« Blaise Compaoré avait un problème avec la révolution et Thomas Sankara » (Témoin)
Le procès sur l’assassinat de Thomas Sankara et ses 12 compagnons évoluent au Tribunal militaire délocalisé à Ouaga 2000. Après l’interrogatoire des accusés, c’est au tour des témoins de donner leurs versions des faits. Et le premier témoin à passer à la barre, ce mardi 16 novembre 2021, est Traoré Daouda, colonel-major à la retraite, membre du CNR au moment des faits.
Après avoir juré de dire la vérité, rien que la vérité, il a relaté sa version des faits. Il a commencé son récit par son affectation dans la ville de Fada N’Gourma comme chef d’unité du bataillon d’Infanterie de Fada.
Chose, selon lui, qui n’a pas été de son goût. « J’avais voulu faire un stage au Cuba, mais on m’a affecté à Fada », a-t-il dit. Daouda Traoré était membre d’une commission de contrôle au sein du CNR. A ce titre, il dit avoir reçu Balise Compaoré pour savoir ce qu’il savait des tracts qui circulaient en son temps.
« On lui a demandé : ‘il semble que tu mènes des réunions avec des groupuscules’. Il a dit qu’il n’avait rien contre Sankara et que c’est juste des rumeurs. Il a dit qu’il ne prendrait pas une brindille contre Sankara », a-t-il souligné avant d’en venir aux faits du 15 octobre 1987.
« Quand on m’a dit que malheureusement Sankara est mort. J’ai crié »
Pendant qu’il s’apprêtait à rejoindre son poste à Fada, Traoré Daouda dit avoir entendu des coups de feu, étant à la SOCOGIB. Le témoin dit avoir été couvert par la main de Dieu car quelqu’un l’a fait attendre longtemps pendant qu’il se rendait au conseil pour récupérer du carburant avec Saba Christophe. Mais au moment des tirs, il a failli y laisser sa vie.
« Je suis parti avec mon garde de corps. On est entré par la porte du Lycée Bogodogo. J’ai envoyé mon élément d’aller dire que le lieutenant Daouda Traoré veut entrer au conseil. Il a été menotté et mis à terre. Et en même temps, ils ont envoyé une rafale », indiqué le témoin.
Il dit avoir trouvé refuge au sein de la SNP où il était toujours adjoint. C’est de là-bas que le témoin dit avoir appelé au conseil pour comprendre ce qui se tramait. « J’ai appelé, j’ai demandé ce qui se passe. Ils m’ont passé Gilbert Diendéré. Et lui, il m’a passé Lingani, lui aussi il m’a dit qu’il me passe Blaise Compaoré. Quand on m’a dit que malheureusement Sankara est mort. J’ai crié. Il me dit calme-toi, nous aussi on a perdu des hommes mais la révolution doit continuer. Aide-moi, je te verrai demain », a-t-il relaté.
« Blaise s’est servi des frustrations de certains camarades pour réaliser son complot »
A l’écouter toujours, le lendemain, il avait décidé d’aller à Fada quand Blaise lui opposait un refus. « Je lui ai dit que j’aillais à Fada. Il m’a dit ‘surtout pas, tu ne bouges pas de Ouagadougou’ », confie-t-il avant de déduire qu’il risquait d’être assassiné à Fada. Traoré Daouda dit avoir été interpelé par Blaise Compaoré afin qu’il rejoigne son rang le 20 octobre 1987, et que son refus lui a coûté la détention avec Pierre Ouédraogo, et Moussa Diallo pour 6 mois.
Après la détention, il avoue avoir été reçu par Jean Pierre Palm et ses hommes pour leur donner des avertissements. « Vous savez ce qui vous amène ici ? J’étais accusé pour une participation passive au complot de 20h. Et ils ont dit que vous êtes radié de l’armée », cite-t-il.
Une fois son récit terminé, le témoin est revenu sur son analyse des faits. A l’entendre, « Blaise Compaoré avait un problème avec la révolution et Thomas Sankara. Mais je ne pense pas qu’il y ait un problème entre les deux. Blaise s’est servi des frustrations de certains camarades pour réaliser son complot », indiqué-t-il.
« Thomas Sankara était très juste, loyal, dynamique »
Daouda a cité entre autres des difficultés financières, la rigueur du président Sankara comme cause de certaines insatisfactions internes. « Je me rappelle que la 504 de Lingani était en panne et le mécanicien est venu avec une pièce de 35.000 francs CFA. Lingani a mis sa main dans les poches, il n’avait pas les 35.000 francs », a-t-il révélé.
Mais qu’à cela ne tienne, pour Daouda Traoré « Thomas Sankara était très juste, loyal, dynamique. On peut ne pas être d’accord avec lui mais son argumentaire est imparable. Il avait la rigueur et la morale révolutionnaire ».
Sa mort est loin d’être un accident, selon le Colonel-major à la retraite. « Ceux qui ont tué étaient venus pour tuer et non pour arrêter », lance-t-il avant d’ajouter : « Je pense qu’incontrôlés que soient les éléments qui l’ont fait, ils ne sont pas bêtes pour rentrer dans une caserne et tuer le président et ressortir vivant. Je suis surpris qu’on ait agi au sein du conseil en toute impunité. Si j’avais le commandement du conseil, ils pouvaient entrer et arriver à tuer mais ils ne ressortiraient pas vivants », a-t-il argué.
Akim KY
Burkina 24
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