Journée de protestation à Ouagadougou : Récit d’une marche dispersée au lacrymogène
L’Unité d’action populaire a sonné la mobilisation ce lundi 16 septembre 2019 à Ouagadougou. Elle a tenu son meeting à la Bourse du travail. La marche que le mouvement avait annoncée a, quant à elle, été écourtée par les forces de sécurité. En effet, des gaz lacrymogènes ont été employés pour disperser les manifestants qui se sont, par la suite, retrouvés à la maison commune, la Bourse du travail… Chronologie d’une manifestation jugée interdite qui aura fait verser sueurs et larmes !
Les évènements se déroulent entre 8h et 11h 30.
La journée nationale de protestation initiée par l’Unité d’action populaire a été marquée ce lundi 16 septembre 2019 par une marche brève et mouvementée et un meeting.
L’Unité d’action populaire regroupe l’Union d’action syndicale (UAS), des syndicats non-membres de l’UAS et des Organisations de la société civile et de défense des droits humains. Plusieurs centaines de manifestants ont répondu à l’appel de ces « défenseurs des libertés démocratiques ». Pour ceux qui ont connu l’insurrection populaire en 2014 et la résistance au putsch de 2015, l’évolution des choses présageait, en tout cas, un orage… gazeux. In petto, en effet !
8h. La Place de la Nation est occupée par les forces de l’ordre. Toutes les issues sont bloquées. Quelques véhicules y sont parqués, néanmoins. Les consignes sont claires. Personne d’autre n’a accès à la Place dite de la révolution.
« La marche va se faire dans la responsabilité, dans la sérénité »
La veille, dimanche 15 septembre, une note de la Mairie circulait sur les réseaux sociaux. Elle faisait état du caractère irrégulier de la marche-meeting de ce jour. Ceci explique, peut-être, cela.
Direction donc, la Bourse du Travail de Ouagadougou. A quelques mètres de là, les engins parqués annoncent une mobilisation de taille.
L’on ne peut s’empêcher d’entendre des « Camarades »,… « Camarades »,… « Mobilisation et lutte »,… Des musiques de chanteurs engagés tiennent, aussi, en haleine la foule sortie nombreuse. Aux environs de 9h, les choses commencent à se préciser. « Il y aura bel et bien une marche-meeting », apprend-on du comité d’organisation.
VIDEO : La marche du 16 septembre 2019 réprimée
Burkina 24
Faut-il le rappeler, la manifestation coïncide avec la commémoration de l’an 4 de la résistance au putsch perpétré par le Conseil national pour la démocratie (CND). « La marche va se faire dans la responsabilité, dans la sérénité, dans l’engagement, dans la détermination ».
Un Commissaire de police aperçu parmi les manifestants
Bassolma Bazié, secrétaire général de la CGT-B, plante ainsi le décor. Il invite ses camarades à relever le front. Les manifestants s’organisent au niveau du carrefour faisant face à la Bourse du travail. Les consignes données sont : « Ne pas provoquer, marcher silencieusement pour ensuite revenir à la Bourse du Travail » !
10h. La marche débute, sous la direction des responsables de l’Unité d’action populaire. Le « général Bassolma » à la tête de la nef. Soudain, dans la foule, un homme de tenue, visiblement un Commissaire de police, se faufile parmi les manifestants. Il est accompagné d’un agent de sécurité.
« Je veux voir les responsables », lâche-t-il, l’air irrité. N’ayant obtenu gain de cause, il rebrousse chemin. Il tente de joindre un correspondant au téléphone. Quelques instants après, il revient en trombe. Il s’approche du secrétaire général de la CGT-B, échange quelques mots avec ce dernier et repart en un éclair. Malgré l’insistance, le chef policier n’a daigné répondre à aucune question des Hommes de médias.
