Tribune – Congrès CDP: Chronique d’un hold-up raté
Le congrès extraordinaire du CDP , du 7 décembre 2019 , a été l’occasion pour Eddie Komboïgo de montrer une fois de plus qu’il manque de sens politique et de discernement tout court.
Parce que ce congrès lui a été imposé par Blaise Compaoré, le seul leader dans lequel se reconnaissent les militants du CDP , avec le but unique de rapporter des sanctions incongrues, le Président du CDP s’est employé vainement à essayer de l’empêcher, puis à dénaturer sa portée .
D’abord il a prétendu que les sanctions qu’il avait cru pouvoir infliger impunément à des militants respectés du parti ne pouvaient être levées que par un congrès . C’est juste dans l’absolu, puisqu’elles ont été prononcées par un congrès. Mais il aurait pu procéder par un cheminement plus souple et moins coûteux :
-Montrer lui-même la voie du rassemblement en nouant un dialogue direct et simple avec les personnes sanctionnées.
⁃ Inviter le Bureau politique à prononcer symboliquement la levée des sanctions en signe de respect pour le Président d’honneur, en attendant que cette mesure soit entérinée par un prochain congrès .
⁃ Offrir ainsi la possibilité aux sanctionnés de participer à la vie du parti, au retour de la cohésion, en évitant une rhétorique bagarreuse.
Au lieu de cela, il a préféré s’arquebouter dans une attitude butée et hostile, en usant de tous les moyens pour saboter les instructions du Fondateur :
⁃ Ses partisans sont allés jusqu’à publier un pamphlet injurieux contre Blaise Compaoré, en essayant de faire croire que ce texte émanait de 300 militants , au rang desquels figureraient 40 secrétaires généraux des sections provinciales du CDP. Mal leur en prit, car les secrétaires généraux ont aussitôt dénoncé cette supercherie par une déclaration unanime que Eddie Komboïgo a cherché à étouffer, sans succès. Allant même jusqu’à modifier le courrier des secrétaires généraux pour en faire un acte d’allégeance à sa propre personne, lorsque ce qui était en cause c’était leur loyauté à l’égard de Blaise Compaoré.
⁃ Ensuite il est allé voir le Président d’honneur pour lui expliquer qu’il entendait soumettre la levée des sanctions à certains préalables, du type : repentir des sanctionnés , promesse de soumission à son autorité, etc. Refus tout net du Fondateur : les sanctions doivent être rapportées , un point, un trait.
⁃ Après il a prétendu que le parti ne disposait pas de ressources pour financer l’organisation d’un congrès. Étonnant de la part de quelqu’un qui a bâti sa réputation sur l’idée qu’il est capable de financer l’activité du parti tout seul, en ne recourant à l’aide du Fondateur que de façon marginale . Ce qui s’est vite révélé faux . Toutes les activités majeures du parti ont été financées sur des fonds mobilisés par le Fondateur. Qu’à cela ne tienne : le Président d’honneur a consenti à financer le congrès pour en terminer avec cette affaire .
⁃ Moyennant quoi Eddie Komboïgo, par dépit, a présenté un devis exorbitant et fantaisiste, comme pour se venger du désaveu qui lui était infligé. Le Président d’honneur, qui n’est pas né de la dernière pluie, a arbitré cette requête pour envoyer à Eddie Komboïgo le montant qu’il a jugé raisonnable pour cette opération. En plus de ce montan , le Député Rasmané Daniel Sawadogo, l’un des sanctionnés, a versé une contribution volontaire de 2.000.000 F CFA au parti pour l’organisation du congrès , en signe de bonne volonté , suivant en cela la recommandation d’une éminente personnalité du CDP. Sa contribution a bel et bien été encaissée . Mais apparemment ce geste de solidarité ne lui ouvrait pas le droit d’être traité avec courtoisie par l’équipe dirigeante du CDP , qui n’a pas jugé bon de l’inviter au congrès.
⁃ Usant d’un procédé insolite, Eddie Komboïgo a adressé un courrier à « Monsieur » Léonce Koné , en qualité de « représentant » des sanctionnés, à l’avant-veille du congrès , pour lancer une invitation globale à ces derniers . Il y est stipulé qu’ils sont invités à venir assister à la clôture du congrès. Mais avant cela , ils devront se tenir dans une pièce attenante, pour attendre d’être appelés à se présenter dans la salle du congrès .
⁃ Dès lors que le parti a usé d’un grand formalisme pour notifier les sanctions , recourant même aux services d’un huissier qui a signifié sa condamnation à chaque personne sanctionnée , d’où vient que cette foi- ci on se contente d’une invitation collective, faite à la cantonnade ? Pourquoi pas un communiqué radiodiffusé pendant qu’on y est , comme au bon vieux temps . En quoi Leonce Koné est-il le « représentant » des sanctionnés ? Est-ce parce que le Président Compaoré, pour des raisons d’ordre pratique , a écrit récemment aux sanctionnés par son intermédiaire ? Eddie Komboïgo qui réside au Burkina , comme tous les sanctionnés , ne peut-il pas entrer en contact avec eux par des moyens plus directs ? Tout cela est inconvenant et puéril. Ce qui explique pourquoi les sanctionnés ont préféré ignorer cette invitation condescendante et déplacée. Quand on veut convier des camarades à des retrouvailles sincères, dans le respect mutuel, on ne procède pas ainsi.
