Mahamadou Issoufou : « En tant qu’alliés, il est normal que nous puissions nous retrouver pour discuter»
Le chef de l’Etat nigérien, Mahamadou Issoufou, un peu plus d’une semaine après l’attaque contre la garnison d’Inates, à l’Ouest dans la zone frontalière avec le Mali ayant causé la mort de 71 soldats, a accordé une interview à Gaëlle Laleix de RFI et Cyril Payen de France 24. Au centre de ces échanges, la question sécuritaire au Niger et dans les cinq (5) pays du G5 Sahel.
« Je ne pense pas que l’on puisse dire que la situation est hors de contrôle, mais on peut dire que la situation est grave », a nuancé le chef de l’Etat nigérien à la question des journalistes français de savoir si la situation sur place échappait aux gouvernants. Cette perte de soldats nigériens au cours d’une seule attaque est la plus importante depuis le début de la lutte contre le terrorisme dans ce pays en 2015.
« La menace devient de plus en plus intense et elle s’étend dans l’espace. Donc, la situation est vraiment préoccupante, non seulement pour le Niger, mais également pour les autres pays du Sahel et de manière générale pour l’ensemble des pays de la Cédéao, y compris d’ailleurs, les pays du bassin du Lac Tchad. Parce qu’il ne faut pas oublier que, dans le bassin du Lac Tchad, nous faisons face à la menace de Boko Haram », s’est inquiété le Président Mahamadou Issoufou dont le pays a célébré la fête nationale marquant le 61e anniversaire de leur République, ce mercredi 18 décembre 2019.
L’efficacité et la ténacité des terroristes selon le numéro 1 nigérien s’expliquent par le fait que «les terroristes se sont renforcés. Ils ont pu disposer d’équipements plus lourds, plus efficaces. Ils ont dû bénéficier de renfort en encadrement pour la formation. Parce qu’on nous parle de transfert de terroristes de Syrie, d’Irak, via la Libye, où malheureusement, il n’y a pas d’État », a-t-il expliqué tout en déplorant l’immobilisme et le désintéressement de la communauté internationale devant la persistance et métastase du terrorisme sur l’ensemble des pays du G5 Sahel et bien au-delà.
Pour lui, la communauté internationale devrait prendre toute sa place et assumer ses responsabilités dans ce chaos régional. « La population du Sahel ne comprend pas cette absence de solidarité vis-à-vis des peuples du Sahel. Surtout que les peuples du Sahel savent que la communauté internationale a une responsabilité par rapport à la situation actuelle. Parce qu’il ne faut jamais l’oublier, c’est quand même la communauté internationale qui a créé le chaos en Libye », a-t-il martelé.
Barkhane ?
A propos de l’opération Barkhane composée de militaires français, Mahamadou Issoufou a indiqué ce qui suit : « Je ne pense pas que l’on soit arrivé à la limite de Barkhane. Nous avons besoin de plus de Barkhane. Nous avons besoin de plus d’alliés. C’est ma conviction. Parce que, ceux qui critiquent la présence française ou la présence des alliés dans le Sahel oublient que, sans l’intervention Serval, le Mali serait aujourd’hui sous le contrôle des terroristes ! Peut-être que le Niger aussi ! Alors, imaginons que Barkhane s’en aille… Cela va affaiblir notre lutte… Au profit des terroristes ! ». D’où pour lui l’opportunité de démontrer l’importante contribution française dans cette lutte contre les terroristes malgré les vives critiques et les discours antifrançais dans ces pays.
En janvier 2020, le Niger devrait marquer son entrée au Conseil de sécurité des Nations Unies. Mahamadou Issoufou compte saisir cette perche pour interpeller la communauté internationale sur ses responsabilités. « Le Niger sera un avocat pour que la force conjointe, par exemple, comme je l’ai dit tout à l’heure, soit mise sous le chapitre VII. Nous allons faire le plaidoyer également pour que la Minusma ait un mandat plus offensif. Bien sûr, au-delà de la sécurité, nous allons faire un plaidoyer, aussi, pour les questions de développement économique », a-t-il promis.
Alors qu’une certaine opinion dans les pays du G5 Sahel demande le départ des forces étrangères de leurs territoires, les chefs d’Etat de ces pays, eux, tiennent un discours plaidant le contraire, a fait remarquer le journaliste français. Sur cette question, le président du Niger a indiqué que « ce n’est pas la base populaire qui s’exprime sur les réseaux sociaux. Ce n’est pas la base populaire qui s’exprime dans la rue. Ceux qui s’expriment dans la rue sont très, très minoritaires. Je ne vois pas de foule, en tout cas au Niger… Les gens qui contestent la présence des alliés à nos côtés sont minoritaires. On les connaît. On connaît le rapport de force », a-t-il insisté.
Le président Mahamadou Issoufou espère en l’engagement d’autres armées européennes dans une force, comme l’a proposé le président Emmanuel Macron de la France faisant allusion à une opération dite « Tacouba » « qui concernerait aussi des forces spéciales européennes qui viendraient renforcer l’opération Barkhane. Voilà, le sens dans lequel il faut aller. Et je pense que l’immense majorité des populations du Sahel est consciente de la nécessité d’avoir des alliances plus fortes pour faire face à cette menace », a-t-il indiqué sur cette préoccupation.
Le 13 janvier prochain, le président Emmanuel Macron se concertera à Pau avec ses homologues du G5 Sahel en vue de clarifier leur position sur l’engagement de son pays à leurs côtés dans le cadre de cette lutte contre le terrorisme. Pour Mahamadou Issoufou, cette rencontre n’indique aucunement de relations crispées entre ces Etats et la France.
« Ce sont des relations entre alliés et il est normal que les alliés se retrouvent pour discuter de comment harmoniser leur stratégie, comment harmoniser leur position pour être plus efficaces contre l’ennemi. Je pense que c’est cela, le sens de l’invitation du président Macron. On se rendra effectivement à cette invitation, le 13 janvier prochain à Pau, et je pense que tous les chefs d’État sont d’accord là-dessus », a-t-il fait savoir.
Kouamé L.-Ph. Arnaud KOUAKOU
Burkina24
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