Forêt classée de Kua : 178 Burkinabè écrivent au Président du Faso

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Dans cette lettre ouverte, 178 Burkinabè s’adressent au Président du Faso concernant la forêt classée de Kua.

Excellence Monsieur le Président du Faso,

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Permettez-nous de vous adresser cette lettre ouverte pour faire entendre notre cri de cœur en tant que citoyens Burkinabè soucieux de la sauvegarde des ressources forestières face à une situation où nos voix sont royalement ignorées.

Nous avons pris connaissance par voie de presse que le Conseil municipal de la commune de Bobo-Dioulasso dans sa délibération du 19 avril 2019 a autorisé le déclassement de 160 000 m2 de la forêt classée de Kua à des fins de construction d’un Centre Hospitalier Universitaire (CHU).

Plus récemment, il s’est tenu une séance de travail regroupant SEM le Premier Ministre, les Ministres en charge de l’administration territoriale, des affaires étrangères, de la santé, de la communication, de l’environnement, du ministre délégué au budget et le maire de la commune de Bobo-Dioulasso au sujet de cette question de la forêt de classée de Kua.

Des constats sur le terrain font état de la présence de quatre (04) bornes de délimitation de l’emprise des 16 ha, de fanions et de deux (02) fosses.

Nous sommes heureux de la construction de ce centre hospitalier qui à n’en point douter va contribuer à accroitre l’offre sanitaire au profit de la population et à également améliorer le renforcement de capacités des professionnels de la santé et la formation des étudiants en médecine. C’est vous dire que nous apportons notre soutien dans la réalisation de cette infrastructure fort utile et importante.

Excellence Monsieur le Président du Faso,

Pour mémoire, la forêt de Kua a été classée par arrêté 891/SE du 27 avril 1936 et a une superficie estimée de 350 ha. Les principaux objectifs visés à travers les classements des forêts étaient entre autres :

  • la mise en place de barrières végétales climatiques destinées à atténuer les influences des vents desséchants venant du nord (l’harmattan) ;
  • la protection des principaux cours d’eau ;
  • la production de bois d’œuvre et de bois de service pour les besoins de développement de l’Administration locale…etc.

Les forêts classées de Dindéresso, du Kou, de Kua et de Kuinima, localisées sur le sous-bassin versant du Kou constituent un périmètre de protection des ressources en eau potable de la ville de Bobo-Dioulasso et constituent l’espace géographique qui comprend le réseau hydrographique souterrain associé à la rivière Kou et ses affluents et aux sources de Nasso. La forêt de Kua tout comme les autres forêts classées périurbaines de Bobo-Dioulasso subit ces dernières années de fortes dégradations dues à l’action anthropique. La majorité des cours d’eau de la commune connaissent un ensablement et un assèchement. La forêt classée de Kua a bénéficié d’un appui de la coopération Luxembourgeoise pour son aménagement à travers le projet BKF/012 qui s’est exécuté entre 2008 et 2012. De nos jours, cette forêt constitue une entité qui soulage les besoins socioéconomiques et culturels des usagers que sont les populations riveraines à travers les services écosystémiques qu’elle offre.

Les forêts classées demeurent des sanctuaires de diversité biologique et génétique et sont d’une très grande utilité pour les travaux de recherche notamment sur les espèces locales. C’est dans les forêts classées que les espèces menacées trouvent refuge en témoignent les travaux de recherche sur les géophytes de la forêt classée de Kua, soutenus en Janvier 2019 dans le cadre d’un diplôme de Master de Biodiversité Végétale Tropicale. La forêt classée de Kua a cette particularité d’abriter cinq (05) sources d’eau dont une pérenne qui contribue fortement à la satisfaction des besoins en eau des riverains. Au delà de son rôle de protection du sous-bassin versant du Kou et des ressources en eau souterraine de la localité, cette forêt classée représente un des poumons verts de la commune de Bobo-Dioulasso.

Excellence Monsieur le Président du Faso,

Si la construction d’un Centre Hospitalier Universitaire est salutaire pour les populations de la commune de Bobo-Dioulasso et des régions environnantes, le déclassement d’une partie de la forêt de Kua est aussi dangereux pour ces mêmes populations et l’environnement dans lequel elles vivent. En effet, la construction de ce centre hospitalier sur une partie de la forêt va contribuer à augmenter la pression que subit déjà cette forêt, ce qui aboutira inévitablement à sa totale dégradation. La forêt de Kua, faut-il le rappeler, est située sur le bassin versant du Kou dont elle assure la protection. La dégradation de cette forêt constitue une menace pour la rivière Kou ainsi que sa vallée qui est un périmètre rizicole de grande importance pour le Burkina Faso. La perte de la diversité biologique consécutive à la dégradation de la forêt de Kua, entrainera une fragilisation de l’écosystème environnant, exposant les espèces animales et végétales à des risques de disparition. En rappel, le Burkina Faso a signé et ratifié plusieurs conventions internationales (Convention cadre des nations unies sur les changements climatiques, convention sur la biodiversité, convention sur la désertification, etc.). Des projets et programmes de développement financés par des partenaires étrangers sont présentement en cours pour la conservation et la gestion durable des ressources forestières et l’accroissement des superficies forestières de 14% à 30% du territoire national selon les exigences internationales. Déclasser une partie de la forêt classée de Kua serait en totale contradiction avec la politique du pays qui, avec l’appui de nombreux partenaires bilatéraux et multilatéraux, consent d’énormes efforts pour assurer la gestion durable de nos ressources forestières.

