« Thomas Sankara avait tendance à décider seul » (témoin)
Les dépositions continuent au tribunal militaire délocalisé à Ouaga 2000 dans le cadre du procès de l’assassinat de Thomas Sankara et 12 autres. Philipe Ouédraogo, un ancien cadre du Parti Africain de l’indépendance (PAI) a fait son témoignage sur les événements du 15 octobre 1987, ce lundi 29 novembre 2021.
Membre démissionnaire du gouvernement et du conseil national de la révolution (CNR), cet ancien cadre du Parti Africain de l’Indépendance (PAI) a construit son témoignage autour des événements avant 15 octobre avec la démission de son parti du CNR et aussi sur les relations entre les leaders de la révolution.
D’entrée de jeu, Philipe Ouédraogo a retracé les discordances dont il a été témoin au sein du CNR. Il est revenu sur les causes du départ de son parti. « Nous avions voulu garder notre indépendance et donner librement notre point de vue. Mais cette liberté d’esprit n’était pas appréciée par des camarades militaires de l’ULCR. Nous avions convenu verbalement que les militaires allaient proposer 4 représentants, mon parti (4), l’ULCR (4) et ainsi que les autres partis. Mais cette règle n’était pas respectée par le président Sankara qui faisait venir des militaires au fur et à mesure.
J’ai compté 51 militaires en juin 1984 et cela ne facilitait pas les débats. Thomas Sankara avait tendance à décider seul. Les militaires étaient trop excessifs et expressifs. J’étais ministre de l’information en son temps, dans les sorties c’est toujours un officier qui dirige la délégation », a-t-il relaté.
A l’entendre le non-respect des principes a occasionné des frustrations par-dessus l’agissement des militaires. Le témoin a ensuite évoqué des contradictions qui ont fragilisé le régime du CNR. Entre autres la « cacophonie » lors du 2 octobre à Tenkodogo.
« Sankara a fait un discours beaucoup rassembleur tendant à travailler avec ceux qui n’avaient pas la même vision que la révolution, mais le discours de l’étudiant Somé Jonas était plus radical. Il parlait de démarcation et traitait d’autres de réactionnaires. Ce discours a été apprécié par les CDR qui applaudissaient beaucoup », a-t-il souligné.
Philipe Ouédraogo dit avoir été reçu le 19 octobre 1987 par Blaise Compaoré pour lui expliquer ce qui s’était passé le 15 octobre. Il a évoqué les divergences sur la formation d’un parti unique soulevé par Blaise Compaoré comme l’une des discordes majeures qui a secoué le CNR.
« Aussi Blaise Compaoré a dit que lors de son mariage, le président ivoirien Félix Houphouët-Boigny avait donné 10 millions de FCFA pour le couple. Mais que Thomas Sankara a voulu qu’il reverse cela dans la caisse. Et Blaise dit que sa femme ne pouvait pas comprendre cela en son temps », a-t-il ajouté. en poursuivant que la moitié des 10 millions est finalement revenue au CNR.
Le témoin a aussi fait son opinion sur la moralité de Thomas Sankara et Blaise Compaoré. « Thomas Sankara était un officier dont la valeur militaire n’était pas contestée. Il a fait libérer des villages burkinabè qui étaient conquis par les Maliens en 1985. Il constitue souvent la hiérarchie militaire mais cela n’enlève rien à sa valeur militaire. C’était un homme intelligent, éloquent. Blaise paraissait beaucoup timide et militairement bien apprécié. Tout le monde voyait en lui un ami intime de Thomas Sankara. Mais c’était un homme sensible et susceptible », a-t-il laissé entendre.
Akim KY
Burkina 24
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