« Ne laissez pas la pandémie nous détourner des efforts pour mettre fin aux mutilations génitales féminines »
Les mutilations génitales féminines, ou MGF, sont avant tout une violation des droits humains des femmes et des filles. Forme de violence liée au genre, elle cause des souffrances immédiates et permanentes. Elles sont un fléau qui nuit aux espoirs d’éducation, d’emploi et d’une vie épanouie.
Malgré les progrès réalisés ces dernières décennies dans la lutte pour l’élimination de cette pratique néfaste, il y a un fort risque qu’elle s’aggrave encore. La profonde perturbation de la COVID-19, qui fait des ravages dans les économies et les systèmes de santé du monde entier, pourrait conduire à 2 millions de cas supplémentaires de MGF au cours de la prochaine décennie, selon les dernières estimations de l’UNFPA, l’Agence des Nations Unies sur des questions de santé sexuelle et reproductive.
Ce sont des cas qui auraient pu être évités, mais qui viendront s’ajouter aux 4,1 millions de filles et de femmes qui seraient déjà mutilées, cousues, violées chaque année. Quelques 200 millions de filles et de femmes en vie aujourd’hui ont subi une forme de mutilation génitale.
Nous devons arrêter le mal.
Les MGF sont présents dans toutes les régions du monde, mais elles sont largement plus répandues en Afrique. Et c’est en Afrique que de nombreuses solutions innovantes sont trouvées pour y mettre un terme. Les pays africains ont mené des efforts au niveau mondial pour que le mal cesse, quels que soient les lieux où la raison de la pratique.
Plus récemment, cette année, le groupe des États africains, sous le leadership et la coordination Burkina Faso, a présenté une résolution sur l’élimination des MGF au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Un nombre particulièrement élevé de 100 autres pays a coparrainé la résolution, reflétant la grande préoccupation que suscite cette violence faite aux femmes et aux filles, qui selon une estimation récente, pourrait être pratiquée dans 90 pays du monde. Cette résolution renforce l’engagement mondial en marche pour éradiquer les MGF dans le cadre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, approuvé par tous les États membres des Nations Unies en 2015.
Ce soutien mondial accru est particulièrement en ces temps marqués par la pandémie de la COVID-19. Il nous appelle à ne pas relâcher la pression pour arrêter les MGF et que nous devons la traiter comme une violation des droits de l’homme dont l’élimination doit être une priorité à la fois de développement et de santé. Il importe donc que la pratique des MGF soit non seulement interdite par la loi, mais aussi que leur élimination soit placée au centre des plans, programmes et budgets nationaux.
Le Burkina Faso a montré comment aller de l’avant. L’appel à l’action de Ouagadougou de 2018 sur l’élimination des MGF a conduit l’Union africaine à adopter en 2019 une décision sur l’accélération de l’élimination des MGF accompagnée des plans d’action nationaux soutenus par des ressources suffisantes. Le Burkina Faso est alors devenu l’un des premiers États à traduire cet engagement en action, notamment à travers un nouveau protocole national qui engage les communautés, les services de santé, les forces de l’ordre, avec un soutien psychosocial, en d’autres termes, un protocole qui réunit es éléments essentiels pour prévenir les MGF et répondre à leurs conséquences.
En tant que partisans de longue date de l’élimination des MGF, le Président du Faso et la Première Dame ont défendu l’appel de Ouagadougou, continuent de manifester régulièrement leur engagement politique. En juin 2020, ils ont rencontré des groupes de jeunes de tout le pays pour marquer 30 ans d’actions nationales contre la pratique des MGF. Ce moment symbolique a mise en exergue la détermination et l’engagement d’une nouvelle génération à vivre dans un monde sans pratiques néfastes.
Les pays du monde entier ont beaucoup à faire pour accélérer les actions visant à mettre fin aux MGF. De nouvelles données de l’UNFPA montrent à quel point la violation est plus répandue qu’on ne l’imaginait auparavant ; une lacune expliquée en partie par un manque de collecte de données cohérente. Un pays sur cinq où les MGF sont répandus n’a toujours pas de loi réprimant la pratique. L’adoption d’une loi réprimant les MGF est l’étape la plus significative pour se conformer aux normes internationales des droits humains et un témoignage sans équivoque que les MGF sont inacceptables. Seuls les deux tiers de ces pays ont un plan national sur la question, et un tiers seulement y ont engagé des ressources nationales.
Représentant un pays qui a fait des progrès considérables en matière de lutte contre les MGF et une organisation des Nations Unies ayant un rôle de premier plan pour y mettre fin, nous interpellons tous les pays à faire plus d’efforts.
Il importe absolument que la prévention des MGF soit au cœur des plans de réponse au COVID-19 et que davantage de ressources, provenant des budgets nationaux ainsi que de sources internationales leurs soient consacrées. Toutes les actions doivent être consenties pour protéger les droits de l’homme, autonomiser les femmes et les filles et répondre aux besoins en matière de soins de santé. Comme promis dans les résolutions du Conseil des droits de l’homme, les pays devraient inclure des services liés aux MGF dans leur projet de prise en charge sanitaire. Les institutions nationales des droits de l’homme devraient être pleinement habilitées à enquêter sur les violations persistantes.
Tous les pays sont actuellement confrontés à des décisions difficiles. Mais quelles que soient les contraintes, la décision ne doit pas être d’accepter les MGF. Ensemble, Nous pouvons arriver à zéro MGF. Des progrès ont certes été enregistrés, mais nous ne devons pas nous détourner des objectifs que nous nous sommes fixés.
Dr Natalia Kanem, Directrice exécutive de l’UNFPA
Mme Laurence Ilboudo/Marshal, Ministre de la Femme de la Solidarité Nationale, de la Famille et de l’Action Humanitaire Burkina Faso
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