Rage au Burkina : « Toute morsure d’un animal est suspecte » (Dr Madi Sawadogo)
La rage est une maladie presque oubliée des populations mais qui continue de faire des victimes au Burkina Faso. En vue de faire connaitre la réalité de cette maladie et ces complications, Burkina 24 est allé à la rencontre d’un médecin spécialiste dans la prise en charge des animaux. Il s’agit du Dr Madi Sawadogo, médecin vétérinaire et coordinateur général de l’association Rabies free Burkina Faso.
B24 : Dr Sawadogo, quelle est la situation de la rage au Burkina ?
Dr Sawadogo : En terme de situation de la rage au Burkina Faso, il faut que c’est une maladie qui est une réalité parce que tout simplement lorsque nous considérons les cas de morsure par les animaux qui sont suspects de rage, les données que nous avons pu voir dans les documents qui viennent des centres de prises en charge des personnes mordues, en l’occurrence le service d’hygiène à Ouagadougou, on dénombre environ 5.000 cas de morsures chaque année.
C’est une moyenne et il faut retenir que presque 98% de ces 5000 sont des gens qui sont mordues dans la ville de Ouagadougou. Pour dire que peut être la plupart de ceux qui sont mordus même ne sont pas informés et ne font pas la démarche nécessaire pour se déclarer auprès des centres de santé. On peut dire qu’au-delà des 5000 cas, il y a d’autres cas. Il faut se dire également qu’il y a des cas de mortalité. Parce qu’il y a des gens qui n’ont pas pu commencer le traitement à temps ou bien il y a des gens qui n’ont même pas eu accès au traitement.
On a enregistré des mortalités généralement au niveau du service des maladies infectieuses de l’hôpital Yalgado avec qui aussi nous travaillons. Dans la littérature, on peut constater que dans certains cas, il y a environ 5 décès par an et dans d’autres cas aussi il y a certains documents qui font état d’une vingtaine de morts par an. Comme je l’ai dit, c’est une maladie qui est négligée, qui n’est pas connue et certainement il y a plusieurs personnes qui meurent dans nos provinces, dans nos régions, dans nos communes, qui ne sont pas du tout déclarées comme victimes de la rage.
B24: La rage concerne uniquement les chiens ou d’autres animaux également ?
Dr Sawadogo : En termes de sensibilisation, de communication, l’accent a toujours été mis sur le chien que les autres animaux qui sont mis à côté. Alors que tous les mammifères que nous avons autour de nous, sont des animaux qui peuvent transmettre la rage. Il s’agit de la chèvre, le mouton, le bœuf, l’âne, le cheval, le porc, le chat et le singe qu’on retrouve de temps en temps dans des ménages. Ce sont des animaux lorsqu’il y a cas de morsure il faut faire attention parce que ça peut transmettre la maladie.
B24 : Quels sont les cas les plus rencontrés ?
Dr Sawadogo : Dans nos contrées, les cas les plus rencontrés sont causés par les chiens. Il nous revient que presque 99% des cas de morsures sont dus au chien. Les autres espèces animales sont des cas différents parce que quand vous prenez même, le comportement des animaux est différent.
Même le mouton ou la chèvre mord exceptionnellement quelqu’un. Ce qui fait d’ailleurs que quand ces animaux mordent il faut faire attention parce que ce sont des animaux particulièrement qui ne mordent pas. C’est pour dire que c’est le chien essentiellement qui pose problème, mais ne pas oublier les autres animaux. Quand ils mordent il faut faire appel au traitement.
B24 : En terme de prévention, est ce que les propriétaires des animaux font vraiment des vaccinations ?
Dr Sawadogo : Nous avons mené un certain nombre d’études sur la vaccination antirabique sur les animaux de compagnie au Burkina, dans un certain nombre de villes comme Ouagadougou, Bobo-Dioulasso et Dédougou. Mais, il nous revient toujours que la vaccination des animaux est plutôt très très faible.
On peut dire que moins de 45% de ceux qui ont les animaux dans ces grandes villes les vaccinent. A Bobo par exemple, c’est autour de 25%. On n’a même pas pris en compte les animaux, les chiens qui sont errants, qui souvent sont nés dans les décharges publiques et qui n’ont pas véritablement de propriétaire.
B24 : Les propriétaires des autres animaux sont-ils conscients que ceux-ci peuvent aussi transmettre la rage ?
Dr Sawadogo : Je ne suis pas sûr, parce que même quand nous échangeons avec un certain nombre de professionnels, on se rend compte que c’est un aspect qui n’est pas connu. C’est ce qui fait que la communication est axée sur essentiellement le chien. Notre association a été mise en place pour aller dans ce sens c’est-à-dire sensibiliser les communautés sur tous les aspects de la lutte contre la maladie.
Non seulement la vaccination, l’importance de la vaccination des animaux parce que quand vous vaccinez, vous protégez votre famille, vos voisins, toute la communauté parce que votre animal ne risque pas de transmettre la maladie à quelqu’un.
Il y a aussi l’importance de la vaccination, les risques de la maladie, les animaux qui peuvent transmettre la maladie mais aussi faire en sorte que ces communautés puissent contribuer à l’alerte pour que quand il y a un cas qu’ils puissent contacter les services compétents, qu’ils partent dans un centre de santé pour le traitement. Un autre aspect, c’est de faire en sorte que la prise de conscience d’une manière générale s’améliore pour que ces professionnels puissent contribuer à diffuser l’information hors des grandes villes pour que les gens connaissent les conduites à tenir en cas de morsure.
