Enseignants molestés à Bobo-Dioulasso : « Ils étaient venus pour me tuer »
A la date du mardi 22 janvier 2019, deux enseignants exerçant à l’école primaire publique de « Farakan A », sise au secteur numéro 1 de la ville de Bobo-Dioulasso, ont subi une agression dans leur lieu de travail de la part d’un parent d’élève. Ce dernier, accompagné d’un ami, reprochait à l’enseignant de n’avoir pas pris soin de son enfant blessé en classe. Dans cette interview, l’enseignant Norbert Bouda revient sur les faits.
Burkina24 (B24) : Pouvez-vous nous raconter votre mésaventure de la semaine passée ?
Norbert Bouda (N.B) : L’école de Farakan n’a pas de cloche. Comme d’habitude, je consultais ma montre lorsqu’il était 12h. J’ai alors dit aux enfants de sortir. L’un de mes élèves est monté sur la table qui s’est divisée en deux. Son genou a heurté le sol, provocant une déchirure.
J’ai demandé à Gaoussou, un de mes stagiaires, de bander la plaie avec le deuxième vêtement que l’enfant portait. Pendant ce temps, j’ai moi-même informé (via mon téléphone personnel) le papa de l’élève en question qui m’a dit être à Bobo 2010. Comme il m’a fait savoir qu’il ne peut pas venir immédiatement, j’ai fait accompagner l’enfant par ses camarades.
B24 : Que s’est-il passé ensuite ?
N.B : A 12h30, le papa de l’élève blessé est venu, accompagné d’un de ses amis. Une fois arrivé, il m’a d’abord salué avant de se plaindre du fait que son enfant soit transporté par ses camarades. Je l’ai rassuré que nous avions d’abord pris le soin de bander la plaie de l’enfant. Chose qu’une personne dépourvue du sens de la responsabilité n’aurait pas fait.
B24 : Comment en êtes-vous arrivé là ?
N.B : Malgré mes explications, il s’est saisi du morceau de la table brisée en menaçant de me tuer tout de suite si je ne la ferme pas. Eh oui ! Il a insisté en disant qu’il allait me tuer tout de suite et puis il n’y aura rien. Mes collègues étaient déjà partis.
B24 : Comment avez-vous réagi ?
N.B : Je suis resté là, je tremblais… Mais je ne disais rien. J’ai pris mon sang-froid pour qu’il n’y ait pas de scandale. Il a demandé à son ami de filmer la table brisée. Ensuite, il m’a serré les cols (de ma chemise) et me projeter dehors, me vautrer à terre comme un objet.
Non satisfait de toutes ces violences qu’il m’a infligées publiquement, il voulait maintenant que je m’arrête à côté de la table cassée pour qu’on me filme. Voyez-vous ? Il venait pour me tuer sérieusement.
B24 : Vous –connaissez-vous auparavant ?
N.B : Oui ! Le parent d’élève et moi, on se connaissait. Mais il n’est pas un membre du bureau sortant de l’APE comme le prétendent certains. Il est plutôt un prestataire. C’est lui qui répare les meubles de l’école.
B24 : Comment votre collègue s’est-il retrouvé dans le coup ?
N.B : Quand il m’a jeté dehors, il y a Sia Bruno, mon collègue enseignant qui est venu à mon secours. Il a voulu savoir ce qui se passe. Le parent d’élève a demandé pour qui Sia se prend pour poser cette question. Il s’est une fois de plus saisi du morceau de planche en menaçant de le tuer lui aussi. Sia a résisté. Moi j’étais toujours sous le choc. Quand je me suis échappé de ses griffes, il s’est rué sur Sia. Il lui a infligé des coups jusqu’à ce qu’il s’écroule par terre. J’ai alors conseillé à Sia de se sauver. Pour ne pas que ces hommes forts le tuent pour ensuite manger paisiblement leur riz-gras. Contrairement à moi, Sia s’en est tiré avec beaucoup de séquelles. Son œil est atteint, son cou aussi. Rien que ce lundi 28 janvier 2019, il a dû repartir en soin.
B24 : Qu’avez-vous ressenti après ce choc ?
N.B : Je me suis senti faible, je me suis senti humilié.
B24 : Que recherchez-vous en ce moment ?
N.B : Je veux que la loi soit dite dans toute sa rigueur. J’invite la presse à sensibiliser la population pour booter l’incivisme hors de notre pays. C’est aussi l’occasion pour moi de remercier tous les acteurs qui nous ont apporté leur soutien. Je profite surtout de votre micro pour féliciter Sia Bruno. C’est un enseignant dévoué, un enseignant consciencieux, un enseignant qui aime son métier.
Propos retranscrits par Aminata Sanou
Correspondante de Burkina 24 à Bobo-Dioulasso
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