larlé Naaba Tigré que Bassam a débuté, à la Radio nationale. C’est l’une des connaissances du Larlé Naaba Belemwendé qui l’a présenté à ce dernier après avoir remarqué et aimé les « commentaires risibles » que Rasmane Bassam distillait sur son lieu de travail. « En ce moment, même depuis la Côte d’Ivoire, les gens appelaient et les enveloppes, 5.000f, 10.000f,  venaient ». Après la Radio nationale, il a déposé sa voix à la Radio Salankoloto. Pendant son exercice, se rappelle le conteur, un mois d’avril, il a livré un gros poisson à ses auditeurs. Mais l’un d’eux l’a mal pris.

Pour son poisson d’avril, Rasmane Bassam avait annoncé que son émission s’estompait. « Un auditeur, un Yadéga, précise le conteur, nous a appelés pour nous dire que si je m’amuse à abandonner l’émission, les murs de ma maison même vont tomber », raconte-t-il en se marrant. Alors qu’il exerçait toujours dans cette radio, un malentendu a eu lieu avec le promoteur (Rasmane Bassam faisait des pauses pendant les émissions pour ses prières). Après près de deux ans de collaboration, il quitte cette radio pour rejoindre Savane Fm, mais après une pause.

Cette pause loin des micros aura duré près de 20 ans, à en croire Rasmane Bassam. Actuellement âgé de 72 ans, le conteur qui travaille toujours à Savane Fm à Ouagadougou est père d’une vingtaine d’enfants avec quatre femmes. Dans sa grande cour, le rire semble être le bien le mieux partagé. « Le vieux », comme il est appelé, est très taquin. L’une des femmes de Bassam est Peul, l’une des ethnies qu’il éreinte lors de ses moments de radio. « Des fois, quand je reviens à la maison après mes émissions, ma femme me dit de me servir moi-même l’eau de bienvenue », dit-il avec le sourire.

Mais pour Bassam, son travail en qualité de conteur et les années passées à faire rire les Burkinabè ne lui ont pas été trop bénéfiques en termes de rémunération. Cependant, avec certaines prestations et la volonté de certains auditeurs, il a pu faire quelques réalisations. Pour exemple, donne-t-il, il a effectué le pèlerinage à la Mecque deux fois, la première il y a 17 ans après avoir vendu une parcelle qui lui avait été offerte à Ouagadougou par un maire. Il a eu une troisième occasion d’y aller, mais a préféré léguer son billet d’avion offert par un bienfaiteur à son acolyte Rasmane Koweït. 

« … si j’avais été à l’école, en Afrique noire j’aurai été le numéro 1 »

Pour service rendu à la Nation, « avec l’appui du Mogho Naaba Baongo », il a été décoré en 2013, l’Ordre du mérite qu’il a reçu à Kossyam. Cette reconnaissance, Rasmane Bassam la doit, il l’a répété, à son manager Lamine Kompaoré, un mordu de la culture exerçant dans le domaine des bâtiments et travaux publics. Les deux hommes ont commencé à travailler ensemble en 2011. De cette collaboration, un livre de conte, « Les Contes modernes et histoires drôles du Mogho », recensant 70 histoires racontées par Rasmane Bassam a vu le jour en 2013. Un autre, le Tome II, est en préparation.

Selon le manager, ce n’est pas moins de 200 contes et histoires drôles venant de Rasmane Bassam qu’il peut rassembler. Ces histoires sont tirées de la vie courante de l’auteur qui avoue les inventer également. « [Michel] Gohou m’a dit un jour que si j’avais été à l’école, en Afrique noire j’aurai été le numéro 1 », raconte Rasmane Bassam.

Vidéo – Coup de gueule de Rasmane Bassam enrobé dans un conte (Le Roi et l’indigent)

Burkina 24

L’imprésario du conteur n’est pas avare en éloges à l’endroit de son poulain de 72 piges. « Ce qu’il a fait, relate Lamine Kompaoré, c’est un très grand travail pour le pays et pour la culture. Ce qu’il a produit, c’est un trésor qu’il faut conserver. Depuis que nous avons produit le livre, même depuis l’Europe, des gens nous appellent et prennent des contacts. Des personnes qui préparent leur doctorat sur les contes ou le théâtre nous ont même approchés. Nous faisons l’effort de conserver cette richesse pour les générations à venir ».

Le document, « Les Contes modernes et histoires drôles du Mogho » coûte 6.000f CFA dans les librairies. Mais du comportement du livre sur le marché, cette phrase de Lamine Kompaoré en dit long : « Les gens fouillent de moins en moins les rayons ».

Ignace Ismaël NABOLE

Burkina 24

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Ignace Ismaël NABOLE

Journaliste reporter d'images (JRI).

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8 commentaires

  1. Merci pour tout papa tu nous fait rire même en temps de soucis et de tristesse tu egaies nos coeurs!longue vie à toi soit benis

  2. J admire bien papa Rasmane Bassam pétri d une fertile imagination qui dissipe tous nos soucis. Longue vie à vous et merci à burkina 24 car j ai pu davantage découvir ce drôle et jovial monsieur.

  3. Merci est faible mot pour ce monument. Longue vie à lui. Santé et bonheur. Au Burkina nous ne reconnaissons la valeur de l’homme que lorsqu’il n’est plus. Très longues vie à Rasmane Bassam. Que Dieu le comble de sa grace.A vous journalistes et/ou écrivains de le rendre immortel.

  4. Depuis kalgondin ex sectaire 14 que j,étais petit, il nous a toujours émerveillé par ces conseils

  5. Depuis notre tendre enfance, il nous faisait rire et quand venait l’heure des contes en moiré tous les mardis, on se mettait autour de la radio pour écouter les histoires drôles. Que t’accorde une santé de fer et de la longévité afin que tu continues à valoriser la culture burkinabé

  6. Moi je ne connais même pas encore l’homme. Vivement qu’il se révèle davantage. On a besoin d’eux. Merci beaucoup

  7. Enfin je mets un visage sur ce nom. Ce baobab m’a fait rire autant de fois. Ensemble en famille ce sont des moments de rassemblement à côté de la radio pour ne rater aucune seconde, aucun mot de ce illustre personnage qui a un art de l’humour indescriptible ( j’adore l’histoire de Babou). Chapeau à vous. Plusieurs générations profiteront de vos faits.

  8. Bjr. Vraiment merci beaucoup pour avoir fait cet article sur ce grand homme de culture. C’est un véritable baobab. Personnellement je ne rate jamais son heure de conte. Ma prière est que Dieu le fortifie et lui donne longue vie.

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