Par ailleurs la commune de Bobo-Dioulasso s’est illustrée négativement à plusieurs reprises par ses actions de destruction de la végétation et de l’environnement sans mesures de compensations conséquentes. Pour s’en convaincre, nous pouvons citer principalement :

  • La destruction d’arbres centenaires constitués principalement de fromagers (Ceiba pentandra) et caïlcédrats (Khaya senegalensis) pour élargir les voies allant de l’aéroport au rond-point de la femme en passant par la place de la Nation. (Avenue de l’indépendance, avenue du Général De Gaulles). De nos jours, il n’y a aucun arbre le long de ces avenues,
  • La destruction de 339 arbres dont plus de 200 caïlcedrats centenaires le long de l’avenue de la Nation (la voie menant de la gare ferroviaire à la place des nations) et de l’avenue de la liberté (voie menant de la gare de train à la place du paysan) et leur remplacement par des espèces exotiques (Flamboyants) dont l’ombrage, la biomasse, la durée de vie et le gabarit sont de loin incomparables au caïlcedrat.

Sur le plan écologique, ces actions constituent une grande perte pour la ville de Bobo-Dioulasso et ses populations.

Excellence Monsieur le Président du Faso,

Nous sommes inquiets et indignés que dans le processus ayant conduit à opter pour le déclassement d’une partie de la forêt classée de Kua, les avis et inquiétudes des techniciens de l’environnement et des eaux et forêts soient balayés du revers de la main au profit des arguments politiques et diplomatiques. Pire, les défenseurs de la forêt classée de Kua sont considérés comme des ennemis du développement de la ville de Bobo-Dioulasso. Déjà, la mairie de Bobo-Dioulasso a entamé un certain nombre de visites auprès de certaines autorités coutumières et religieuses (Chef Suprême de dioulas, Chef Coutumier de Dagasso, la communauté musulmane, Chef de Canton de Bobo-Dioulasso, Chef de la communauté Peuhl) afin de demander leurs bénédictions et accompagnements sur la question de la construction du CHU de Bobo-Dioulasso.

Excellence Monsieur le Président du Faso,

Cette démarche de la mairie de Bobo-Dioulasso est porteuse de germes de divisions et peut être compromettante pour la quiétude des populations. En effet, les avis sont partagés sur le déclassement de la forêt classée de Kua, et en invitant les autorités religieuses et coutumières à prendre partie, il y a un fort risque de déplacement d’un débat technique sur un autre terrain. Les Burkinabè qui s’opposent au déclassement de la forêt sont des fils du Burkina Faso, de Bobo-Dioulasso et d’ailleurs, appartenant à différentes religions et ethnies. Le Centre Hospitalier Universitaire en construction bénéficiera à tous les Burkinabè, quels que soient leur ethnie, leur religion ou leur village d’origine. La cohésion des fils du Burkina Faso a pris un coup depuis les crises de Yirgou et Arbinda et nous vous supplions d’interpeller la mairie de Bobo-Dioulasso afin qu’elle évite de créer des terreaux favorables à la destruction de la cohésion tant chère au Burkinabè.

Excellence Monsieur le Président du Faso,

Nous demeurons convaincus qu’il y a plusieurs possibilités de construire cette infrastructure hospitalière à Bobo-Dioulasso sans procéder à un déclassement partiel de la forêt classée de Kua. Nous invitons le gouvernement à prendre en compte les inquiétudes et préoccupations des techniciens de l’environnement qui ont la juste mesure des risques encourus par le déclassement d’une partie de la forêt classée de Kua, dont les conséquences impacteront négativement et de façon irréversible la vie de la jeune génération.

La construction du Centre Hospitalier Universitaire est un grand projet qui requiert la plus large adhésion et participation des populations. Aussi, eu égard à votre esprit de dialogue, votre sens de l’écoute et à l’impérieuse nécessité de préserver notre environnement et lutter contre les effets néfastes des changements climatiques, nous vous supplions de prêter une oreille attentive à la complainte de ces citoyens inquiets du déclassement partiel de la forêt classée de Kua.

Excellence Monsieur le Président du Faso,

Nous, signataires de la présente lettre ouverte, vous exhortons à prendre les mesures suivantes :

  • Mettre fin à ce projet de déclassement partiel de la forêt classée de Kua ;
  • Initier une concertation avec les différents acteurs afin d’explorer d’autres pistes pour la construction du Centre Hospitalier Universitaire sur un site adéquat et consensuel car cette forêt est aujourd’hui plus qu’un patrimoine culturel et environnemental, c’est également une réserve de diversité biologique et génétique pour les générations présentes et futures.

Fait à Bobo-Dioulasso, le 12 Mai 2019

Un groupe de citoyens éco-responsables

Télécharger :La liste des  signataires


Photo : Faso 24

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Un commentaire

  1. Je suis d’avis avec ceux qui luttent pour la préservation de la nature. Dans ce pays qui n’a plus de mémoire, les gouvernements n’inscrivent plus la protection de l’environnement dans leurs politiques. Souvenez vous quand même du succès des politiques environnementales de la période révolutionnaire au Burkina Faso. Prenez en compte les conséquences du changement climatique actuellement. De grâce, pensez au développement durable, vous les gouvernants locaux ou centraux.

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