Mention « mort naturelle » sur le certificat de décès de Sankara : « J’ai laissé parler mon cœur »

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Le procès sur l’assassinat de Thomas Sankara et ses 12 compagnons se poursuit ce jeudi 4 novembre 2021 au Tribunal militaire délocalisé à Ouaga 2000. L’accusé à barre ce matin est Alidou Jean Christophe Diébré, médecin colonel à la retraite, né le 10 février 1950, marié et père de 4 enfants.

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Il est accusé de « Faux en écriture publique ». Il est celui-là même qui a établi le certificat de décès de Thomas Sankara en mentionnant « mort naturelle ». L’accusé reconnaît les faits.

Il était commandant infirmier à l’infirmerie de garnison du camp Guillaume Ouédraogo au moment des faits. « Je reconnais pour avoir établi, signé et délivré trois certificats de décès. C’est trois mois après les évènements du 15 octobre 1987, trois veuves y compris la veuve de Thomas Sankara (Mariam Sankara, Ndlr) sont venues me voir à la maison me demandant d’établir un certificat de décès pour des besoins sociaux.

J’étais embêté de voir ces veuves m’implorer. Cela faisait pitié, mais je ne savais pas quoi mentionner là-bas, car je n’ai pas vu le corps. J’ai refusé un premier temps, car je ne savais pas quoi noter, mais j’avais des relations humaines avec Thomas Sankara et je ne peux pas lui refuser cet acte humanitaire », raconte-il.

« J’allais le refaire, si je n’ai pas vu le corps »

Le juge dit comprendre le caractère humain de l’acte pose, mais que « la déontologie était écorchée ». « Je reconnais n’avoir pas obéi à la rigueur de la déontologie. Je reconnais la faute professionnelle. Mais j’ai laissé parler mon cœur, sinon j’aurais dit d’aller voir un autre médecin », a laissé entendre l’accusé à la barre.

Si pour le juge, la mention « mort naturelle » n’est pas adaptée à la condition dans laquelle Thomas Sankara a été tué, Alidou Jean Christophe ne trouve pas d’autre alternative. « Si le mot ‘mort naturelle’ ne sonne pas bien à l’oreille, je m’en excuse. Sinon c’est un diagnostic de décès que j’ai fait et non une autopsie. La mort est un phénomène naturel jusqu’à ce qu’on fasse une autopsie pour déterminer la cause. J’ai juste posé un acte humanitaire », répond-il.

Le parquet n’est pas du même avis que l’accusé du moment où ce dernier avait connaissance de la fusillade qui a causé la mort du Président ; la mention « mort naturelle » ne cadre pas. Toujours selon le parquet, l’accusé serait là à reconnaître et a demandé pardon mais semble être sur la défensive.

« Si aujourd’hui je devrais le refaire, je vais réfléchir deux fois, mais aider quelqu’un fait partie de mon caractère. Donc j’allais le refaire, si je n’ai pas vu le corps. Je mettrai ‘mort naturelle’ jusqu’à ce qu’on fasse l’autopsie car on ne peut pas déterminer la cause d’une mort sans autopsie », se défend le médecin colonel à la retraite.

« En toute humilité, je demande pardon »

L’interrogatoire de Alidou Diébré s’est poursuivie avec les questions du parquet et des avocats des parties civiles. Le parquet pense que l’accusé a établi le certificat de décès de Thomas Sankara sous instruction. Pour l’accusé, il n’en est pas question.

« A l’époque, personne ne pouvait m’obliger à mentionner ‘mort naturelle’. A tigui tey ! (Cette personne n’existe pas, Ndlr). Ça jamais. Je l’ai fait en âme et conscience, par pur humanisme », a-t-il lancé.

La partie civile lui a également reproché son attitude d’agir à contrario par la déontologie. « C’est le type d’accusé non repenti qui récidive », l’a qualifié un avocat des parties civiles. Mais pour l’accusé, cela ne traduit pas son intention.

« Si vous me donnez l’occasion de m’excuser, je le ferai publiquement. Si ces actes que j’ai établis, au lieu d’aider, ont créé des problèmes, en toute humilité, je demande pardon. Ce n’était pas mon intention », a-t-il lancé. L’audience a été suspendue et reprend sous peu avec les questions et observations de la défense.

Akim KY

Burkina 24

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