B24 : On peut dire que toute morsure d’animal est suspecte ?
Dr Sawadogo : Tous les mammifères que nous avons chez nous, au-delà du chien, lorsqu’il y a morsure c’est suspect. Toute morsure d’un animal est suspecte, on doit prendre au sérieux parce que le problème de la rage c’est qu’elle est à 100% pré-évitable par la vaccination. Dès qu’on met en œuvre la vaccination, on peut l’éviter mais si par mégarde on laisse la maladie se déclarée, il n’y a plus de traitement. C’est pourquoi dès qu’il y a morsure, on ne doit pas négliger. 0n doit respecter scrupuleusement la procédure.
B24 : Quels sont les vaccins à administrer pour les animaux ?
Dr Sawadogo : Pour les animaux, c’est le vaccin antirabique qu’on doit utiliser pour prévenir la rage et ce vaccin est disponible auprès des cliniques vétérinaires dans la plupart des villes qui offrent la vaccination. Au-delà de ça, chaque année, à l’occasion de la journée mondiale de la rage, les services au niveau du ministère des ressources animales organisent des campagnes de vaccinations subventionnées qui permettent à beaucoup de propriétaires d’avoir ce vaccin. Nous aussi en tant que nouvelle association, nous allons, à l’occasion de cette journée, travailler aux côtés de ces services pour faire en sorte que cette vaccination puisse être de mieux en mieux adoptée par les propriétaires des animaux
B24 : Quel est le cout de la vaccination ?
Dr Sawadogo : Le coût de la vaccination antirabique chez les animaux est variable. A l’occasion de la célébration de la journée mondiale, elle est subventionnée et coûte 1000F. Dans les services privés, le coût est variable parce qu’ils ne sont pas de la même marque. Les vaccins ne viennent pas des mêmes fournisseurs et tout cela peut contribuer à varier les prix entre 2000F, 3000F et 5000F.
Normalement pour vacciner un animal, il faut qu’il ait 3 mois. La vaccination antirabique chez les animaux, les carnivores notamment le chien, le chat et le singe, c’est une vaccination obligatoire. C’est prévu par la règlementation et en principe, il y a des sanctions pour ceux qui ne respectent pas. Dès que votre animal a trois mois, vous le vaccinez et à la suite de ça, chaque année vous le ramenez pour renouveler la vaccination.
B24 : Qu’en est-il de la prévention chez l’homme ?
Dr Sawadogo : Lorsque vous êtes mordu par un animal, ou vous connaissez quelqu’un qui a été mordu par un animal, il faut toute suite procéder au lavage de la plaie parce que la transmission se fait via la salive de l’animal. C’est dans la salive de l’animal que se trouve le virus. Donc quand il mord, il faut vraiment nettoyer la paie avec de l’eau et du savon pendant au moins 15mn. C’est ce qui est recommandé par l’Organisation Mondiale de la Santé.
Une fois que vous nettoyez, vous vous rendez très rapidement dans une organisation sanitaire. Si vous êtes dans les provinces, les régions, il faut vous référer au centre sanitaire le plus proche. Dans les villes de Ouagadougou et Bobo Dioulasso, au-delà de ces centres, vous pouvez aller dans les services d’hygiène qui disposent du vaccin pour effectuer la vaccination après blessure.
Pendant que vous vous rendez à la formation sanitaire, il faut exiger systématiquement à ce que l’animal mordu soit mis en observation. Souvent il y a certains propriétaires qui disent, « oui mon animal est vacciné. J’ai le carnet ». Face à une morsure, tout ça est inutile. Qu’il soit vacciné ou pas l’animal doit être systématiquement mis en observation par un vétérinaire. Cela contribue à suivre l’état de santé de l’animal pour voir s’il est enragé ou pas. Cette information doit guider les médecins traitants pour vraiment prendre en charge la personne mordue.
B24 : Quel appel avez-vous à lancer ?
Dr Sawadogo : Au niveau des autorités, c’est faire en sorte que le vaccin soit disponible, qu’il n’y ait pas de rupture. Ce que nous venons de vivre cette année est dur. Il y a eu une rupture au mois de janvier. Nous avons eu une longue rupture. Jusqu’à présent, nous n’avons pas d’information sur la rupture, si elle a été levée ou pas. Ce n’est pas du tout intéressant, parce qu’on sait la dangerosité de la maladie. Lorsque la rage se déclare il n’y a plus de traitement.
C’est l’une des maladies qui, jusqu’aujourd’hui, il n’y a pas de traitement. Si ça se déclare, tout ce qu’on peut faire c’est malheureusement accompagné le patient à trouver des moyens pour atténuer sa douleur jusqu’à sa mort. Par contre, si le vaccin est là, une fois administré, on a presque 100% de chance que la personne ne développe pas la maladie.
Si nous avons la chance d’avoir des moyens pour sauver des vies. On doit tout mettre en œuvre pour qu’on ne perde pas de vie parce qu’une vie perdue est irrécupérable.
Au niveau des professionnels, il faut qu’il y ait une bonne collaboration entre les agents de santé qui sont dans les formations sanitaires et ceux qui sont au niveau des services d’hygiène mais également avec les vétérinaires qui vaccinent les animaux qui font la mise en observation des animaux après la morsure. Une parfaite collaboration pour que les informations qui vont circuler permettent de prendre en charge correctement la personne mordue pour éviter la catastrophe.
Alice Suglimani THIOMBIANO
Burkina 24
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