Tribune – La lettre d’un instituteur au Professeur Kalifa Traoré
Ceci est une lettre ouverte de Ousmane Bamogo, instituteur principal, au Professeur Kalifa Traoré.
Bonjour ou bonsoir mon Professeur, je m’appelle à l’Etat civil BAMOGO Ousmane. Je suis Instituteur Principal en Service dans le Sud-Ouest du Burkina. Je rêve d’un mieux-être non seulement pour ma carrière professionnelle mais aussi et surtout pour notre système éducatif.
Il serait vain que je continue la présentation car vous fréquentez des milliers d’étudiants par jour et ce n’est pas sûr que vous puissiez vous souvenir de moi. Néanmoins, je vais rappeler la circonstance de notre rencontre.
Nous nous sommes rencontrés pour la première fois, le 16 juin 2015 à l’Ecole Normale Supérieure de l’Université de Koudougou (ENS/UK) actuelle Université Norbert ZONGO (ENS/UZ). C’était à l’occasion de la soutenance de fin de formation du camarade Antoine NIAMBA, aujourd’hui Directeur Provincial de l’Education Préscolaire Primaire et Non formelle(DPEPPNF) du Nayala.
« Je vous félicite »
Avant tout propos, je vous félicite pour votre nomination comme Secrétaire Général du Ministère de L’Education National(MENA) au dernier conseil des ministres.
Je vous souhaite plein succès de la nouvelle responsabilité à vous confiée. A cet effet, que Dieu vous guide et vous protège…Amina ! Je profite remercier Monsieur le Ministre Stanislas OUARO pour la confiance qu’il a portée en votre personne.
Venons-en à l’objet de ma lettre. Je vous rappelais un peu plus haut, le cadre de notre rencontre. En effet, ce jour-là, vous aviez laissé une trace indélébile dans mon esprit. Vous m’aviez incité à continuer à me battre et à espérer. Aujourd’hui, vous voir à ce niveau de responsabilité ne m’étonne guère et je suis sûr et certain que le meilleur reste à venir.
Rappel
En rappel le thème de mémoire de notre camarade était : « Inscription des enseignants du primaire à l’université et conséquences sur les résultats scolaires des élèves : cas de la province du Boulkiendé». Je ne vais pas refaire le brillant exposé de l’impétrant qui lui a valu la note de 16/20 mais juste revenir sur la partie de votre intervention qui a retenu mon attention.
Dans la phase critique, en votre qualité de Président du jury, vous proposiez ceci en lieu et place de l’interdiction d’inscription des enseignants dans les universités : «Pour éviter non seulement les pertes en volumes horaires occasionnées par les absences des enseignants étudiants mais aussi la fuite des cerveaux du MENA, il faut faire revenir les Groupes d’Animation Pédagogique(GAP) sous une autre forme ».
Selon vous, on pourrait transformer les GAP en des unités de formation universitaire assorties de diplômes reconnues. Comme exemple vous preniez le cas de l’unité des sciences de l’Education. Pour ce faire, vous proposiez qu’à chaque GAP un module soit développé et évalué. Au bout de quelques GAP, les enseignants qui valideront les modules étudiés obtiennent leurs licences dans une filière des sciences de l’Education. Ainsi, les persévérants peuvent continuer jusqu’au Doctorat en restant dans leur domaine.
Cette vision a le mérite d’être plus holistique car prenant en compte les intérêts de tous les acteurs : élèves, enseignants et patronat. Ainsi, les enseignants évolueront tout en restant dans le système et les élèves bénéficieront de l’encadrement des enseignants qualifiés. Somme toute, c’est le niveau de l’éducation qui se verra relevé au grand bonheur du Burkina Faso.
Reconnaissance
Dans la même veine, vous souhaitiez la reconnaissance des diplômes professionnels des agents du MENA par le Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur(CAMES). Pour soutenir cette idée, vous aviez cité l’exemple d’un de vos camarades et amis étudiants. En effet, ce dernier était un Instituteur Principal, titulaire de Certificat Supérieur d’Aptitudes Pédagogiques(CSAP) et fut refusé à l’inscription en première année à l’Université de Ouagadougou et a été de façon surprenante, accepté directement en année de licence dans une université du CANADA où il obtiendra brillamment son doctorat plus tard. Selon vous, vous aviez tenté de le convaincre de revenir mettre ses compétences au bénéfice de sa patrie et il a refusé en martelant que notre pays étouffe les talents. »
Espérance
Aujourd’hui vous voilà parmi les sommités du Mena et je vous rappelle cela en nourrissant un espoir et un souhait. J’ose espérer que vous mettrez en application ou de moins vous œuvriez à la prise en compte de votre vision de la réforme de notre système éducatif.
Les GAP sont annoncés et cela tombe bien avec votre arrivée. J’ose espérer que vous allez œuvrer pour l’éclosion des talents cachés au MENA car il y a en des milliers. J’ose espérer le retour des GAP sous la forme que vous aviez souhaitée car nous sommes des milliers à parcourir des milliers de kilomètres chaque jour pour rejoindre les Universités à la recherche des diplômes académiques. Cela avec des conséquences multidimensionnelles. En effet, ils sont nombreux ces jeunes enseignants qui ont abandonné tôt les études pour embrasser le métier d’Instituteur et cela pour diverses raisons.
Pour mon cas personnel, j’ai quitté les bancs à 18 ans en classe de seconde «AC » pour rejoindre l’école de formation des Instituteurs adjoints certifiés de Bobo-Dioulasso en décembre 2004. J’ai dû faire ce choix pour permettre à mes jeunes frères qui sont avec moi aujourd’hui d’aller aussi à l’école car les moyens de ma famille ne permettaient point de prendre en charge plusieurs scolarités.
« Mon professeur… »
Quand je quittais, j’étais classé 2e de ma classe sur 113 élèves. Aujourd’hui, en plus d’être Instituteur Principal, je suis titulaire du baccalauréat série A4 et étudiants en 2e année Lettres Modernes à L’Université Catholique de l’Afrique de L’Ouest (UCAO). Je paie 400000F/an comme frais de scolarité sans oublier les frais pour la documentation et les multiples voyages pour prendre part aux évaluations.
Ce que j’acquiers comme connaissances est réinvesti dans mon domaine au bénéfice de mon pays. Alors, je ne voudrais point voir mes petits frères saigner ainsi parce qu’ils rêvent de poursuivre leurs études. Votre nomination sonne comme un espoir pour ces milliers de jeunes enseignants qui souhaitent poursuivre leurs études.
Mon Professeur, je sais que vous comprendrez la longueur de ma missive et que vous sacrifierez un peu temps pour la lire et au besoin me répondre. Toutefois, je tiens à m’excuser d’ors et déjà si j’ai déformé votre idée à travers une analyse étriquée.
Veuillez recevoir monsieur le Secrétaire Général, l’expression de ma plus grande admiration.
Fait à Bondigui le 01 avril 2018
Oumane BAMOGO, Instituteur Principal
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