Pérégrinations de Bélélé | Journalisme connivent : Le péché mortel des médias ?
« Moi, je baise avec le pouvoir », disait de manière figurée l’éditorialiste, Franz-Olivier Gisbert. Nous avons ici l’exemple d’un journaliste qui, bien que n’étant pas marié avec un politique, ne cache pas ses liens très proches avec le pouvoir pour parvenir à ses fins journalistiques. Cependant que devrait être la distance entre le journaliste et les acteurs de son domaine d’activité ?
Nul doute qu’il y ait un lien entre la crise que connaissent les médias, notamment la presse écrite, confrontée à une baisse continue des ventes, et la perte de confiance du public. En effet, il y a une attache entre la défiance qui affecte les médias et le sentiment qu’ils sont devenus dépendants des pouvoirs (économique, politique, culturels, etc.), explique Philippe Merlant, journaliste, coordinateur de « Reporter citoyen ».
Cette appréciation de la dépendance des journalistes aux « affaires » des milieux qu’ils fréquentent pour leurs activités se situe à un tel niveau de nos jours, qu’elle contient certainement une part de véracité. Les raisons doivent donc en être recherchées dans les mécanismes internes aux médias, qui ne sont pas forcément perceptibles par le public. Le premier point qu’il est important de noter est que la couverture d’un domaine d’activité implique la fréquentation assidue des acteurs. Dès lors s’installe facilement « une certaine myopie » du journaliste vis-à-vis des informations transmises par les acteurs, voire une connivence. Il est donc pertinent d’interroger les interactions de ces spécialistes dont les pratiques seraient « déviantes » du fait des relations d’interdépendances qui les lient à leur environnement le plus proche.
Journaliste et politique : le couple polémique
Le journaliste Albert du Roy souligne le fait que les journalistes et les politiques (…) sont majoritairement issus des mêmes milieux, des mêmes écoles, partagent la même culture et fréquentent les mêmes endroits. Certains hommes de médias même deviennent politiques à la suite de leur carrière journalistique. Les exemples sont légion au Burkina. L’attrait de certains journalistes pour la classe politique est donc important et ils sont très sensibles à une certaine influence qui pourrait s’exercer sur eux.
« Pour empêcher la porosité des deux mondes, il faudrait que les journalistes politiques acceptent de ne plus côtoyer d’aussi près les dirigeants politiques. Ils resteraient ainsi à distance des liens de connivence et des engagements interpersonnels, mais au risque de se priver d’information de première main. » préconise, Alexis Lévrier, spécialiste de l’histoire du journalisme et des médias, auteur de : Le contact et la distance : le journalisme politique au risque de la connivence.
Des relations « impures » ?
Dans le cas particulier des arts, de la culture ou du show-biz, le processus de professionnalisation du journaliste passe par la reconnaissance progressive des acteurs spécialisés du domaine et/ou dans la perception de sa couverture médiatique des évènements. Cependant, devenue sphère de vedettisation, le milieu culturel sert désormais à des acteurs de différents domaines (politique, économique, sportif, etc.). Et le journalisme culturel, objet souvent délaissé, représente ainsi une clé d’entrée pertinente dans ces autres domaines, tant celui-ci est assigné péjorativement à un « journalisme de communication ».
En effet, cette spécialité est jugée trop « connivente » du fait des relations économiques (peopolisation), historiquement construites, entre culture et médias. Ainsi, les relations entre acteurs des deux espaces sociaux sont rapidement considérées comme étant « souillées ».
Et le « mediabashing » continue
Les médias sont responsables d’à peu près toutes les plaies du monde. Les journalistes sont corrompus, paresseux, à la botte des pouvoirs, menteurs, etc. telles sont les expressions servies de plus en plus. Le « mediabashing » existe depuis l’apparition de la presse, car les journalistes ont toujours été attaqués, mais il n’a jamais été aussi sévère que ces vingt dernières années.
Et il faut noter que la connivence n’est pas toujours celle des journalistes avec les pouvoirs. Il arrive aussi qu’elle soit celle des propriétaires de médias avec ces arcanes et autres milieux affairistes. Et le constat est là. D’un vent contraire ou d’un régime politique à l’autre, certains organes de presse sont donc obligés de mettre la clé sous le paillasson. D’où la nécessité de revenir aux fondements de la presse, informer. Car il n’y a pas plus grande récompense pour un journaliste qu’un retour positif des lecteurs, des auditeurs ou des téléspectateurs. Et on peut juste retenir que les médias sont avant tout à la botte de ces derniers car ce sont eux qui les nourrissent vraiment…
Jérôme William Bationo
Chroniqueur pour Burkina24
Les Pérégrinations de Belélé est une chronique hebdomadaire, éponyme de son auteur, Belélé Jérôme William Bationo. A travers cette rubrique qui se veut un voyage autour de plusieurs thèmes (société, développement, politique, culture, environnement, etc.), il veut à travers plusieurs billets de partager avec les lecteurs de Burkina24 son expérience issue de ses formations académiques et continues, de ses lectures et de son parcours de journaliste, consultant média. Les Pérégrinations de Belélé se veulent donc éclectiques et ouvertes au débat contradictoire pour un réel partage d’idées.
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