Dossier Sankara : « Il y a de quoi se féliciter » de son évolution
15 octobre 1987 – 15 octobre 2018. 31 ans déjà que le capitaine Thomas Sankara, alors président du Faso sous le Conseil national de révolution (CNR), est assassiné en compagnie de 12 de ses camarades à Ouagadougou. Depuis une vingtaine d’années, les familles ont engagé une procédure judiciaire et attendent justice. 31 ans après ces assassinats, quel point fait-on du dossier ? Burkina 24 a posé la question à Me Bénéwendé Sankara, un des avocats de la famille Thomas Sankara, le vendredi 12 octobre 2018. Pour l’heure, « le dossier est toujours pendant devant le juge d’instruction au Tribunal militaire de Ouagadougou », a-t-il indiqué.
Burkina 24 (B24) : La question que beaucoup de Burkinabè se posent actuellement est : Où est la dépouille du Président Thomas Sankara ?
Me Bénéwendé Sankara (Me Sankara) : Entre les mains de la justice. Les dépouilles des 13 personnalités qui ont été assassinées le 15 octobre 1987, après les exhumations et les différentes expertises notamment l’autopsie, l’enquête balistique, la recherche d’ADN à la demande des différentes familles, sont sous scellées et entre les mains de la justice en attendant la poursuite de la procédure.
B24 : Sous scellées au Burkina Faso ?
Me Sankara : Tout à fait !
B24 : Dans ce dossier, il est question d’un mandat d’arrêt contre Blaise Compaoré. Où en est-on ?
Me Sankara : Le mandat d’arrêt a été, me semble-t-il, transmis aux autorités ivoiriennes. Mais, il n’a pas encore été exécuté.
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B24 : Et qu’est ce qui bloque son exécution ?
Me Sankara : Je ne sais pas. Nous attendons à ce que ce mandat d’arrêt soit exécuté comme cela se doit. Je ne sais pas si le mandat est parvenu à Monsieur Blaise Compaoré. Mais tout le monde sait qu’il est en Côte d’ivoire puisqu’il reçoit même des personnalités burkinabè. Ces derniers temps, on dit qu’il se déplacerait au Sénégal, au Maroc. Moi aussi je me pose la question comme vous, pourquoi le mandat n’est pas encore exécuté ?
Mais je crois que ce mandat doit être exécuté. C’est mon souhait le plus intime puisqu’il a été cité dans le dossier, donc c’est tout à fait normal qu’il soit entendu par le juge de son pays. Et c’est en son honneur d’ailleurs en tant qu’ancien chef d’Etat.
B24 : Avec la visite d’Emmanuel Macron, il a été question de la déclassification en France d’une partie du dossier Sankara. Quel point faites-vous de cette promesse ?
Me Sankara : J’ai appris par voie de presse que cette volonté politique du Président Emmanuel Macron s’est traduite pour permettre, dans le cadre de la coopération judiciaire entre les deux pays, à la justice burkinabè de pouvoir interroger un certain nombre de personnalités dont les noms ont été cités et qui sont en France.
Pour nous, c’est également la preuve d’une très bonne coopération judiciaire entre les deux pays puisque la position d’Emmanuel Macron c’est de dire que l’exécutif français, la politique française ne mettra pas de verrous, d’obstacles à ce que la justice burkinabè tout comme la justice française puissent travailler pour la manifestation de la vérité.
Pour lever l’équivoque, quand on dit une partie des archives, il s’agit d’une période qui intéresse le dossier. De ce point de vue, nous attendons de voir, officiellement, quand est-ce que ces archives seront mises à la disposition du juge. Et comme nous sommes des avocats constitués, peut-être qu’on aura la possibilité d’accéder aux pièces.
B24 : Si ces archives sont reversées, avez-vous foi qu’on puisse atteindre la vérité dans ce dossier ?
Me Sankara : (Rires) Socrate cherchait la vérité avec une lampe en plein midi. Vous savez, ce qui fait la justice, c’est la manifestation de la vérité quand le droit est dit. Mais ce qui entoure le procès pénal, comme son nom l’indique, c’est le long cheminement qui tend vers l’idéal de vérité. Lire la suite de la réponse dans la vidéo :
Vidéo – Dossier Sankara : « Aussi longue est la nuit, le jour viendra »
https://youtu.be/YweB-dWAYog
Burkina 24
B24 : En tant qu’avocat de la famille Sankara, par rapport à ce dossier, quelles sont vos craintes ?
Me Sankara : D’abord, le temps. Le premier facteur, c’est le temps. Les faits ont eu lieu il y a 31 ans. Ceux qui étaient là à l’époque, aujourd’hui, quand vous les voyez, ils ont pris de l’âge. Aussi, il y en a qui ne sont plus de ce monde. Cela joue aussi sur le dossier. Ensuite, les éléments d’extranéité compliquent généralement les procédures. C’est-à-dire quand il y a d’autres pays qui doivent intervenir, ça bloque la procédure. Tout à l’heure, on parlait de la commission rogatoire avec la France.
Il est revenu aussi que le juge est allé au Ghana pour auditionner d’autres personnes. Tout cela entraîne aussi des coûts. Même les exhumations et les expertises qu’on a eu à faire sur les restes, tout cela a joué sur la durée de la procédure. Mais aujourd’hui, on a un contexte politique favorable où les magistrats ont leur liberté, leur indépendance. Ils doivent travailler sans état d’âme à la manifestation de la vérité.
Vidéo – Me Sankara invite la famille de Thomas Sankara à rentrer au pays
Burkina 24
Propos recueillis par Ignace Ismaël NABOLE
Burkina 24
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