« Si vous venez, on va vous gazer »
10h 28. Les manifestants sont déjà à la Place des cinéastes. Ils continuent d’avancer. Au niveau de la Place du Grand-Lyon, vers le siège de la nationale de l’électricité (SONABEL), des forces de sécurité débarquent. C’est le trac. Ça sent la matraque. « Je sens que ça va chauffer », murmure une dame, le visage déjà apeuré.
Des éléments de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS) forment un dispositif sécuritaire en face de l’Etat-major général des armées. Quelques secondes après, le premier coup de gaz lacrymogène est parti. Bassolma Bazié prend son courage à deux mains et décide de prendre ses responsabilités.
Il demande, alors, aux autres manifestants de s’immobiliser au niveau de la Place du Grand-Lyon. Lui et une poignée de personnes se mettent à avancer vers les flics en position de tir. Ils ont, tous, les mains en l’air. « Si vous venez, on va vous gazer, si vous venez, on ne va pas vous laisser. Repartez », hurle l’un des chefs policiers. Les détonations s’enchaînent. C’est le coup de semonce. La fumée colonise l’air.
Désordre. Bassolma Bazié esquive de justesse une bombe lacrymogène. Un motocycliste l’extirpe du chaos gazeux. Le « général » disparaît loin dans la fumée. Il rejoint, cahin-caha, la Bourse du Travail. Les autres manifestants sont également chargés au lacrymogène. C’est la débandade et le sauve-qui-peut. Sandales, sacs, chapeaux, chemises et autres biens errent désormais sur le goudron. La scène rappelle l’insurrection populaire de 2014 et la résistance au putsch de 2015.
« Est-ce que le général Bassolma va bien ? »
11h. Les forces de sécurité repoussent les manifestants jusqu’à la Bourse du travail. Elles occupent les alentours de la maison commune. Les protestataires les contournent comme ils peuvent et se retrouvent pour le meeting et le mot de fin. « Djiiiibo, Djiiiibo, Djiiiibo,… », scandent-ils. C’est le secrétaire général adjoint de la CGT-B, Robert Wangré, qui livre le message de l’Unité d’action populaire.
VIDEO – Marche réprimée du 16 septembre 2019 : « Roch Kaboré doit tirer leçon », a déclaré ce manifestant très remonté
Burkina 24
De commun accord, la coalition réclame entre autres la vérité et la justice sur « tous les crimes de sang impunis » dont « les tueries de Yirgou, Kain », les « assassinats des responsables de l’ODJ au Yagha », le départ des forces militaires étrangères notamment françaises hors du Burkina, le respect des engagements pris avec les syndicats, l’atténuation de la souffrance des personnes déplacées internes, etc. Elle dénonce également la répression de la marche.
11h 20. « Est-ce que le général Bassolma va bien ? », crie un jeune, dans la foulée. Comme par pure coïncidence, dans les instants qui suivent, le Président du mois des centrales syndicales refait surface, sous des ovations nourries.
« Ce qui s’est passé à Ouagadougou, ce matin, nous l’avions déjà dit dans les messages. C’est qu’il n’y a pas de différence entre ceux que nous avons chassés et ceux qui sont là. Nous allons vous revenir, dans les jours très prochains, pour vous dire la conduite à tenir », annonce Bassolma Bazié, d’un ton ferme.
11h 30. La Bourse du travail commence à se vider de ses occupants. Au grand dehors, les keufs sont toujours postés. Ils suivent le mouvement de la masse et s’apprêtent, également, à lever le camp. Ils ont, certainement, d’autres chats à fouetter…
Journée de protestation à Ouaga : Le film de la marche dispersée au lacrymogène
Noufou KINDO
Burkina 24
Photothèque
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J’ai raté un film. Bassolma n’a qu’à venir, on va reprendre le scénario.
Apparemment, ça chauffer ce jour hein !
J’aime ce genre d’article. C’est vivant et intéressant à lire.
Excellent comme reportage. On vit la scène. Bravo !
On dirait 24h chrono. Je n’aimerais pas être parmi les manifestants.