Abdoul Rahman Zongo : « Le handicap ne peut freiner l’ambition »
Le handicap ne peut être une raison d’arrêter de se battre. En effet, Abdoul Rahman Zongo étudiant en Lettres modernes à l’Université Joseph Ki-Zerbo en fait la preuve. Handicapé visuel, il est en Master 1 de Littérature et Culture Africaine (LCA), parcours Littérature Africaine Ecrite (LAE). Burkina 24 a rencontré ce père de deux enfants à l’université Joseph Ki Zerbo pour des échanges.
Burkina24 (B24) : Comment arrivez-vous à vous familiariser avec votre état ?
Abdoul Rahman Zongo (A.R.Z) : Comme vous venez de le souligner, s’il y a cette question, c’est qu’il y a un problème. Mais par la grâce de Dieu, ce problème de familiarisation ne se pose pas trop parce que je suis entouré de personnes assez responsables.
Je suis intégré dans un groupe où tout le monde comprend ma situation donc si j’ai besoin de quelque chose, il y a quelqu’un qui va venir à mon secours. Par rapport aux cours, lorsqu’on écrit quelque chose au tableau, je demande toujours à le savoir. C’est ainsi que ça se passe.
B24 : Comment se passent vos études ?
A.R.Z : Les études se passent très bien vu que j’arrive à bien progresser. Je continue avec ma promotion depuis la première année. Nous avons commencé en 2014 et j’ai eu ma licence avec une moyenne de 12,65. Je me suis inscrit avec la même promotion en Master.
B24 : Quels sont les moyens mis en œuvre par votre structure éducationnelle pour vous permettre d’évoluer ?
A.R.Z : Parlant de moyen matériel, c’est personnel. C’est l’étudiant qui apporte lui-même ses propres moyens qu’il met dans ces études. Souvent on a besoin d’un appui technique puisqu’on n’a pas la même écriture avec les personnes valides. Il y a une cellule de transcription de l’écriture braille à celui des valides. Ces écrits sont encore appelés « l’écriture noire » dans leur jargon.
Les moyens sont plus techniques que financiers. Parfois, elle nous soutient avec du matériel, même si souvent c’est du matériel qu’on paie. Puisque si ce n’est pas chez eux, on ne peut pas avoir.
B24 : Comment se déroulent vos évaluations ?
A.R.Z : Comme vous avez remarqué la différence de l’écriture déjà, lorsqu’ il y a un devoir, on doit prévenir à l’avance à la scolarité de l’UFR. Le chef de scolarité se charge d’appeler à l’avance l’association mère Association pour la Promotion des Personnes Aveugles et Malvoyants (APPAM) qui ont une cellule chargée de la transcription des devoirs des personnes malvoyantes. Quand l’université leur fait appel, ils viennent un jour avant le devoir. Ils prennent le devoir et le transcrivent en braille pour remettre aux élèves malvoyants pour leur composition. Après la composition, les transcripteurs reviennent prendre le devoir, le décoder et le transcrire en noir pour remettre au professeur.
B24 : Quels sont vos matériaux de travail ?
A.R.Z : Le matériel de travail est constitué de évo10 (un appareil enregistreur), une écritoire composé de poinçon (utilisé pour la perforation de la feuille) et une tablette qui est sous forme d’ardoise (une ardoise où on met une feuille pour perforer).
Un ordinateur avec des logiciels comme DUOS NTDA, des lecteurs d’application (une machine ordinaire où on insert une synthèse vocale qui parle à la personne malvoyante, tout ce qui est écrit sur l’écran). J’ai eu à faire des formations en informatique au sein de l’association pour m’adapter.
B24 : Avez-vous un métier qui vous tient à cœur ?
A.R.Z : Peut-être dans le domaine artisanal. Je veux apprendre le tissage des lits picot, des chaises et autres peut-être qui pourraient m’intéresser puisque il y a un atelier dans notre association.
B24 : Etes-vous dans une association ?
A.R.Z : Il y a une association mais je ne suis pas membre, puisque je suis venu en tant qu’élève. J’étais en classe de terminale en 2014. En fait, c’est en terminale que j’ai perdu la vue et je suis venu apprendre l’écriture et puis faire le bac pour poursuivre à l’université. Je ne me suis pas intéressé parce que je n’avais pas le temps et je n’étais pas trop intéressé. C’est maintenant que je vois que le métier artisanal est vraiment bien.
B24 : Quelles sont vos difficultés ?
A.R.Z : Dans le domaine du handicap visuel que je vis, la difficulté principale c’est le moyen de déplacement. La chose que la vue empêche, c’est le déplacement sinon si c’est du côté intellectuel, tout est déjà là. La personne vivant avec un handicap a besoin de joindre le lieu où elle veut.
Lorsque je veux venir à l’université, je ne peux pas venir seul. Il faut que quelqu’un m’accompagne, et ce n’est pas une simple affaire de trouver quelqu’un pour le faire et c’est difficile. Lorsque je viens, la personne ne peut s’arrêter et m’attendre. Il faut que la personne reparte pour revenir après.
Ensuite, le problème de moyens dans les études puisque les personnes handicapées paient deux fois plus que les personnes valides parce que dans l’association, il faut payer avant qu’on ne vienne faire le suivi pour l’évaluation et payer la scolarité aussi. Sans oublier le matériel pour les études.
B24 : Quelles sont les procédures pour l’insertion professionnelle ?
A.R.Z : C’est comme tous les autres étudiants. Après la formation, il faut faire un concours. Déjà l’État a mis en place un concours des personnes handicapés qui a vu la première participation en 2014 sous le pouvoir du président Blaise Compaoré, et après son départ, ils ont réorganisé en 2017, spécialement pour les personnes vivant avec un handicap. On peut dire que la seule voie pour intégrer la fonction publique, c’est le concours.
B24 : Pensez-vous que vous serez bien accueilli dans le privé ?
A.R.Z : : Dans le privé, ce sera très difficiles. Le commun même des mortels ignore les capacités des personnes vivant avec un handicap. Le privé est basé sur le système capitaliste de rendement. Mais comme ils ont une fausse idée derrière laquelle la personne handicapée n’est pas très capable, c’est difficile.
B24: Comment êtes-vous accueilli par votre entourage ?
A.R.Z : Sincèrement je remercie Dieu parce que j’ai un bon entourage et amis. Lorsque je voyais, on entretenait de bonnes relations et même avec la perte de vue.
Le handicap n’est pas quelque chose qu’on achète aussi et je sais qu’ils ont réfléchi dans ce sens là. On a fait l’école ensemble, mais mes capacités étaient vraiment connues et quand ils savent que ce n’était pas un choix d’être handicapé, ils doivent bien raisonner et dans c’est dans ce sens que j’ai toujours entretenu de bonnes relations avec mes amis.
B24 : Avez-vous déjà eu un soutien de la part de l’Etat ?
A.R.Z : Non, je n’ai pas encore eu un soutien de l’Etat.
B24 : Quel appel avez-vous à lancer à l’Etat ?
A.R.Z : Ma première doléance, est que l’Etat puisse instaurer la carte d’invalidité qui montre que tu es invalide. En tenant cette carte, la personne vivant avec un handicap a un certain droit. Si ces droits étaient respectés, le transport, la scolarisation, la santé, l’Etat devrait tout subventionner pour que la personne vivant avec un handicap puisse s’épanouir. Aussi qu’il sensibilise la population pour que les gens comprennent les personnes vivant avec un handicap.
Propos recueillis par Joël THIOMBIANO (stagiaire)
Burkina 24.
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