⁃ Enfin le congrès s’est ouvert comme prévu le 7 décembre . Dans le cours des débats , Eddie Komboïgo a tenté de limiter la levée des sanctions à un groupe restreint parmi les sanctionnés , prétextant que l’autre n’avait pas apporté la preuve que les actions en justice qui émanaient de ses membres étaient annulées . Là aussi il commet une lourde erreur dans son approche de ce dossier. Le Président d’honneur a invité tous les protagonistes à annuler leurs actions en justice . C’est donc à lui – et à lui seul – que les uns et les autres ont rendu compte des démarches qu’ils avaient accomplies dans ce sens . En revanche jusqu’à présent personne n’a vu trace du retrait des plaintes déposées par la direction du parti contre certains militants . Fort heureusement cette tentative de diversion a été empêchée par les congressistes qui ont décidé de s’en tenir à la directive du Président d’honneur , conseillés en cela par des personnes sages : toutes les sanctions doivent être levées , sans chercher des échappatoires.
⁃ Autre désaveu . Alors que le point unique de l’ordre du jour portait sur la levée des sanctions, Eddie Komboïgo essaie de prendre les gens par surprise en cherchant à faire adopter une directive de son cru sur la désignation du candidat du parti à l’élection présidentielle : refus du congrès . Sur ce point Eddie Komboïgo choisit une fois de plus de s’écarter des orientations du président d’honneur qui a prévu d’engager des consultations pour la désignation du candidat du CDP, ainsi que les textes du parti lui en donnent là prérogative. Sans attendre cette intervention du President Compaoré, Eddie Komboïgo a décidé de prendre les devants en fixant le délai de fin janvier 2020 pour faire aboutir sa propre procédure de désignation, sans avoir le moindre scrupule à être juge et partie dans ce processus. Évidemment cette nouvelle liberté avec les directives du Président d’honneur sera combattue avec vigueur .
Alors que faut-il conclure de tout cela ?
⁃ Eddie Komboïgo va-t-il s’obstiner longtemps à penser que dans ce Burkina au bord du chaos, c’est de (…) lui que le pays a besoin ? Ou bien va-t-il revenir à la raison en réalisant que ce pays est prêt pour une nouvelle alternance plus credible ? Aura-t-il l’humilité, la sagesse et le réalisme de se rendre compte qu’il n’incarne pas cette promesse ? Rien n’est moins sûr. Tout porte à croire qu’il préfère assumer le rôle de fossoyeur des espoirs du pays, plutôt que celui d’artisan lucide d’un changement collectif conduit par une personnalité que la grande majorité des militants et sympathisants de son parti s’accorde à considérer comme plus crédible ?
⁃ Est-il envisageable que les cadres du CDP s’asseyent ensemble , comme des gens responsables , pour discuter de cette question afin de chercher un compromis raisonnable, porteur d’avenir ?
Dernière note tragi-comique : Eddie Komboïgo vient d’être décoré par le pouvoir, en même temps que les trois autres dirigeants des partis d’opposition représentés au Parlement. Il est le seul de ces quatre leaders de l’opposition à avoir accueilli cette distinction politique avec une jubilation démonstrative, remerciant le ciel et la terre , comme le ferait un lauréat dont les mérites personnels viennent d’être reconnus par une instance adéquate.
Il feint d’ignorer que dans cette affaire, il s’est agi pour le pouvoir de donner un signe de sa volonté d’œuvrer en faveur de la cohésion et de l’apaisement des mœurs politiques , après des années de vives tensions. Il fait mine de ne pas comprendre que cette distinction qu’ils ont pris le risque d’accepter, de la part d’un régime honni par les Burkinabè, impose aux dirigeants de l’opposition parlementaire un surcroît de rigueur et de combativité dans la lutte politique, s’ils ne veulent pas être accusés d’avoir été endormis par de menus privilèges.
Le comble de l’indécence est atteint lorsque le Président du CDP se glorifie de la médaille qui lui est décernée, en proclamant qu’elle constitue un certificat de son patriotisme, parce qu’elle montre que ni lui , ni
son parti ne sont complices du terrorisme jihadiste. Avait-il besoin d’un label d’innocence délivré par Roch Kaboré , après les accusations répétées qui ont été proférées contre Blaise Compaoré par son régime ?
Quelqu’un dans son entourage ne va-t-il pas demander à Eddie Komboïgo de réfléchir un peu avant de parler ? Ou lui rappeler simplement que dans certaines circonstances la dignité impose le silence , ou des paroles mesurées ?
Il est vraiment temps de sauver le CDP de la dérive qui le conduit à sa perte.
Sanou Kadari
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